L’union de la gauche ivoirienne

Hier, à Bonoua, la ville de Kadjo Amangoua, déporté et mort au Gabon pour avoir résisté à la colonisation française, Laurent Gbagbo a appelé au rassemblement de “tous ceux qui comme nous [les militants et dirigeants du PPA-CI] pensent que ce gouvernement ne doit plus être là en 2025”.

Pourquoi un tel appel maintenant? Question d’autant plus légitime que, quelques mois en arrière, à ceux qui souhaitaient le voir jouer ce rôle, l’ancien président avait fait comprendre que son objectif n’était pas de rassembler la gauche mais de faire gagner son nouveau parti.

Le président du PPA-CI aurait-il compris enfin que, émiettée et divisée, la gauche n’aurait que peu de chances de chasser le RHDP du pouvoir et de mettre ainsi fin au calvaire des Ivoiriens qui dure depuis 2011? Ou bien refuserait-il tout simplement de voir à la tête de la croisade pour une opposition unie et solidaire Simone Ehivet qui en avait formulé l’idée début janvier 2023?

Les Ivoiriens ne manqueront pas de donner leur opinion sur la question dans les jours à venir. Comment réagiront-ils à cette autre phrase prononcée par Laurent Gbagbo à Bonoua: “J’ouvre mes bras et j’appelle mes collaborateurs à accepter de discuter avec tous ceux qui veulent nous rejoindre dans ce combat mais je veux une discussion franche, une discussion sincère, une discussion honnête”?

Je pense, pour ma part, que les autres partis de gauche se jetteront plus facilement dans les bras de Laurent Gbagbo si celui-ci commence par reconnaître et demander pardon pour certaines paroles ou certains comportements qui ont pu blesser ou choquer les compagnons de l’ancienne LMP.

Une telle démarche, qui n’a rien d’humiliant, me semble importante car, pour des gens qui aspirent à une vraie réconciliation, “il n’y a plus de place pour les diplomaties vides, pour les faux-semblants, pour le double langage, pour les dissimulations, les bonnes manières qui cachent la réalité” (pape François, “Fratelli tutti”, lettre encyclique, 3 octobre 2020, n. 226).

Les partisans d’Affi N’Guessan, de Simone Ehivet et de Charles Blé Goudé n’ont pas toujours été tendres avec ceux de Laurent Gbagbo. Des paroles dures, des accusations gravissimes et des menaces ont été proférées de part et d’autre. On ne peut pas faire comme si ça n’a jamais existé. Il faudra avoir le courage de mettre sur la table ce que chacun reproche à l’autre parce que “ceux qui se sont durement affrontés doivent dialoguer à partir de la vérité, claire et nue. Ils ont besoin d’apprendre à cultiver la mémoire pénitentielle, capable d’assumer le passé pour libérer l’avenir de ses insatisfactions, confusions et projections. Ce n’est qu’à partir de la vérité historique des faits qu’ils pourront faire l’effort, persévérant et prolongé, de se comprendre mutuellement et de tenter une nouvelle synthèse pour le bien de tous” (cf. François, “Fratelli tutti”, n. 226).

Certains feront remarquer que l’appel au rassemblement de la gauche arrive tardivement, qu’aucun parti de gauche n’aurait refusé si cet appel avait été lancé en juin 2021 par un Laurent Gbagbo fraîchement acquitté et bénéficiant d’une aura extraordinaire à ce moment-là. Mais ne dit-on pas que mieux vaut tard que jamais?

Jean-Claude DJEREKE

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