JO Paris 2024: L’histoire de Gabriel Tiacoh (re) contée, premier médaillé olympique de la Côte d’Ivoire

Au moment où s’ouvrent les JO de Paris, nous revisitons l’histoire de Gabriel Tiacoh, ce héros trop tôt disparu, en vous proposant cet article écrit, il y a… 40 ans

1964. La Côte d’Ivoire est indépendante depuis quatre ans. Gaoussou Koné à la surprise générale est finaliste aux jeux de Tokyo. C’est l’apothéose, plus tard l’anonymat.

20 ans se sont écoulés jour pour jour. En 1984, au JO de Los Angeles, un jeune “Français” offre au pays du Président Houphouët Boigny sa première médaille olympique. Il répond au nom de Jean-Louis Gabriel Tiacoh: médaille d’argent 400 m en 44’’54. Ce solide gaillard de 1m78 pour 72 kg a vu le jour un an avant les JO de Tokyo. en 1963.

Au bord de la lagune Ebrié à Abidjan, son père Rémy Tiacoh, l’un des compagnons de Félix Houphouët, décédé il y a dix ans, l’envoie à l’âge de 9 ans en France. Depuis, l’Afrique, “ connaît pas ! ”

Sauf le jour où, en 1982, le détecteur d’athlètes africains “ égarés”, le rédacteur en chef de “Jeux d’Afrique”, Yves Pinaud,; le présente à la Fédération ivoirienne d’athlétisme. Elle salue et remercie la Providence.

Casquette impressionnante du jeune “Français”, jugez-en !

A treize ans, il signe une licence à CSM Épinay. A dix-sept ans, sur 4 00 m, il court 51’’52. Au championnat de France junior en 1981, il réussit 48’’79. Pas d’adversaire, tant en civil (FFA) qu’en scolaire.

Un an plus tard, le titre de Champion de France Junior dans la poche, en 46’’ 94, Gabi épingle à son tableau de chasse celui de Champion de France Senior en 45’’ 86. Mais sous les couleurs ivoiriennes, qu’il porte depuis 1982.

En effet, malgré son ardent désir d’évoluer sous l’étiquette du “Coq”, il est devenu, pour des raisons de famille, le coéquipier, l’indispensable athlète des “Éléphants”, appellation de l’équipe de Côte d’Ivoire.

Au 2è championnat d’Afrique, au Caire, il termine 3è et se comporte de très belle manière au 4x400m. Puis, nouveau recordman de Côte d’ Ivoire, il participe aux premiers championnats du monde d’athlétisme, en 1983 , à Helsinki. Individuellement, Gabriel fera une course moyenne. Par contre au 4x400m, n’eût été cette grossière erreur du naïf et inexpérimenté Djedjemel, il aurait porté les Ivoiriens en finale.

Après Helsinki, sa mère, d’origine guinéenne, décide alors de l’envoyer poursuivre ses études de sciences politiques et économiques au États-Unis. Toutefois, avant son “exil”, il égale le record de Côte d’Ivoire du 200 m en 20’’71 et embellit sa carte de visite avec le titre de champion de France en 45’’52, nouveau record ivoirien. Puis l’enfant de Nouamou (Grand Bassam), Georges Degnan Kablan, ex étudiant à Washington State University, et le manager général de l’équipe de l’université l’enrôlent et, sous la coupe de John Chaplin , Gabriel mène de front ses études d’économie et de sciences politiques.

La régularité, la diversité des meetings et championnats au pays de l’Oncle Sam le feront progresser à telle enseigne qu’au 3 ème championnat d’Afrique en juillet 1984 à Rabat, Gabriel est médaillé d’Or en 45’’52.

Pour les JO 84 à Los Angeles. Il connaît ses concurrents potentiels.

C’est la grande forme ! Dans son for intérieur, la certitude d’un exploit a élu domicile. Non cité parmi les favoris, il montrera dès les séries sa supériorité et son immense talent, attirant du coup l’attention des spécialistes,

En demi-finale. Il bat le Kényan Kitur en 45’’15, record de Côte d’Ivoire.

Et c’est “ bonjour la finale”. On croit rêver au sein de la délégation. Le chef, Koffi Guipro, jubile. Le président de la Fédération ivoirienne d’athlétisme, le Ministre d’État Maurice Seri Gnoleba, ancien décathlonien, n’en croit pas ses yeux !

Finale. Gabriel a tiré un mauvais couloir, le septième, mais il réagit bien. A 50 mètres de l’arrivée, il est encore en tête, il est encore champion olympique. Mais la puissance et l’expérience de l’Américain Alonzo Barber interviennent. Il dépasse Gabriel et franchit le premier la ligne d’arrivée en 44’’27.

L’enfant de Toumodi (1), le Prince Akan (2) est second en 44’’ 54 . C’est le délire au pays, du Sud au Nord , de l’Est à l’Ouest. Oui Tiacoh, l’ancien poulain de Pascal Zavorini, est médaillé d’argent et son temps est un nouveau record de Côte d’Ivoire et d’Afrique.

Après quelques meetings en Europe, c’est le retour au pays.

Accueil triomphal par la population d’Abidjan. Avec les membres du Gouvernement et du Bureau politique, cortège présidentiel de l’aéroport de Port-Bouet à Abidjan, avec escale dans les quartiers. Le vice-champion olympique, perché sur une Jeep, ne pouvait contenir sa joie.

Reçu par le Président de la République, Gabi est fait Commandeur dans l’Ordre du Mérite sportif, et reçoit une substantielle “enveloppe”, en présence des hautes instances du pays.

Toumodi sa région natale, Bouaké, Daloa lui réserveront un accueil chaleureux, dans la vraie tradition africaine. Plus tard, Mobutu Séssée Séko à Kinshasa.

Le Maire de Paris lui adresse des félicitations.

Séoul 88, c’est bientôt. Tiacoh, de nouveau sur une marche olympique ? L’avenir nous le dira.

Lucien Pouamon

in “Jeux d’Afrique”, 1984

1. . Toumodi à 200 km d’Abidjan, à 20 km de la capitale Yamoussoukro.

2. . Akan : Population du Centre, de l’Est, du Sud de la Côte d’Ivoire, s ‘étend au Ghana. Gabriel est d’ethnie baoulé

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