Gagnoa/Le député Guikahué, à propos des Conseils de sous-préfecture:
«C’est une structure qu’il faut prendre au sérieux. Elle a été efficace par le passé, elle le sera»
Les conseils de sous-préfecture sont de retour en Côte d’Ivoire depuis l’année dernière 2023 par un décret du Président de la République, Alassane Ouattara. Ainsi, la sous-préfecture centrale de Gagnoa, la sous-préfecture de Gnagbodougnoa et la sous-préfecture de Sérihio ont organisé des réunions les 17 ; 18 et 19 juillet 2024 des conseils de sous-préfecture de leur ressort administratif. L’honorable Maurice Kakou Guikahué, député des 3 sous-préfectures a participé à ces 3 réunions. Il nous fait le point dans cet entretien réalisé à Dikouéhipalégnoa, son village natal, après lesdites réunions.
Monsieur le député, vous venez de participer à trois réunions de Conseil de sous-préfecture de Gagnoa, Sous-préfecture centrale, Sérihio et Gnagbodougnoa les 17 ; 18 et 19 juillet. Que peut-on retenir de ces rencontres ?
La structure Conseil de Sous-préfecture a existé dans les années 1970-80. Elle a été le levier de développement rural avec comme élément de développement les FRAR (Fonds Régionaux d’Aménagement Rural). Et puis après, avec le projet de communalisation totale de la Côte d’Ivoire, cette structure a été mise aux oubliettes. Malheureusement, avec les crises successives intervenues en Côte d’Ivoire, la communalisation totale n’a pas été effective. On se rend compte aujourd’hui que les villes sont encadrées par les maires, les sous-préfets sont dans les sous-préfectures, mais il y a un hiatus entre eux et les chefs de village. Il fallait donc ramener le Conseil de sous-préfecture pour réunir autour du sous-préfet quelques personnalités pour s’occuper du développement des sous-préfectures et des villages.
Et c’est ce que le Président de la République a fait en prenant le décret N°2023-163 du 22 mars 2023 qui a ré-institué les Conseils de sous-préfecture.
Et le préfet de Gagnoa a pris des arrêtés pour la mise en route desdits conseils.
Le premier arrêté pour la composition, les attributions et le fonctionnement, le deuxième arrêté pour la nomination des membres et le troisième arrêté pour le calendrier de travail. Donc le Conseil de sous-préfecture est composé de personnalités de droit : Le sous-préfet qui en est le président ; le député de la circonscription est membre de droit ; le président du Conseil régional est membre de droit et tous les chefs de villages qui sont aussi des membres de droit. Et en fonction de la taille de la sous-préfecture, il y a un certain nombre de personnalités désignées par le préfet sur proposition du sous-préfet.
Donc la sous-préfecture centrale de Gagnoa, ayant quatre cantons, a plus de membres que Gnagbodougnoa qui a deux cantons et qui a plus de membres que Sérihio qui a un canton.
Donc, je viens de participer à 3 réunions d’autant plus que je suis député de 5 sous-préfectures dont 3 sont actuellement fonctionnelles (Gagnoa sous-préfecture, Gnagbodougnoa et Sérihio). Les Sous-préfets en harmonie avec moi, nous avons fait en sorte que les réunions se suivent pour une question de gain de temps. Donc le mercredi 17 juillet nous avons tenu la réunion de Gagnoa sous-préfecture centrale, le jeudi 18, c’était la sous-préfecture de Gnagbodougnoa et le vendredi 19 juillet, c’était la sous-préfecture de Sérihio.
En fait, il y a 3 réunions annuelles par sous-préfecture. Il y a une réunion en février qui établit le plan d’action de l’année en cours ; en juin-juillet, la deuxième réunion pour le bilan à mi-parcours et en novembre, la troisième pour faire le bilan de l’année écoulée.
Nous nous souvenons qu’au cours de la campagne de votre premier mandat en 2016, vous aviez dans votre manifeste le retour des Conseils de sous-préfecture, la reconnaissance des chefs de canton et de tribu de votre circonscription. Aujourd’hui, les chefs de canton et de tribu sont reconnus et les Conseils de sous-préfecture ont fait leur retour. Qu’est-ce que vous en dites ?
Effectivement, dans ma campagne de 2016, j’avais trouvé et j’ai dit qu’il y avait un hiatus à ce niveau aussi. Les chefs de village étaient disparates, il n’y avait pas de chefs de canton et de tribus reconnus par l’administration malgré les titres. Nous avons donc plaidé et l’administration a donné des arrêtés à tous les chefs de village, reconnus les chefs de canton avec leurs arrêtés. Nous sommes allés plus loin avec la réintroduction du chef de province.
Avec tous ces chefs, il faut maintenant aller d’une chefferie de commandement vers la chefferie de développement. Les chefs doivent être porteurs de projets de développement. J’avais en son temps dit que sans ces organisations, le sous-préfet était isolé. Heureusement que le gouvernement a fait droit en ré-instituant le conseil de sous-préfecture. C’est une vraie satisfaction pour moi.
Donc pour cette deuxième phase des réunions de Conseil de sous-préfecture de l’année 2024, que peut-on retenir des trois réunions ?
Ce qu’on peut retenir, c’est que les sous-préfets ont fait un travail didactique important. Ils ont tous fait des bons plans d’actions. Et puis dans le bilan à mi-parcours, ils ont exécuté ces plans d’actions, je peux dire que dans les 3 sous-préfectures à peu près à 55% à mi-parcours. Donc le résultat est bon. Il y a eu la formation de jeunes, des femmes, des chefs, les rencontres régulières, les tournées dans les villages, l’identification c’est-à-dire les jugements supplétifs, l’état civil a joué un rôle central dans les actions du premier semestre. Ensuite, en tant que député, en accord et en relation avec les chefs de canton, nous avons aussi fait un travail d’inventaire des élèves depuis le CE2 jusqu’au CM2 qui n’ont pas d’acte de naissance et le compte rendu de tout cela a été fait et nous nous sommes mis d’accord dans les sous-préfectures qu’à la rentrée scolaire prochaine, de septembre jusqu’en novembre, il faudrait que tous les enfants de ma circonscription qui sont au CM2, CM1 puissent avoir leurs actes de naissance. Les sous-préfets ont pris des engagements et j’ai promis que le député que je suis allait aider les parents en offrant les timbres, ce que les sous-préfets et les chefs de village ont véritablement apprécié.
Le deuxième dossier a trait aux conflits fonciers. Dans toutes les sous-préfectures, il y a des conflits fonciers. J’ai pris appui sur cet état de fait pour relancer le dossier de la cartographie des terroirs villageois avec l’AFOR (Agence de gestion du foncier rural). Donc j’ai fait le compte-rendu détaillé de ma rencontre avec l’AFOR, ce que les membres des conseils de sous-préfecture ont aussi apprécié. Et nous avons fait le point des villages disposant d’un comité villageois de gestion foncière.
J’ai 7 cantons dans ma circonscription électorale. Sur les 7 cantons, il y a la sous-préfecture centrale qui compte 4 cantons et 58 villages, sur les 58 villages il y a 30 villages qui ont leur comité de gestion foncière rural signé par le sous-préfet, il reste les 28 à mobiliser. Ensuite les cantons à Gnagbodougnoa, les cantons Bamo et Guébié ont tous leurs comités. Ils sont à 100% de comités signés par le sous-préfet. Le canton Zikobouo à Sérihio, sur 7 villages, il doit rester 2 qui ont leur comité mais il y a eu des décès donc il faut les réactualiser et le sous-préfet a promis de le faire rapidement avant la fin du mois. Donc si on prend globalement, sur 72 villages il n’y a que 28 qui ne sont pas à jour. Donc depuis mes réunions en mars avec les chefs, le dossier a avancé.
Est-ce que ce n’est pas le résultat de vos actions sur le terrain pour mobiliser les chefs sur ce dossier ?
Justement, c’est ce que je disais. En mars, j’ai fait la tournée des cantons et j’avais même fait un article où j’avais dit que les chefs avaient adhéré à cette politique. Le résultat est là. Si on ajoute les villages de la commune, parce qu’on a ajouté tous les villages de la commune, cela nous fait 82 villages, aujourd’hui. Je prends tous les villages même qui ne sont pas dans ma circonscription, mais il suffit qu’ils soient dans les 7 cantons. Donc sur les 82 villages, nous avons 28 qui ne sont pas à jour. Donc il y a 54 villages qui sont à jour. Ce qui fait 66% de taux de couverture.
Si on prend mes villages à moi qui sont 72, dans les 28 j’ai à peu près 14 qui sont de la sous-préfecture, il y a 58 qui sont à jour et donc je suis à un taux de 80% pour ma circonscription. Donc ce dossier a été pris en compte au vu du résultat parce qu’en mars on n’atteignait même pas 20% des comités de gestion. Les villages ont bien réagi.
Les 3 réunions m’ont permis aussi de m’adresser à toutes les populations, parce que dans le conseil de sous-préfecture, il y a les autochtones, les allogènes et les allochtones. Il y a toutes les communautés qui y sont représentées. J’ai exposé ma vision aux allogènes et allochtones. Je leur ai dit que je suis venu voir les parents pour leur parler du foncier rural. J’ai eu des réactions d’inquiétudes. Et que je voudrais vous enlever ces inquiétudes. Vos inquiétudes doivent être dissipées. Au contraire on veut régulariser une situation parce que le président a pris un décret pour donner un délai pour que chaque village ait une délimitation.
Je leur ai dit que vous voyez dans notre pays, la Côte d’Ivoire a des limites avec les pays voisins. La Côte d’Ivoire a des régions, on a délimité les régions sur la carte. La Côte d’Ivoire a des départements, on a délimité les départements sur la carte. La Côte d’Ivoire a des sous-préfectures qui sont délimitées sur la carte et puis après il y a un trou noir. La Côte d’Ivoire a des villages mais qui n’apparaissent pas sur la carte administrative de la Côte d’Ivoire. Donc c’était tout à fait normal qu’on puisse faire la délimitation des villages. Quand tout le territoire aura été couvert, quand vous allez prendre la carte administrative de la Côte d’Ivoire, vous allez voir les limites des villages, des sous-préfectures, des départements et des régions et puis les limites des frontières avec les pays voisins. Ce sera une carte complète. Ce n’est pas pour chasser qui que ce soit, au contraire parce que la terre appartient aux Ivoiriens. Quand on dit aux Ivoiriens, ce n’est pas seulement aux Bheté, c’est tous ceux qui sont Ivoiriens quelque soit l’ethnie. Maintenant, c’est ceux qui ne sont pas Ivoiriens qui ne peuvent pas être propriétaires terriens, mais ils peuvent être propriétaires de plantations. Et que si vous avez signé des papiers qui n’ont aucun fondement juridique, quand la carte du terroir sera validée par l’AFOR et signée et que le village a une carte, de façon juridique, en ce moment là, toutes les transactions que vous avez faites auparavant vont être régularisées par l’AFOR et ça va vous protéger.
Parce que régulièrement quand vous êtes sur une parcelle, vous produisez et puis le jour où vous décédez les enfants de ceux qui vous ont donné les parcelles interdisent à vos enfants de continuer. C’est cela le drame. Donc justement, vous devez me soutenir pour que ce projet aboutisse.
Nous avons aussi appris que vous avez rencontré la direction générale de l’AFOR. Qu’est-ce qui explique cette action du député que vous êtes ?
Effectivement, j’y suis allé pour comprendre le fonctionnement de l’organisme, me pénétrer de ses activités, m’informer du niveau d’avancement du dossier de délimitation des terroirs villageois et savoir les types de contrats. En fait, je n’ai pas voulu perturber les populations, donc je ne me suis pas occupé des contrats au cours des réunions. L’AFOR m’a tout remis. J’ai dit que la priorité, qu’ils fassent leurs cartes villageoises. Une fois que la carte villageoise est faite, on va venir maintenant expliquer les contrats. Parce qu’aujourd’hui, ils vont faire des contrats sur quelles bases ? Il n’y a même pas de base juridique. Donc tout le monde gagne à ce qu’il y ait une délimitation des terroirs des villages.
Vous qui avez échangé en profondeur avec le directeur général de l’AFOR, est-ce qu’aujourd’hui, un étranger qui vit dans un village et qui dit que telle personne m’a vendu une forêt, est-ce que c’est la forêt qu’on lui a vendu ou y compris la terre ?
C’est une mauvaise terminologie. On ne vend pas la terre. On ne peut que la louer. On peut dire qu’on a cédé la parcelle soit gratuitement parce que vous êtes mon ami ou bien moyennant un intérêt, mais c’est toujours limité dans le temps. C’est ce qu’on appelle le bail emphytéotique, et si mes souvenirs sont exacts, ça va jusqu’à 99 ans. Ça ne dépasse pas 99 ans. Donc si vous cédez une parcelle de terre à quelqu’un, vous lui dites que c’est pour 10 ans, 20 ans ou plus. Si vous lui dites que c’est pour 10 ans, il sait que c’est pour planter du vivriers (maïs, riz, igname, manioc, etc.) mais il ne peut pas planter du cacao. Parce que le cacao, c’est vers 3 à 5 ans que ça va produire donc selon le délai que vous lui donnez qu’il choisira la culture pour exploiter la parcelle que vous lui avez cédée. Le terme « vente de terre », ça n’existe pas. Dans la loi, on ne vend pas la terre, on peut la céder, la louer, etc.
Et toutes ces notions ont été expliquées aux villageois qui ont vraiment apprécié.
Cependant, il y a beaucoup de cadres qui méconnaissent les textes de loi et qui vont pousser leurs parents au village pour faire des histoires aux allochtones ou les allogènes. Qu’est-ce que vous faites dans ces cas-là ?
Ça, c’est un problème réel qui a été soulevé par le directeur général de l’AFOR. On en avait parlé et ce problème s’est révélé au niveau des Conseils de sous-préfecture. Beaucoup de sous-préfets ont coopté des présidents de mutuelle dans le conseil de sous-préfecture. On s’est rendu compte que beaucoup de présidents de mutuelle étaient absents à ces réunions. Donc j’ai pris la résolution qu’à la rentrée, ayant fait l’inventaire des mutuelles à travers les 3 conseils de sous-préfecture, je vais organiser une réunion avec les présidents des mutuelles pour leur expliquer le dossier Foncier rural pour qu’ensemble nous puissions aller sur le terrain. Ces présidents de mutuelle sont une courroie de transmission très importante.
A Sérihio, le président de la fédération des mutuelles du canton, parce que chaque village a sa mutuelle, donc ils ont choisi un président des présidents des mutuelles du Zikobouo. Ce président m’a approché et nous avons échangé et ils sont prêts à me rencontrer pour parler du dossier de leurs villages. Et à cette occasion, au lieu de les rencontrer individuellement ou globalement, soit je les rencontre canton par canton comme je le fais souvent avec la chefferie, par petits pas et après on fait une rencontre globale de synthèse, selon le temps. Mais je pense que ce qui serait intéressant, c’est de les rencontrer canton par canton. C’est la première réunion à la rentrée que je vais faire.
Monsieur le député, après ces 3 réunions des 3 conseils de sous-préfecture de votre circonscription, et avec tous les problèmes qu’elles ont soulevés, quels messages avez-vous à l’endroit des différentes cibles que sont la chefferie, les cadres, les populations, les sous-préfets, le préfet etc. ? Pour le bon fonctionnement desdits Conseils.
Ce que je peux dire, c’est que les membres des conseils de sous-préfecture doivent prendre au sérieux l’instrument. Surtout que le président de la République a fait en sorte que le bilan triennal du conseil régional doit prendre en compte les plans d’actions des conseils de sous-préfecture. Donc si les conseils de sous-préfecture ne se réunissent pas pour avoir des plans d’actions, ils ne peuvent pas accuser le conseil régional de n’avoir pas pris en compte les problèmes des sous-préfectures. Au lieu que le Conseil régional dise directement qu’on fait ceci ou cela dans telle ou telle sous-préfecture, non, non, ce sont les désidératas des populations de la sous-préfecture qui vont au Conseil régional et on fait un bilan triennal pour voir sur les 3 ans qu’est-ce qu’on fait pour chaque sous-préfecture. Et ces réunions ont été déjà bouclées au niveau de Gagnoa. Ce qui permet au cours des 3 réunions annuelles des conseils de sous-préfecture de faire l’évaluation, c’est-à-dire qu’au mois de février, on va voir ce qui s’est passé, au mois de juillet prochain, on verra ce que le Conseil régional a posé comme acte concernant les plans d’actions des 3 sous-préfectures. En fait, le conseil de sous-préfecture devient un peu comme un contrôleur du travail du conseil régional. Donc le conseil de sous-préfecture devient très important. Et à la fin de l’année, en novembre, on fait le bilan définitif et on dit voici cette année ce que le conseil régional a fait. D’autant plus que tout ce que nous proposons, le financement se trouve au niveau de la région. Donc je pense que c’est une bonne vision de l’administration. Donc tout le monde doit prendre au sérieux cet instrument.
J’ai trouvé que, d’abord le préfet de Gagnoa et les 3 sous-préfets de ma circonscription ont été très ouverts, dynamiques, alertes et ils ont fait de très bons plans d’actions et ils sont à une exécution à mi-parcours de 55%, ce sera l’occasion maintenant que les cadres sachent ce qu’on fait dans leurs villages de la sous-préfecture. Donc c’est une structure qu’il faut prendre au sérieux. Comme elle a toujours été efficace par le passé, elle le sera.
Entretien réalisé par Sercom MKG
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