Un cardinal doit-il utiliser un langage codé ?

Le cardinal Jean-Pierre Kutwã a passé le témoin à Mgr Ignace à la tête de l’archidiocèse d’Abidjan, le 3 août 2024. L’intervention faite par lui à cette occasion continue d’être commentée et interprétée. Ainsi, certaines personne estiment qu’un cardinal ne peut pas dire les choses crûment et qu’il a eu raison de ne pas indexer nommément Alassane Ouattara. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. Pourquoi?

Du 31 janvier au 3 février 2023, le pape François effectua un voyage apostolique à Kinshasa. Il profita de ce voyage pour interpeller vigoureusement les Occidentaux en leur demandant de respecter l’Afrique qui n’est pas une terre à dévaliser et de cesser de l’étouffer. Avait-il mal parlé? Non. Le ciel lui tomba-t-il dessus et fut-il empêché de retourner à Rome? Non. Le 9 mars 1983, lorsque Jean-Paul II déclara au dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier: ”Il faut que quelque chose change ici”, commit-il une erreur? Non. Alors, pourquoi des gens blanchis, nourris et censés ne pas avoir de famille (femme et enfants) manquent-ils de courage pour appeler un chat un chat (tancer publiquement les gouvernants qui martyrisent et affament le peuple) alors qu’une mère de famille comme Pulchérie Gbalet fait quotidiennement montre de ce courage, même après avoir fait la prison et après avoir été injustement renvoyée du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD)? Un laïc peut utiliser un langage diplomatique parce qu’il a des enfants à élever et un emploi à protéger. Ce ne devrait pas être le cas pour un individu qui prétend parler au nom du Christ qui, comme chacun le sait, fut maltraité et crucifié pour avoir dit la vérité aux riches et puissants de son époque, pour avoir critiqué publiquement scribes et pharisiens (Mt 23,1-33), pour avoir traité de renard le roi Hérode Antipas (Lc 13,32). Bref, le Nazaréen était perçu comme un homme dangereux par l’establishment politico-religieux parce qu’il n’avait pas sa langue dans la poche, d’une part, et parce qu’il n’avait pas pour habitude de réprimander en cachette les gens qui le méritaient (Jn 18, 13-27).

Il y a des discours ambigus et tellement vagues que l’on ne sait plus à qui et de qui l’orateur veut parler. Un évêque qui tient ce genre de discours est à la fois un poltron et un complice de ceux qui dépouillent et terrorisent les populations africaines. Il trahit à la fois Jésus et le peuple africain. Le cardinal Fridolin Ambongo (RDC) affirme que le devoir de réserve convient aux diplomates et qu’un évêque n’est pas là pour caresser dans le sens du poil dictateurs et violeurs de constitution. Pour l’archevêque de Kinshasa, un vrai homme de Dieu doit être direct et franc dans sa prise de parole, se mettre toujours du côté du peuple, prendre la défense des opprimés et exploités et être prêt à souffrir pour cela. Le grand problème dans notre Église d’Afrique, c’est que certains veulent l’argent, les titres et les honneurs sans la croix. De la fonction, ils aiment les avantages mais détestent les inconvénients. Or la route que choisit Jésus est celle de la croix. Les évêques et cardinaux qui fuient la croix, n’ayons pas peur de les qualifier d’imposteurs.

C’est bien beau de s’habiller de telle ou telle façon mais ceux qui portent des vêtements rouges en connaissent-ils la signification? Le rouge symbolise le sang versé par le Christ durant sa passion. C’est la couleur des martyrs. Les cardinaux doivent donc être capables de rendre témoignage à la vérité jusqu’au sang (usque ad sanguinem). C’est la formule latine employée par le pape lorsqu’il leur remet la barrette (coiffe rouge à quatre bords). La soutane, la calotte et la barrette rouges signifient que les cardinaux sont appelés à verser leur sang pour la cause de la vérité et de la justice.

Jean-Claude Djéréké

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