Le lundi 29 avril dernier, les togolais sont allés aux urnes pour élire leurs députés et conseillers régionaux. Ce double scrutin a connu la participation de l’opposition togolaise dans toute sa diversité et son entièreté.
Tous les ténors étaient présents pour livrer la bataille de sanction contre l’Union pour la République (UNIR), le parti de Faure Gnassingbé. Seulement que les tendances des résultats livrés jusque-là par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) accorde une majorité écrasante du parti au pouvoir. Il rafle 108 sièges sur les 113 mis en jeu.
Que retenir de cette dégringolade insoupçonnée de l’opposition togolaise qui n’a eu que cinq sièges ? En tout cas, c’est le nouveau visage de la représentation nationale pour les prochaines années, surtout sous la Vème République. Certes une surprise, mais cela s’explique.
Gagner sans stratégie ?
Impossible ! L’organisation des élections législatives et régionales de cette année a connu assez de soubresauts. Au cœur des préparatifs a germé le débat de la nouvelle constitution introduite par un certain nombre de député à l’Assemblée nationale. Elle a mis en érection la classe politique de l’opposition et a semblé même les rassembler pour une défense commune. Seulement que ce rassemblement n’a pas fait long feu. Car il s’est effrité voire pulvérisé au coup de sifflet des campagnes pour ce double scrutin. Aucun d’entre ces partis politiques anti Vème République ne veut laisser sa place convoitée à l’hémicycle à l’autre. « Nous, nous sommes là sereins. On ne laissera pas un adepte du coup de force permanent nous imposer sa vision », avait déclaré Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC.
En effet, la lutte contre la proposition du régime parlementaire au Togo a véritablement dérouté les opposants d’une vraie préparation des élections. Toutes leurs sorties médiatiques et actions politiques étaient focalisées sur la dénonciation de ladite proposition. Stratégie réussie du parti au pouvoir qui les a impeccablement mélangés ? Les faits semblent confirmer cela, à commencer par la campagne.
A la vérité, il en appert que c’est la première fois que les togolais ont vécu une campagne de cette nature. Empreinte d’une impréparation évidente, les deux semaines d’opérations de séduction des électeurs se sont passées en voie unique. Elles ont été dominées par une présence visuellement dominante du parti UNIR. L’identité bleu nimbant la colombe blanche a dominé les « Occasion de voir (ODV) » durant cette période de campagne. ODV est un indice utilisé pour mesurer le nombre d’opportunités qu’une population (appartenant de préférence à la cible) a de voir un message publicitaire (politique) lui étant destiné, par rapport au plan média.
UNIR en a mis plein la vue des Togolais. Cette présence permanente dans les regards des électeurs a forcément influencé le choix des votants dans l’isoloir. L’absence visuelle de l’opposition au cours de la campagne a joué énormément sur les résultats actuels.
Toujours sur le plan de la communication, tous les canaux de diffusion des messages de campagne, des traditionnels aux digitaux, ont été envahis par les Bleus avec des rendus de haute qualité. Chaque candidat du camp présidentiel a mis les moyens pour plus de visibilité. En période de campagne, la bonne communication reste déterminante. Même si j’ai des regrets pour le jeune candidat indépendant dans le Tchaoudjo, ALI ZATCHI Baaki. Cela pourra payer prochainement s’il l’inscrit dans une permanence avec des actions terrain régulières. Il faut un bon mixage terrain physique et numérique pour un meilleur résultat.
L’autre manquement de l’opposition a été cette candidature à foison et très concentrée dans le Grand Lomé. Une erreur grave. La majorité des leaders de l’opposition ont été candidats dans le Golfe ou Agoè-Nyivé (Jean-Pierre Fabre, Paul Apevon, Brigitte Adjamagbo, Gérard Adja, Fulbert Attisso, Komi Wolou, …). Même si la liste unique de l’opposition n’a pas prospéré, ils auraient pu faire des candidatures concertées et stratégiques, c’est-à-dire des candidatures basées sur des avantages comparatifs. La politique n’exclut pas l’adoption de cette théorie traditionnelle du commerce international. Il s’agira pour chaque leader de se présenter dans la localité où il dispose plus de capital politique en sa faveur, comparativement à ses partenaires. Mais hélas. Chacun veut miser sur Lomé avec l’espoir de prendre un siège, laissant les autres localités à ceux qui ne peuvent pas véritablement drainer, surtout qu’il y a eu une absence criarde sur le terrain depuis un bon moment.
C’est en cela que nous pouvons timidement apprécier le déploiement stratégique de l’ADDI qui a surpris plus d’un, malgré qu’il n’ait eu que deux sièges. Ils ont été juste plus sages, plus stratèges et plus ingénieux. Chapeau !!!
L’avenir politique
Les résultats définitifs donnent une majorité confortable au pouvoir dans la nouvelle législature. Il a, donc, les coudées franches pour faire passer toutes les lois voulues.
Cinq sièges reviennent à quatre partis de l’opposition (ADDI, ANC, FDR, DMP) à l’issue de ces élections législatives. Ce retour tant annoncé est devenu un non-événement. Cette minorité ne pourra aucunement influencer les décisions à l’hémicycle malheureusement. Cependant, elle laisse entrevoir un vrai débat contradictoire, sans impact. Même si cela reste dans la logique des élections démocratiques, elle redéfinit clairement la réalité et l’avenir politique du Togo. Le gros perdant, c’est l’opposition radicale qui doit impérativement revoir son positionnement national. Chaque parti, gagnant comme recalé, se trouve dans l’obligation d’aller à la reconquête de son électorat comme s’il y aura une nouvelle élection dans un an.
Aussi, devenir chef de file de l’opposition avec deux députés sans encrage national est une déception politique. Que dire de ces présidents de parti qui n’ont pas pu se faire élire au cours d’une législative à 113 députés ? C’est juste décevant.
Ainsi, si le « vote sanction » prédit par l’opposition radicale contre UNIR n’a pas eu lieu, c’est alors la confirmation de « la confiance et du [Ndlr] soutien du peuple togolais » au parti au pouvoir. Cette victoire relance, au demeurant, le parti de Faure Gnassingbé sur la voie de nouveaux enjeux pour le Togo. Dans une sous-région en mouvement permanent, le Togo doit rester un havre de paix. Qu’elle soit maintenue pour que les projets de développement prennent corps.
Donis AYIVI
Consultant en Stratégie et Communication
Vice-président de SIGMA CORPORATION AFRIQUE
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