Sur les gravats du quartier Abattoir de Port-Bouët: Des déguerpis sous d’insalubres hangars de fortune

Le District autonome d’Abidjan a procédé au déguerpissement du quartier Abattoir de Port-Bouët, du 1er au 3 juin 2024. Ne sachant où aller, des déguerpis de ce quartier se trouvent obligés de vivre au milieu des décombres et sous des abris de fortune.

Le quartier Abattoir de Port-Bouët est devenu l’ombre de lui-même. Les habitations, qui existaient il y a quelque temps, ont laissé place à des tas de décombres. De l’eau, provenant des caniveaux, coule par endroits, dégageant une odeur fétide. Des personnes marchent entre les débris pour essayer de récupérer ce qu’elles peuvent.

Arnaud et Ismael font partie des déguerpis de Port-Bouët Abattoir. Debout au milieu des gravats, ils ont du mal à accepter que leur quartier a disparu en si peu de temps. « C’est un quartier qui existe depuis très longtemps. Regardez, il ne reste plus rien. Tout n’est que souvenir », dit Arnaud. Lui et son ami n’ont désormais nulle part où aller. Ils ont chacun fabriqué un hangar qu’ils partagent avec leurs familles. « Nous avions toute notre vie ici. Aujourd’hui, nous ne savons plus où aller. Je ne peux pas emmener ma famille ailleurs, car il faut reconnaître que c’est tout de même honteux », indique Ismael, remonté.

Selon le District, l’opération avait pour but d’assainir cette zone qu’il qualifie « d’impropre à l’habitation » et qui est située à la lisière du complexe de l’abattoir de Port-Bouët. Les populations, indique toujours le District, étaient exposées à divers dangers, notamment les maladies endémiques liées à la proximité des animaux et aux activités d’abattage. « Ça fait des années que ce quartier existe. Nous n’avons jamais eu de problèmes de maladies liées au bétail », dit Ismael, pour rejeter cette justification du District.

Juste des bois plantés au sol et des tôles plaquées au-dessus

Comme ces deux jeunes hommes, plusieurs autres habitants du quartier ont élu domicile entre les décombres. Judith D., avec sa famille et quelques-uns de leurs voisins, ont fabriqué un hangar en utilisant les moyens du bord. Juste des bois plantés au sol et des tôles plaquées au-dessus. Le sol est sablonneux. Seuls deux bancs et quelques chaises sont installés dans leurs nouveaux abris. Ils n’ont pas d’électricité et ont un accès difficile à l’eau. « Quand le quartier a été détruit, il y avait des tuyaux d’eau qui étaient cassés. Nous allions nous y approvisionner pour nos besoins. Mais depuis ce matin, il n’y a plus d’eau », déplore Judith. Sa voisine Akissi K. a dû envoyer deux de ses enfants en vacances chez ses parents. « Le plus grand passe le bac actuellement. Étudier est tout un problème, puisqu’il n’y a pas d’électricité », se plaint la dame.

Certains déguerpis de ce quartier ont élu domicile à l’Ecole française de Port-Bouët. Ils squattent cet établissement en attendant de trouver mieux. Delphine T., assise sur une chaise avec un regard lointain, a les yeux remplis de chagrin. Elle se souvient encore du jour où sa maison a été détruite sous ses yeux. Elle vit là, avec son fils d’une dizaine d’années. « Je ne sais pas où aller avec mon enfant. Je n’ai personne qui puisse m’accueillir. Je me demande encore comment je vais sortir de cette situation », dit-elle en se posant plein de questions sur son avenir.

Un recensement biométrique

Le District d’Abidjan n’entend pas laisser les choses en l’état. Une opération de recasement des propriétaires des habitations détruites est en cours. Elle sera réalisée sur un espace de 10 ha, au quartier Anani sur la route de Bassam, où devront être relogés 595 foyers. Pour ce faire, une action de recensement biométrique des habitants de ce quartier Abattoir démoli a débuté le 10 juin 2024, au commissariat spécial du District autonome d’Abidjan, situé à Marcory. Selon une note d’information publiée par le District à la même date, l’objectif de ce recensement est de sécuriser l’identification des habitants, en vue de l’établissement des lettres d’attribution pour les 726 lots de 75 m² disponibles sur le nouveau site de recasement. Il comprendra des commodités telles qu’une école, un centre commercial et des aires de récréation.

Le parc à bétail démoli

Cette opération de déguerpissement n’a pas épargné le parc à bétail de l’abattoir de Port-Bouët, qui a été rasé. Il a été relocalisé sur un nouveau site aménagé à l’ex-casse d’Adjamé. Cette décision, selon le gouverneur Cissé Bacongo, fait suite au constat d’insalubrité de l’environnement dans lequel était parqué le bétail. Des personnes opposées à l’opération ont affronté la police. Un bus de la Société de Transport abidjanais (SOTRA) a été endommagé, un cargo de la police et un véhicule personnel ont été incendiés. À la suite de ces violences, 23 individus ont été interpellés pour acte de vandalisme.

De Lima Soro

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