La crise croissante de la dette africaine et la nécessité de réformer l’architecture financière mondiale

Par Muhammad Mustapha Gambo, PhD

L’encours de la dette africaine a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Il est compréhensible que les gouvernements africains aient profité des taux d’intérêt historiquement bas des années 2010 pour emprunter massivement sur les marchés financiers internationaux et auprès de la Chine.

Toutefois, la dette est récemment devenue beaucoup plus coûteuse. Depuis 2020, les conséquences de la crise COVID-19 et de la guerre en Ukraine, associées à la détérioration des conditions climatiques, ont entraîné la dégradation de la cote de crédit des gouvernements africains, ce qui a eu pour effet d’augmenter rapidement leurs coûts d’emprunt et de rendre prohibitif le recours aux marchés internationaux de la dette.

Selon les données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la dette publique en Afrique a atteint 1 800 milliards de dollars en 2022. En 2024, les pays africains paieront 163 milliards de dollars de service de la dette extérieure, selon la Banque africaine de développement.

Une personne sur cinq dans le monde vit dans un pays qui est en situation de surendettement ou qui risque de l’être. Les deux tiers des pays à faible revenu – dont la plupart se trouvent en Afrique – entrent dans cette catégorie, tandis que huit des neuf pays actuellement en situation de surendettement se trouvent sur le continent, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) 2023.

L’explosion démographique et l’urbanisation rapide, les besoins massifs en infrastructures, la diminution de l’aide publique au développement et des financements concessionnels sont quelques-uns des facteurs qui ont contribué à l’aggravation de la crise de la dette en Afrique.

Nécessité de réformes

Récemment, les ministres africains des finances, de la planification et du développement économique ont réclamé collectivement une action décisive pour réformer l’architecture financière mondiale à la lumière des dettes croissantes et pour stimuler les investissements nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable et de lutte contre le changement climatique dans le monde.

Les experts estiment que le système financier mondial est structurellement injuste pour les pays en développement en général, et plus particulièrement pour les pays africains, et que des réformes cruciales sont nécessaires de toute urgence pour résoudre le problème de la dette croissante de l’Afrique.

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Selon l’Institut italien d’études politiques internationales (ISPI, 2020), offrir aux pays africains des instruments de dette à des conditions plus favorables ou des liquidités, en échange de la dette existante, permettra non seulement de fournir des liquidités immédiates, mais aussi de résoudre les problèmes de viabilité de la dette à long terme.

En l’absence de meilleurs mécanismes pour les pays africains en situation de surendettement, davantage de gouvernements auront du mal à assurer le service de leurs obligations et limiteront leur capacité à investir pour répondre aux besoins de développement de leurs pays. Cela est d’autant plus pertinent qu’il faut redoubler d’efforts pour relever les défis du changement climatique dans la région, grâce à des mesures efficaces d’adaptation au climat et d’atténuation de ses effets.

Les institutions multilatérales africaines

À la lumière de ces défis, il est nécessaire de mettre en place des engagements pratiques ancrés par les institutions de financement du développement (IFD) dirigées par l’Afrique, telles que la Banque africaine de développement, afin de réformer l’architecture financière mondiale et d’assurer une transition du multilatéralisme vers un système plurilatéral du système financier mondial – un système plus souple, plus inclusif, plus flexible et plus réaliste pour répondre à la nature changeante des défis auxquels les pays africains sont confrontés aujourd’hui.

Parallèlement, les IFD sectorielles telles que Shelter Afrique Development Bank et d’autres institutions concernées, qui font partie des partenaires fondateurs de l’Alliance des institutions financières multilatérales africaines (AAMFI), créée sous les auspices de l’Union africaine pour soutenir la mise en œuvre de l’Agenda 2063, jouent également un rôle essentiel. Sa création souligne l’engagement de l’Afrique en faveur de l’autosuffisance et du développement économique durable.

On pense que l’AAMFI, qui est une alliance d’institutions financières multilatérales africaines (IFMA) détenues et contrôlées par des Africains et dont les membres comprennent également l’Assurance pour le développement du commerce et de l’investissement en Afrique (ATIDI), la Banque africaine d’import-export, le Groupe de la Banque pour le commerce et le développement, la Société financière d’Afrique (Africa Finance Corporation), African Reinsurance Corporation (Africa-Re), ZEP-RE (PTA Reinsurance Company), la Banque de développement de l’Afrique de l’Est (EADB) et le Fonds de solidarité africain (ASF) répondront aux besoins de l’Afrique en matière de financement du développement, défendront les intérêts de l’Afrique sur les questions financières mondiales, développeront des outils financiers innovants et soutiendront des stratégies de financement durable.

L’AAMFI est en pole position pour mener les réformes financières au nom du continent.

Comme le dit l’adage, si vous voulez aller vite, allez-y seul. Si vous voulez aller loin, allez-y ensemble.

L’auteur travaille à l’unité « Politique, recherche, partenariats et services consultatifs » de la Shelter Afrique Development Bank et est 2023 Fellow à l’Asia Global Institute.

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