Côte d’Ivoire: Guerre de pouvoir au sein du parti de Ouattara

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Qui sera le candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel ? A 15 mois de la date du scrutin, prévu le 30 octobre 2025, personne ne peut dire avec certitude si Alassane Ouattara rempilera pour un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire. Malgré de coûteuses cérémonies d’hommage et d’apocryphes scènes d’adhésion relayées à grand renfort médiatique, le président ivoirien continue en effet de maintenir le suspense chez ses militants, au risque de relancer sans le vouloir la guerre de pouvoir et les petits meurtres entre camarades qui secouent son parti où plusieurs clans s’opposent ouvertement désormais.

Les nouvelles rumeurs qui circulent autour de la santé du président Ouattara ravivent la guerre de succession au sein du parti présidentiel, à 15 mois de l’élection présidentielle.

Le clan Bictogo, lui, commence à respirer. Après des semaines d’attente et, forcément, de grande solitude face aux diverses pressions administratives exercées sur ses entreprises, le président de l’Assemblée nationale a fini par obtenir un tête-à-tête avec Alassane Ouattara, le 14 juillet dernier. Durant cette épreuve, rien ne lui avait été épargné. Ses travailleurs et sa famille biologique ont dû passer par des interrogatoires serrés au service du pôle et économique et financier (PEF) d’Abidjan qui veut savoir où sont passées les 6 millions d’euros d’avoirs dus au titre de la concession de l’impression du passeport national par la Société nationale d’édition de documentations administratives et d’identification (SNEDAI), une propriété de Bictogo.

La guerre des ambitions

L’entourage d’Alassane Ouattara prête toujours des ambitions présidentielles au « Diamant noir », sobriquet donné à Adama Bictogo pour ses nombreux actes de générosité en faveur de ses militants. Mais parmi ses plus grands adversaires, se trouvent le petit frère du président, Téné Ibrahima, le ministre de la défense, mais aussi le ministre-gouverneur Cissé Bacongo, le directeur de cabinet d’Alassane Ouattara, Fidèle Sarassoro, Kandia Camara, la présidente du Sénat et le haut représentant d’Alassane Ouattara, Gilbert Koné Kafana. Tous ces hommes exercent une réelle influence sur le président ivoirien puisqu’ils participent à la prise de nombreuses décisions de l’Etat.

Mais les proches de Bictogo les soupçonnent d’avoir organisé des fuites dans les médias pour nuire au président de l’Assemblée nationale. Parmi ces fausses informations figurerait celle qui fait croire que les milliards disparus des caisses des entreprises Bictogo ne relèveraient que d’un auto-détournement. Pourtant, « certaines de ces personnes reconnues coupables desdits détournements sont aujourd’hui sous verrou à la demande de la justice ivoirienne », renseigne le service de communication de Snedai, qui estime que le pôle financier et économique d’Abidjan n’a pu prouver la moindre anomalie depuis qu’il remue les dossiers comptables de toutes les entreprises du président de l’Assemblée nationale.

Les rumeurs sur la santé présidentielle

Pour autant, la guerre de succession ne baisse pas d’intensité. Les dernières rumeurs qui circulent autour de la santé du président ivoirien depuis qu’il a de nouveau pris l’avion, vendredi dernier, pour une consultation en France donne le sentiment à chaque potentiel successeur qu’il pourrait remporter l’investiture du parti présidentiel en cas de retrait de Ouattara. D’ailleurs, en glissant subrepticement, lors d’une interview accordée à Jeune Afrique qu’il accompagnera celui qui sera le candidat du RHDP si son frère décidait de ne pas briguer un autre mandat, le ministre de la défense, Téné Birahima Ouattara a brisé un vrai tabou.

Selon des indiscrétions, le président ivoirien pourrait en effet faire de la place à son vice-président, Tiémoko Meyliet Koné, s’il décide de ne pas se représenter. M. Meyliet est un personnage falot qui compterait néanmoins au nombre de ses amis de régime les hommes forts du président dont son frère cadet, Téné Birahima, et l’intransigeante nièce, Masséré Touré-Koné, nommée depuis quelques mois secrétaire générale de la présidence, un poste qu’elle cumule avec la direction de la communication présidentielle.

Téné Birahima aurait en effet des relations quasi amicales avec Tiémoko Meyliet qu’il consulterait régulièrement, tandis que la nièce du président lui donnerait toujours un « Monsieur le vice-président » afin de l’assurer de son estime. Le vice-président aurait aussi d’autres atouts, en particulier le fait d’être devenu un atout-maître de la présidence ivoirienne et de compter dans son carnet des adresses de champions nationaux locaux tel que le PDG du groupe Atlantic, Bernard Dossongui Koné et, dans le milieu politique français, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances français, ainsi que Christian Delmotte, le président d’Eurocham.

Pourtant, aux yeux de l’entourage d’Adama Bictogo, Alassane Ouattara l’aurait choisi ce dimanche 14 juillet en lui accordant ce tête-à-tête. En retour, le président du parlement ivoirien aurait profité de l’entrevue pour réaffirmer sa loyauté et son total soutien au président ivoirien.

Mais il est loisible de comprendre qu’au moment où la menace Thiam confine de plus en plus le parti présidentiel à lancer des polémiques et des invectives, Alassane Ouattara ait plus que jamais besoin de limiter la casse en mettant fin aux luttes de pouvoir qui opposent les barons du parti présidentiel.

Sans donner la moindre indication aux uns et aux autres qui continuent de s’écharper.

Monde-Diplomatique

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