Pollution au cyanure du Cavally depuis la mine d’Ity en Côte-d’Ivoire – Endeavour dans la tourmente

En Côte d’Ivoire, un accident industriel fait craindre une pollution fluviale au cyanure d’envergure

La société Endeavour Mining, premier producteur d’or en Afrique de l’Ouest, minimise l’incident. Le résultat des analyses du Centre ivoirien antipollution est attendu dans les prochains jours.

Par Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)

La plus ancienne mine d’or en activité de Côte d’Ivoire, la mine d’Ity, qui se situe entre le département de Zouan-Hounien et celui de Bloléquin, dans l’ouest du pays, a subi fin juin un accident industriel dont les conséquences sanitaires et environnementales restent à évaluer. Selon des sources officielles concordantes, le fleuve Cavally aurait été pollué, causant la mort de poissons et l’intoxication de plusieurs personnes, sans qu’aucun décès ne soit pour l’instant à déplorer.

Ce site minier est détenu à 5 % par l’entreprise publique Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire, à 10 % par le gouvernement ivoirien et à 85 % par le groupe canadien Endeavour Mining, premier producteur d’or en Afrique de l’Ouest qui « rejette catégoriquement les allégations de pollution massive du fleuve ».

Selon le directeur du Centre ivoirien antipollution (Ciapol), le professeur Bernard Ossey Yapo, deux incidents successifs se seraient produits à quelques jours d’intervalle sur le site minier d’Ity. Le premier a eu lieu le 23 juin, à 17 heures, lorsqu’une vanne utilisée pour purger les lignes de décantation et de boue de la mine s’est fissurée. D’après le professeur Yapo, l’eau boueuse en décantation, contenant du cyanure, s’est écoulée dans le canal de dérivation des eaux pluviales avant d’atteindre, avec les écoulements pluviaux, une rivière adjacente au parc à résidus de la mine, puis le fleuve Cavally.

Une équipe d’agents de l’antenne régionale du Ciapol de Man et le directeur du laboratoire d’analyses de l’université de Man ont été dépêchés sur les lieux trois jours plus tard pour évaluer l’impact environnemental de l’incident.

Alors que les analyses de cette première mission étaient encore en cours, un second accident serait survenu samedi sur le même site minier d’Ity, dans des circonstances encore floues. Bernard Ossey Yapo rapporte que « le directeur du département Hygiène-Santé-Environnement (HSE) de la mine a saisi à nouveau l’antenne régionale du Ciapol, à Man, après un nouvel incident environnemental survenu sur le site de la mine affectant le milieu récepteur », sans donner plus de détails. Le Ciapol y a effectué le lendemain une nouvelle mission d’évaluation, dont les conclusions sont attendues dans les prochains jours.

« En alerte maximale »

De leur côté, des médias ivoiriens évoquent « un incident majeur survenu au niveau du bac à cyanure », qui aurait entraîné « une pollution significative du fleuve Cavally et des eaux destinées à la consommation des populations d’Ouyatouo », ainsi qu’« une mortalité élevée des poissons et plusieurs cas de maladies parmi les habitants, incluant des symptômes de diarrhée, de vomissements et de maux de tête ».

Des mesures préventives ont été prises pour sensibiliser les populations en attendant les résultats des analyses du Ciapol. Le sous-préfet de Doké, Koffi Kouadio, a réuni lundi matin 1er juillet les chefs coutumiers de sa circonscription pour partager aux populations les recommandations officielles : ne pas consommer les poissons du fleuve, ne pas boire l’eau du fleuve.

« Après cet incident malheureux, nous sommes en alerte maximale, affirme M. Kouadio. Comme le Cavally nous dessert tous, c’est une affaire à prendre très au sérieux. » Pour les personnes habitant près du site minier, il est également déconseillé de boire l’eau des puits et des marigots, qui pourraient également avoir été contaminée.

Si la population de Doké a été épargnée, précise Koffi Kouadio, une cinquantaine de personnes seraient tombées malades dans la circonscription de Bloléquin. « Vu les impacts environnementaux et sanitaires, en l’occurrence la mortalité des poissons et les intoxications alimentaires liées à la consommation des poissons morts, des mesures de dépollution immédiate des milieux seront prises pour atténuer les effets négatifs de l’incident », promet le professeur Yapo.

« Aucune situation critique »

Contactée par Le Monde, la société canadienne Endeavour Mining n’a reconnu lundi matin que l’incident du 23 juin, lequel n’aurait entraîné, selon elle, que « le déversement d’une faible quantité de boue, estimée à moins de 3 000 litres, mélangée avec l’eau de décantation » dans le fleuve Cavally. Concernant le second incident, la société dénonce « des informations fausses [qui] circulent localement, indiquant la présence de poissons morts dans le Cavally ». Endeavour Mining « rejette catégoriquement les allégations de pollution massive du fleuve Cavally et de mise en danger des populations locales. Les constats effectués par les autorités n’ont révélé aucune situation critique de pollution menaçant la vie des populations ».

« Des actions de communications ont été menées par nos équipes auprès des populations, ajoute la directrice pays d’Endeavour Mining, Laetitia Gadegbeku Ouattara. Ce genre d’information provoquant parfois de la peur ou une psychose, une clinique a été mise en place sur le site d’Ity pour accueillir les habitants craignant d’avoir été intoxiqués. » Selon elle, « la plupart des malades reçus avaient des symptômes liés au paludisme ; les autres, des symptômes de diarrhée » ne permettant pas de conclure avec certitude à un empoisonnement.

Ironie du calendrier, Endeavour Mining tient, du 1er au 5 juillet, son « ESG Week », événement dédié « aux performances non financières (environnement, social, gouvernance) » du groupe canadien, présent en Côte d’Ivoire, mais aussi au Sénégal et au Burkina Faso.

Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)

Commentaires Facebook