L’enquête du jeudi –
Karamoko Diomandé | Lebanco.net
« J’ai la paresse de prendre une feuille et un stylo pour écrire une lettre. Aujourd’hui avec le téléphone portable, il suffit d’appeler ou d’envoyer un message. Et en un temps record le destinataire vous reçoit », confie Mme Gnanli Gbalié. Comme elle, nombreux sont ceux qui se passent aujourd’hui des services de la poste, pour communiquer avec leur proches ou avec des collaborateurs dans le cadre du travail.
« Avec tout ce qu’on a aujourd’hui comme moyens de communication, je ne sais pas ce que je ferai encore avec les courriers postaux », lance D. Vako, opérateur économique, en montrant ses nombreux téléphones qu’il tient en main, tous connectés à internet. Il n’a plus besoin de poster ses courriers. Il n’a qu’à les envoyer par e-mail. Avec l’internet, il n’a plus besoin d’attendre encore des jours pour recevoir un courrier. « Et c’est bien pour les affaires », fait-il remarquer. Mme Gnanli Gbalié est du même avis. Elle préfère utiliser les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC). « Je ne m’intéresse plus à la boîte postale puisque pour moi, les lettres ne servent plus à rien. Ça appartient au passé », confie-t-elle.
Yao Kouakou, plombier fait partie de la génération qui n’a pas connu la poste au moment où elle était très sollicitée par les Ivoiriens. Son papa possédait une boîte postale. Mais étant très jeune, il n’a jamais eu à utiliser les services de la Poste. Il ne lui trouve aucune utilité. « C’est certainement encore utile pour d’autres personnes. Mais pour moi, le téléphone est plus rapide et mieux que la Poste », confie le plombier.
Les réseaux sociaux sont devenus également un moyen de communication utilisé par de nombreuses personnes, notamment les associations, voire les personnalités pour faire passer leurs messages. Ils permettent d’atteindre un grand nombre de personnes à la fois, et en un temps record. Bamba Ali est le président de l’association de son village. Le groupe WhatsApp de l’association suffit pour faire passer une communication à l’endroit de tous les ressortissants du village à travers le pays. Il n’a donc pas besoin de leur envoyer individuellement des courriers postaux.
Au niveau administratif, en vue d’être rapide et efficace, les travailleurs utilisent, dans la plupart des cas, le courrier électronique.
Transfert d’argent
Face à tous ces nouveaux moyens de communication, le courrier postal ne semble plus être à l’ordre du jour. Il en est de même pour les mandats que l’on recevait par la poste. Les agences de transfert d’argent ont fini par remporter la concurrence sur les bureaux de poste en matière de transfert d’argent, à en croire M. Jules. « Pourquoi, voulez-vous que je perde mon temps à aller chercher un bureau de poste en vue de transférer de l’argent, alors que les agences de transfert d’argent pullulent ? », interroge-t-il.
Traoré Fatim commerçante à Adjamé ne dit pas le contraire. Il y a deux agences de transfert d’argent dans les environs de son commerce, qu’elle fréquente régulièrement en cas de besoin. Dans l’exercice de son commerce, c’est par car qu’elle envoie et reçoit aussi ses colis.
D’ailleurs, un des agents du bureau de poste du Plateau a fait savoir que le service des mandats n’existe plus. Il nous a montré sa collègue qui est chargée des transferts d’argent. Cette dernière fait savoir que les envois des sommes d’argent, se font désormais par Western Union. Et c’est le même procédé qui est utilisé par les agences de cette structure, à travers la ville par des opérateurs privés.
Des bureaux de poste très peu fréquentés
Le vendredi 17 mai 2024, nous avons fait le guet devant la salle des boîtes postales du bureau de poste d’Adjamé, aux 220 logements, avec pour objectif d’en évaluer la fréquentation. Pendant environ 2 heures de temps, nous n’avons vu aucune personne y entrer pour retirer un courrier. Il en a été de même, au bureau de poste du Plateau où nous nous sommes rendus le mardi 21 mai 2021. Une réalité est frappante : c’est que les bureaux de poste sont très peu fréquentés par le public. Pourtant à Attécoubé, un agent du bureau de poste de ladite commune nous a rassurés en ces termes : « Oui ça marche bien. Sinon, avec quoi nous paierait-on ? ». Il a profité pour nous montrer un carton contenant des courriers, pendant que nous nous renseignions auprès de lui sur les conditions d’ouverture d’une boîte postale.
En effet, pour l’ouverture d’une boîte postale, une personne physique paie 23 100 F. CFA. Et chaque année, il devra verser 20 100 F. CFA pour les frais de location. Les Organisations non gouvernementales (ONG), les associations, les artisans et les administrations qui désirent ouvrir leur boîte postale doivent débourser 54 100 FCFA. Les professions libérales, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes ont chacune leur prix.
Les personnes interrogées ont trouvé que ces prix sont élevés surtout que la Poste est aujourd’hui concurrencée par le téléphone portable, l’internet. Elles estiment qu’il serait profitable à la Poste de revoir à la baisse, les différents tarifs fixés aux clients qui arrivent pour la location d’une boîte postale..
La Poste du futur
Face à la concurrence que livrent les nouveaux moyens de communication, la modernisation des services postaux s’impose. Et les responsables de la poste multiplient depuis quelques années, les initiatives à cet effet. Des séminaires et ateliers ont été organisés pour répondre aux exigences du moment. Ainsi le 20 mai 2020, une agence a été inaugurée à l’Université Félix Houphouët-Boigny dans le cadre d’un projet dénommé : « la poste du futur », sous l’impulsion de l’Union postale universelle (UPU), indique une publication du 21 mai 2021 du site d’information Abidjan.net. Cette agence comprend un cyber-café, une librairie, des guichets automatiques, des produits de transfert d’argent par reconnaissance faciale, etc. « Axée sur l’économie et l’inclusion numérique, cette agence fournira des services postaux, financiers et électroniques modernes et innovant et sera un véritable exemple à dupliquer en Côte d’Ivoire et dans les pays africains », avait déclaré Isaac Gnamba Yao, directeur général de la poste de Côte d’Ivoire, lors de l’inauguration de ladite agence qui servira de modèle de la poste de demain.
Dans cette même dynamique de modernisation des services de la Poste, la ville de Grand-Bassam avait abrité, le 11 février 2019, un atelier sur la transformation numérique et la diversification des services postaux.
Malgré toute cette bonne volonté de l’Etat, la Poste ne semble pas encore avoir véritablement pris son envol. Car la plupart des personnes interrogées ne semblent plus intéressées par ses services.
Diomandé Karamoko
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