Le lundi 3 juin 2024, le District autonome d’Abidjan a lancé une opération de déguerpissement et d’assainissement au quartier abattoir de Port-Bouët, une cité balnéaire dans le Sud d’Abidjan. Ce déguerpissement qui vise la délocalisation du parc à bétail sur un nouveau site aménagé à l’ex-casse d’Adjamé, s’inscrit dans le cadre du programme de lutte contre le désordre urbain dans la Zone Sud d’Abidjan. Intervenant à deux semaines de la Tabaski, période de grande traite pour ces commerçants de bétails, cette opération laisse à observer un spectacle de grande désolation.
En effet, présente sur les lieux pour une visite de solidarité et de compassion à l’endroit de ces populations que nous avons côtoyées durant notre mandat en qualité de députée de la commune de Port-Bouët, nous avons été traversée par une profonde déchirure à la vue de ces familles en détresse, assises devant les tas de gravats causés par le passage des Caterpillars, avec la perte simultanée de leur lieu et outils de travail, de leur domicile et de leurs biens.
Ne sachant oú aller et dormant à la belle étoile avec des centaines d’enfants déscolarisés de force par la destruction de leurs établissements scolaires, autant que celle des lieux de cultes, ces populations issues des 595 foyers de l’Abattoir touchés par cette action se trouvent exposées à des menaces aussi bien sécuritaires que sanitaires. Il faut relever par ailleurs de nombreux blessés et des dégâts matériels importants suite aux affrontements qui ont suivi les travaux de démolition.
D’un point de vue moral, si l’on ne déplore aucune perte en vie humaine, ces types de déguerpissements restent attentatoires aux droits fondamentaux des populations concernées. Il s’agit du droit à un logement, à la sécurité des biens et des personnes, à la santé, à l’éducation et plus globalement du droit à la dignité. C’est pourquoi, pour conférer un visage humain aux opérations futures, nous préconisons un processus concerté prenant en compte les solutions d’urgence, par étapes plutôt que la précipitation et la soudaineté aussi dégradantes que traumatisantes, car le développement, quoique souhaitable, ne saurait se faire au détriment de la dignité humaine.
Aussi, en ma qualité d’ancienne responsable politique et administrative de la commune de Port-Bouët, tiens-je à manifester mon soutien moral à tous mes concitoyens du quartier Abattoir face aux souffrances qui les assaillent ces derniers temps. Ensemble, même dans l’adversité politique parfois, nous avions toujours su nous retrouver autour des idéaux d’amitié et de fraternité. En ces moments de turbulences pour chacun de vous, il m’est plus qu’impérieux de vous marquer ma proximité et mon entière solidarité. Puisse le Tout-puissant vous assurer de son vivifiant réconfort.
BAMBA Massany, ancienne députée de Port-Bouët
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