Reportage – Malgré les tensions sécuritaires, le tourisme continue de se développer dans le district des Savanes, avec pour centre névralgique la troisième ville du pays, Korhogo.
Par notre correspondant à Abidjan, Hadrien Degiorgi Source: Lepoint.fr
Sur la route du Nord, à près de 600 kilomètres de la capitale économique Abidjan, l’inquiétude n’est pas nouvelle. « Après les attaques, nous avions vraiment éprouvé de la frayeur, surtout dans notre secteur d’activité », témoigne un acteur du tourisme de la ville de Korhogo. Le guide fait ici référence aux différentes attaques qui ont touché le district et d’autres régions voisines. Entre 2020 et 2021, ce sont ainsi plusieurs localités, telles que Kafolo, Téhini ou Tougbo, qui ont subi de lourdes pertes causées par des assaillants venus du Burkina Faso, dont la frontière est située à seulement quelques kilomètres.
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À chaque fois, le mode opératoire convoque de petits commandos lourdement armés, attribuables à cette myriade de groupes djihadistes qui sévit à grande échelle dans plusieurs pays du Sahel. Pour rappel, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU estimait récemment le nombre total de déplacés internes burkinabés à plus de 2 millions. Pour l’année 2023, l’organisation spécialisée dans le référencement des incidents violents, Acled, recensait 12 000 victimes réparties entre le Burkina, le Mali et le Niger.
Cette descente de la menace terroriste vers les pays du golfe de Guinée avait déjà marqué au fer rouge la mémoire des Ivoiriens à la suite de l’attentat de Grand-Bassam qui, en 2016, avait coûté la vie à seize civils et trois militaires sur les plages de la station balnéaire. À ces ennemis trop souvent invisibles vient s’ajouter la tension croissante qui agite les relations entre Abidjan et Ouagadougou. Les interpellations de militaires ivoiriens et burkinabés se sont multipliées de part et d’autre de cet espace frontière où la collaboration sécuritaire devrait pourtant être de rigueur. Parmi les points de discorde, l’épineuse question de l’accueil des réfugiés en provenance du Burkina qui seraient déjà plus de 60 000 à avoir été accueillis par la Côte d’Ivoire depuis 2021. Plus récemment, ce sont les discussions concernant un probable redéploiement des forces américaines sur le territoire ivoirien qui avait fait dire au capitaine Ibrahim Traoré – chef de file de la transition au Burkina Faso – qu’Abidjan et ses partenaires souhaitaient « déstabiliser » son pouvoir.
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La jeunesse aux commandes
En dépit d’un contexte de nature à miner l’élan touristique vers ces régions quelque peu éloignées, nombreux sont les acteurs à réfuter chaque jour cette hypothèse. C’est le cas de Vincent Yeo, ce jeune homme ambitieux qui, du haut de ses 27 ans, s’est imposé comme un personnage clé du tourisme des environs de Korhogo, sa ville natale. Alors étudiant en géographie, son goût pour l’histoire de sa région l’amène progressivement à être sollicité par des amis, puis des connaissances familiales pour organiser des visites. De fil en aiguille, les recommandations font leur chemin et les messages de parfaits inconnus finissent par déferler sur son fil de conversation WhatsApp. Korhogo Tourism propose ainsi des itinéraires construits selon les besoins de chaque client pour partir à la découverte des traditions sénoufo. Ce peuple, l’un des plus importants du pays, s’est lentement implanté dans le Nord ivoirien depuis le Xe siècle. À l’origine nomades, ces familles se sont progressivement organisées en villages fondés autour d’exploitations agricoles. L’occasion pour le visiteur de réaliser à quel point les paysages du district des Savanes peuvent se révéler fertiles durant une grande partie de l’année.
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