Gbagbo-Affi : Prémisses d’une ultime réconciliation ?

Un appel, puis telle une balle au bond, les acteurs se la disputent. Le 14 juillet 2024 à Bonoua après mure réflexion, Laurent Gbagbo lâche du lest : « Il faut que ce gouvernement ne soit plus là en 2025 ! d’ici (Bonoua), je lance un appel au rassemblement, un appel à toutes les forces politiques, à tous ceux qui comme nous pensent que ce gouvernement ne doit plus être là, de venir et ensemble , nous allons travailler. J’ouvre mes bras et j’appelle mes collaborateurs à accepter de discuter avec tous ceux qui veulent nous rejoindre dans ce combat ».

Il y a quelques mois en arrière, depuis le retour au pays de l’ancien président, un tel appel n’était pas envisageable. L’homme politique qui a avalé des couleuvres, qui a vu des vertes et des pas mures, qui a connu sa traversée du désert avait adopté une posture. Celle de tenir à distance tous ceux qui de visu ou dans l’ombre complotaient contre lui pour le maintenir dans les méandres de la détention à La Haye. Simone Gbagbo, Pascal Affi N’guessan, Charles Blé Goudé ont subi avec étonnement le courroux du Whidy de Mama. Ils étaient pratiquement black-listés et des Ivoiriens s’en offusquent jusqu’à présent.  »Il faut être capable de réconcilier son propre camp avant de prétendre réconcilier les Ivoiriens », aimaient à dire les adversaires de l’ex-président.

Aujourd’hui beaucoup d’eau a coulé sous les ponts abidjanais. Un changement de cap s’est opéré. L’inimitié cède la place au réalisme politique. Gbagbo veut mettre toutes les chances de gagner du côté de l’opposition ayant réalisé que seule une opposition unie peut renverser la vapeur face à un régime que des Ivoiriens ne portent plus dans leur cœur.

Malgré des écueils et des positions qui paraissent inconciliables, l’ancien président et son ancien premier ministre ont là une ultime occasion d’attacher des bagages ensemble pour utiliser une expression de Mamadou Koulibaly, ancien président de Lider. Un détour dans l’histoire permet d’établir que les deux hommes ont encore des choses en commun. Malgré le fossé qui s’est creusé, ils partagent encore des valeurs du socialisme de marché même si Affi s’est fait une nouvelle posture sur la souveraineté et les rapports avec la France. Passé le temps des attaques frontales, Laurent Gbagbo évite désormais dans ses discours tout propos offensant à l’endroit de ses ex alliés dont il a maintenant besoin du concours dans le combat de reconquête du pouvoir à l’horizon. Affi N’guessan qui est aux prises avec une  »rébellion » de cadres du Fpi qu’il dirige depuis deux décennies joue ici sa survie politique. Un attelage avec Gbagbo lui permettrait de prendre le dessus sur ses adversaires internes s’il joue à rétablir la collaboration d’avec son ancien mentor. Des voix comme celles des Dagbo Godé qui lui disputent le leadership s’élèvent pour situer la place du Fpi dans le parti présidentiel. Mais, le 3e adjoint au maire de Yopougon est-il assez représentatif pour imposer cette ligne ? Il y a là en perspective la bataille de ceux qui ont gagné une place dans le rapprochement et l’attelage avec le Rhdp contre ceux qui n’ont encore rien obtenu. Affi N’guessan tient la barre après s’être donné un an supplémentaire avant l’organisation d’un congrès électif. Un congrès à haut risque dans ce tournant. Il sait qu’il joue sa survie politique et le temps a démontré que le mariage d’avec le parti au pouvoir est une voie sans issue. Affi a beau essayer de se mettre dans ce moule présidentiel, jamais le formatage n’a été opéré et l’assimilation au Rhdp reste une gageure pour l’enfant du Moronou. Tout indique qu’il ne peut faire bon ménage avec ce parti qui n’accepte guère la critique interne. Or Affi est de cette culture, la culture de la démocratie où les camarades se disent des vérités, critiquent et avancent ensemble.

Avec les négociations souterraines et visibles qui sont conduites par Sébastien Dano Djédjé, rien ne présage qu’Affi restera campé sur sa position. De bonne source, il montre de meilleures dispositions et accueille l’appel de son ancien mentor avec la circonspection qui vaille avant d’être rassuré définitivement au cours des discussions qui ont lieu.

Un observateur de la scène politique a eu ces mots :  »Ce n’est pas le temps des calculs, le temps presse. Vaut mieux surmonter les egos et gagner ensemble. Alors pour Affi et tous les autres, tout redeviendra possible : la joie, les honneurs perdus retrouvés, la gloire, les postes de nomination, le pouvoir de nomination, l’argent et tout ce qui va avec. Voici les réels enjeux. Gagner ensemble et rire demain ou périr seul et se faire enterrer politiquement à jamais ». Les dés sont lancés.

SD à Abidjan

sdebailly@yahoo.fr

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