(intégralité) Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC : dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine

Déclaration : 20 mai 2024

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Aujourd’hui, je vais déposer des requêtes auprès de la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine.

Yahya Sinwar, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri (Deif), Ismail Haniyeh

Compte tenu des éléments de preuve recueillis et examinés par mon Bureau, j’ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale de Yahya SINWAR (chef du Mouvement de résistance islamique [« Hamas] dans la bande de Gaza), Mohammed Diab Ibrahim AL-MASRI, plus connu sous le nom DEIF (commandant en chef de la branche armée du Hamas, communément appelée « les brigades Al-Qassam ») et Ismail HANIYEH (chef de la branche politique du Hamas) est engagée pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire d’Israël et dans l’État de Palestine (dans la bande de Gaza) depuis le 7 octobre 2023 au moins :

L’extermination en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑b du Statut ;
Le meurtre en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑a et en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
La prise d’otages en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑iii ;
Le viol et autres formes de violence sexuelle en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑g et également en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑e‑vi dans le contexte de la captivité ;
La torture en tant que crime contre l’humanité, visé à l’article 7‑1‑f et en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i, dans le contexte de la captivité ;
D’autres actes inhumains en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑l‑k, dans le contexte de la captivité ;
Les traitements cruels en tant que crime de guerre en violation de l’article 8‑2‑c‑i, dans le contexte de la captivité ; et
Atteintes à la dignité de la personne en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑ii, dans le contexte de la captivité.
Mon Bureau fait valoir que les crimes de guerre visés dans ces requêtes ont été commis dans le contexte d’un conflit armé international opposant Israël à la Palestine et d’un conflit armé non international opposant Israël au Hamas qui se déroulait simultanément. Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis.

Mon Bureau fait observer qu’il y a des motifs raisonnables de penser que la responsabilité pénale de SINWAR, DEIF et HANIYEH est engagée pour le meurtre de centaines de civils israéliens lors d’attaques perpétrées le 7 octobre 2023 par le Hamas (sa branche armée en particulier, communément désignée sous le nom de « brigades al-Qassam ») ainsi que d’autres groupes armés et pour l’enlèvement d’au moins 245 otages. Dans le cadre de son enquête, mon Bureau a recueilli les déclarations de victimes ayant survécu aux attaques, y compris d’anciens otages, et de témoins directs des attaques lancées sur six principaux lieux : Kfar Aza, Holit, le lieu du festival de musique Supernova, Be’eri, Nir Oz et Nahal Oz. L’enquête repose également sur des éléments de preuve tels que des images de vidéo surveillance, des documents authentifiés sous la forme d’enregistrements sonores, de photos et de vidéos, des déclarations faites par des membres du Hamas, dont les auteurs présumés des crimes susmentionnés et des témoignages d’expert.

Mon Bureau estime que ces personnes ont planifié et commandité la commission des crimes perpétrés le 7 octobre 2023, et reconnu leur responsabilité à cet égard comme en atteste la visite qu’ils ont personnellement effectuée auprès des otages peu de temps après leur enlèvement. Nous affirmons que ces crimes n’auraient pu être commis sans leur intervention. Les intéressés sont accusés en tant que coauteurs et en qualité de supérieurs hiérarchiques en vertu des articles 25 et 28 du Statut de Rome.

Lorsque je me suis rendu au kibboutz Be’eri et au kibboutz Kfar Aza, ainsi que sur les lieux du festival de musique Supernova à Re’im, j’ai pu constater la dévastation causée par ces attaques et les répercussions profondes des crimes inconcevables visés dans les requêtes déposées aujourd’hui. Des victimes m’ont raconté comment l’amour qui règne au sein d’une famille, les liens si profonds qui unissent des parents à leurs enfants, ont été détournés afin d’infliger intentionnellement des souffrances innommables par des actes cruels et inhumains qui ne sauraient rester impunis.

Mon Bureau affirme également qu’il existe des motifs raisonnables de penser que les otages enlevés en Israël ont été détenus dans des conditions inhumaines et que certains d’entre eux ont fait l’objet de violences sexuelles, dont le viol, au cours de leur captivité. Ces allégations reposent sur des dossiers médicaux, des preuves documentaires et des vidéos de l’époque des faits et des entretiens menés auprès de victimes ayant survécu aux attaques. Mon Bureau continue également d’enquêter sur les allégations de violence sexuelle commises le 7 octobre.

Je tiens à remercier les victimes ayant survécu aux attaques du 7 octobre ainsi que leurs familles pour le courage qu’elles ont affiché en acceptant de faire le récit de leur expérience aux membres de mon Bureau.

Nous nous efforçons d’approfondir notre enquête concernant tous les crimes commis lors de ces attaques et continueront de travailler avec l’ensemble de nos partenaires afin que justice puisse être rendue.

Je réitère mon appel en faveur de la libération immédiate de tous les otages enlevés en Israël et de leur retour, sains et saufs, auprès de leurs familles. C’est une exigence fondamentale du droit international humanitaire qui doit être respectée.

Benjamin Netaniahu, Yoav Gallant

Compte tenu des preuves recueillies et examinées par mon Bureau, j’ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale de Benjamin NETANYAHU, le Premier Ministre d’Israël, et de Yoav GALLANT, Ministre de la défense d’Israël, est engagée pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire de l’État de Palestine (dans la bande de Gaza) à compter du 8 octobre 2023 au moins :

Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑b‑xxv du Statut ;
Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé, en violation de l’article 8‑2‑a‑iii ou les traitements cruels en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
L’homicide intentionnel, en violation de l’article 8‑2‑a‑i ou le meurtre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que crime de guerre en violation des articles 8‑2‑b‑i ou 8‑2‑e‑i ;
L’extermination et/ou le meurtre en tant que crime contre l’humanité, en violation des articles 7‑1‑b et 7‑1‑a, y compris en lien avec le fait d’affamer des civils ayant entraîné la mort, en tant que crime contre l’humanité ;
La persécution en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑h ;
D’autres actes inhumains en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑l‑k.
Mon Bureau fait valoir que les crimes de guerre visés dans ces requêtes ont été commis dans le contexte d’un conflit armé international opposant Israël et la Palestine et d’un conflit armé non international opposant Israël au Hamas (et à d’autres groupes armés palestiniens) qui se déroulait simultanément. Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis.

Mon Bureau soutient que les preuves que nous avons recueillies, y compris des entretiens menés auprès de victimes et de témoins directs des faits, des documents audio et vidéo authentifiés, des images satellite et des déclarations faites par des membres du groupe qui aurait commis ces crimes, démontrent qu’Israël a délibérément, systématiquement et continuellement privé la population civile de l’ensemble du territoire de Gaza de moyens de subsistance indispensables à sa survie.

Cela s’est traduit par l’imposition d’un siège complet à Gaza en interdisant totalement l’accès aux trois points de passage de la frontière de Rafah, Kerem Shalom et Erez à partir du 8 octobre 2023 pour des périodes prolongées puis en limitant arbitrairement l’acheminement de fournitures essentielles – telles que la nourriture et les médicaments – par les points de passage après la réouverture de ces derniers. La fermeture des canalisations d’eau reliant Israël à Gaza — la principale source d’approvisionnement en eau potable de la population gazaouie — pendant une période prolongée à partir du 9 octobre 2023 et les coupures de l’approvisionnement en électricité et les entraves à cet approvisionnement à partir du 8 octobre 2023 au moins jusqu’à aujourd’hui s’inscrivent dans le prolongement du siège. Les faits se sont produits parallèlement à des attaques visant des personnes dans les files d’attente pour obtenir de la nourriture, l’obstruction de la distribution d’aide par les organismes humanitaires et des attaques visant le personnel humanitaire, faisant des morts parmi eux et contraignant bon nombre d’organismes humanitaires à cesser leurs activités à Gaza ou à en restreindre le périmètre.

Mon Bureau affirme que ces actes se sont inscrits dans le prolongement d’un plan commun visant à affamer délibérément des civils comme méthode de guerre et à recourir à d’autres actes de violence à l’encontre de la population civile gazaouie afin de servir les objectifs suivants : i) éliminer le Hamas; ii) accroître la pression sur le Hamas pour obtenir le retour des personnes retenues en otages et iii) punir collectivement la population civile de Gaza perçue comme une menace pour Israël.

Les répercussions du recours à la famine comme méthode de guerre, conjuguées à d’autres attaques et à la punition collective infligée à la population civile de Gaza sont aigues, visibles et de notoriété publique. Elles ont en outre été confirmées par plusieurs témoins interrogés par mon Bureau, y compris des médecins gazaouis et des médecins étrangers. Cette méthode de guerre a entraîné des problèmes de malnutrition, de déshydratation, des souffrances atroces et une augmentation croissante du nombre de morts parmi la population palestinienne, dont des nouveau‑nés, des enfants et des femmes.

De nombreuses zones de Gaza sont déjà en proie à la famine, qui menace de se propager à d’autres parties du territoire.

Comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, « 1,1 million de personnes sont confrontées à des niveaux catastrophiques de faim à Gaza – c’est la crise alimentaire la plus vaste et la plus grave au monde ». « C’est un désastre entièrement causé par l’homme ». Aujourd’hui, mon Bureau s’emploie à mettre en accusation deux des personnes portant la plus lourde responsabilité dans cette situation, M.M. NETANYAHU et GALLANT, en tant que coauteurs et supérieurs hiérarchiques, en vertu des articles 25 et 28 du Statut de Rome.

Israël, à l’instar de tous les États, a certes le droit de prendre des mesures afin de défendre sa population mais ne saurait se soustraire pour autant aux obligations faites à tout État de respecter le droit international humanitaire. Quels que soient les objectifs militaires des autorités israéliennes, les moyens employés par Israël pour les atteindre à Gaza, à savoir des actes causant intentionnellement la mort, une famine, de grande souffrances et des atteintes graves à l’intégrité physique de la population civile sont criminels.

Depuis l’année dernière, j’ai souligné à plusieurs reprises à Ramallah, au Caire, en Israël et à Rafah qu’en vertu du droit international humanitaire, Israël était tenue d’agir de toute urgence afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. J’ai notamment rappelé que le recours à la famine comme méthode de guerre et les entraves à l’aide humanitaire constituaient des violations des dispositions du Statut de Rome. J’ai été très clair sur ce point.

J’ai également attiré régulièrement l’attention de ceux qui faisaient fi du droit dans des déclarations publiques en leur demandant de bien réfléchir avant d’agir sous peine de voir mon Bureau prendre les mesures qui s’imposent. Nous y voilà.

En présentant ces requêtes aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt, mon Bureau s’acquitte du mandat qui lui a été confié en vertu du Statut de Rome. Le 5 février 2021, la Chambre préliminaire I a estimé que la Cour pouvait exercer sa compétence pénale à l’égard de la situation dans l’État de Palestine et a conclu que sa compétence territoriale s’étendait à Gaza et à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Ce mandat reste valide et s’étend à la recrudescence des hostilités et de la violence depuis le 7 octobre 2023. Mon Bureau peut également exercer sa compétence à l’égard des crimes commis par des ressortissants d’États parties ou d’États non parties sur le territoire d’un État partie.

Les requêtes présentées aujourd’hui sont l’aboutissement d’une enquête menée par mon Bureau en toute indépendance et en toute impartialité. Compte tenu de notre obligation d’enquêter tant à charge qu’à décharge, nous avons travaillé méticuleusement pour faire la part des choses entre les allégations et les faits et pour présenter nos conclusions de manière équilibrée en nous fondant sur les éléments de preuve soumis à la Chambre préliminaire.

En guise de précaution supplémentaire, j’ai également décidé de recueillir des avis d’experts; c’est à ce titre que j’ai réuni un groupe impartial d’experts en droit international que je remercie d’avoir accepté de participer à l’examen des preuves et à l’analyse juridique en lien avec ces requêtes aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt. Ce groupe, composé d’éminents spécialistes en droit international humanitaire et en droit pénal international, réunit M. le juge Sir Adrian Fulford P.C., ancien juge de la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, ancien juge de la Cour pénale internationale, Mme la baronne Helena Kennedy K.C., Présidente de l’Institut des droits de l’homme de l’Association internationale du barreau, Mme Elizabeth Wilmshurst C.M.G K.C., ancienne conseillère juridique adjointe auprès du Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, Danny Friedman K.C. ainsi que deux de mes conseillers spéciaux – Mme Amal Clooney et M. le juge Theodor Méron C.M.G. Je me félicite d’avoir pu compter sur cette analyse menée par des experts indépendants qui a permis d’étayer les requêtes déposées aujourd’hui par mon Bureau. Je suis également reconnaissant à plusieurs de mes conseillers spéciaux, en particulier M.M. Adama Dieng et Kevin Jon Heller, pour leurs contributions dans le cadre de cet examen.

Aujourd’hui, nous réaffirmons qu’aucun État ne peut se soustraire aux normes prévues par le droit international et le droit des conflits armés. Aucun soldat, aucun commandant, aucun dirigeant civil, nul ne peut agir en toute impunité. Rien ne peut justifier de priver délibérément des êtres humains, dont tant de femmes et d’enfants, de biens indispensables à leur survie. Rien ne peut justifier des prises d’otages ni de prendre délibérément pour cibles des civils.

Les juges indépendants de la Cour pénale internationale sont les seuls à pouvoir déterminer si les conditions sont réunies pour délivrer des mandats d’arrêt. S’ils font droit à mes requêtes et délivrent les mandats d’arrêt, je travaillerai en étroite collaboration avec le Greffier pour appréhender les individus concernés. Je demande à tous les États, notamment les États parties au Statut de Rome, de considérer ces requêtes ainsi que la décision judiciaire ultérieure qui s’ensuivra avec autant de sérieux qu’ils l’ont fait à l’égard des autres situations, conformément aux obligations qui leur sont faites dans le Statut. Je suis également prêt à travailler avec des États non parties afin d’atteindre notre objectif commun visant à établir les responsabilités des auteurs de crimes internationaux.

Il est crucial, à l’heure qu’il est, que mon Bureau et tous les organes de la Cour y compris ses juges indépendants, puissent accomplir leur travail en toute indépendance et en toute impartialité. Je demande instamment que cessent immédiatement les tentatives d’obstruction, d’intimidation ou d’influence indue des fonctionnaires de la Cour. Mon Bureau n’hésitera pas à prendre les mesures qui s’imposent en vertu de l’article 70 du Statut de Rome si de tels comportements persistent.

Je reste profondément préoccupé par les allégations de crimes internationaux qui continueraient d’être commis en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, et qui commencent à être corroborées. Notre enquête se poursuit et mon Bureau enregistre des progrès dans plusieurs axes d’enquête supplémentaires étroitement liés concernant notamment des signalements de violences sexuelles commises le 7 octobre et les bombardements à grande échelle qui ont fait tant de morts et de blessés parmi la population civile et causé tant de souffrances à Gaza, et qui se poursuivent. J’invite toute personne possédant des informations utiles à prendre contact avec mon Bureau et à soumettre ces informations via la plateforme OTP Link.

Mon Bureau n’hésitera pas à déposer d’autres requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt si, et le cas échéant, nous considérons avoir « des chances réelles d’obtenir une condamnation ». J’exhorte à nouveau toutes les parties au conflit à se conformer au droit.

Je tiens également à préciser que le principe de complémentarité, qui est au cœur du Statut de Rome, fera l’objet d’un examen continu par mon Bureau lorsque nous enquêterons sur les crimes présumés et leurs auteurs présumés précédemment cités et que nous progresserons dans d’autres axes d’enquête. Il faut cependant garder à l’esprit qu’en vertu du principe de complémentarité, le soin de l’enquête peut seulement être déféré aux autorités nationales lorsque celles-ci entament des procédures judiciaires indépendantes et impartiales qui n’ont pas pour but de soustraire les suspects présumés à leurs responsabilités pénales et qui ne soient pas des simulacres de procédures judiciaires. Cela exige de contrôler toutes les instances prenant part à l’examen des politiques et des actes visés dans les requêtes.

Il est important aujourd’hui de dire les choses clairement : si nos actes ne traduisent pas notre volonté d’appliquer le droit de manière impartiale, si notre application du droit est perçue comme étant sélective, nous aurons contribué à son effondrement. Ce faisant, nous contribueront au délitement des liens ténus qui nous unissent encore et des relations entre toutes les communautés et les personnes qui sont des vecteurs d’équilibre et constituent un filet de sécurité auquel toutes les victimes se raccrochent lorsqu’elles traversent des périodes difficiles. Tel est le risque bien réel qui se dessine en ce moment charnière.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons démontrer collectivement que le droit international humanitaire, qui dicte les normes à respecter en temps de guerre, s’applique de façon impartiale à toutes les parties à un conflit armé dans l’ensemble des situations portées devant mon Bureau et la Cour. C’est ainsi que nous pourrons démontrer concrètement que toutes les vies humaines se valent.

De plus amples informations sur les « enquêtes préliminaires » et les « situations et affaires » examinés par la Cour sont disponibles ici et ici.

Source : Bureau du Procureur | OTPNewsDesk@icc-cpi.int

Statement: 20 May 2024

Versions française, arabe et hébraïque ci-dessous

Statement of ICC Prosecutor Karim A.A. Khan KC: Applications for arrest warrants in the situation in the State of Palestine

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Today I am filing applications for warrants of arrest before Pre-Trial Chamber I of the International Criminal Court in the Situation in the State of Palestine.

Yahya Sinwar, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri (Deif), Ismail Haniyeh

On the basis of evidence collected and examined by my Office, I have reasonable grounds to believe that Yahya SINWAR (Head of the Islamic Resistance Movement (“Hamas”) in the Gaza Strip), Mohammed Diab Ibrahim AL-MASRI, more commonly known as DEIF (Commander-in-Chief of the military wing of Hamas, known as the Al-Qassam Brigades), and Ismail HANIYEH (Head of Hamas Political Bureau) bear criminal responsibility for the following war crimes and crimes against humanity committed on the territory of Israel and the State of Palestine (in the Gaza strip) from at least 7 October 2023:

Extermination as a crime against humanity, contrary to article 7(1)(b) of the Rome Statute;
Murder as a crime against humanity, contrary to article 7(1)(a), and as a war crime, contrary to article 8(2)(c)(i);
Taking hostages as a war crime, contrary to article 8(2)(c)(iii);
Rape and other acts of sexual violence as crimes against humanity, contrary to article 7(1)(g), and also as war crimes pursuant to article 8(2)(e)(vi) in the context of captivity;
Torture as a crime against humanity, contrary to article 7(1)(f), and also as a war crime, contrary to article 8(2)(c)(i), in the context of captivity;
Other inhumane acts as a crime against humanity, contrary to article 7(l)(k), in the context of captivity;
Cruel treatment as a war crime contrary to article 8(2)(c)(i), in the context of captivity; and
Outrages upon personal dignity as a war crime, contrary to article 8(2)(c)(ii), in the context of captivity.
My Office submits that the war crimes alleged in these applications were committed in the context of an international armed conflict between Israel and Palestine, and a non-international armed conflict between Israel and Hamas running in parallel. We submit that the crimes against humanity charged were part of a widespread and systematic attack against the civilian population of Israel by Hamas and other armed groups pursuant to organisational policies. Some of these crimes, in our assessment, continue to this day.

My Office submits there are reasonable grounds to believe that SINWAR, DEIF and HANIYEH are criminally responsible for the killing of hundreds of Israeli civilians in attacks perpetrated by Hamas (in particular its military wing, the al-Qassam Brigades) and other armed groups on 7 October 2023 and the taking of at least 245 hostages. As part of our investigations, my Office has interviewed victims and survivors, including former hostages and eyewitnesses from six major attack locations: Kfar Aza; Holit; the location of the Supernova Music Festival; Be’eri; Nir Oz; and Nahal Oz. The investigation also relies on evidence such as CCTV footage, authenticated audio, photo and video material, statements by Hamas members including the alleged perpetrators named above, and expert evidence.

It is the view of my Office that these individuals planned and instigated the commission of crimes on 7 October 2023, and have through their own actions, including personal visits to hostages shortly after their kidnapping, acknowledged their responsibility for those crimes. We submit that these crimes could not have been committed without their actions. They are charged both as co-perpetrators and as superiors pursuant to Articles 25 and 28 of the Rome Statute.

During my own visit to Kibbutz Be’eri and Kibbutz Kfar Aza, as well as to the site of Supernova Music Festival in Re’im, I saw the devastating scenes of these attacks and the profound impact of the unconscionable crimes charged in the applications filed today. Speaking with survivors, I heard how the love within a family, the deepest bonds between a parent and a child, were contorted to inflict unfathomable pain through calculated cruelty and extreme callousness. These acts demand accountability.

My Office also submits there are reasonable grounds to believe that hostages taken from Israel have been kept in inhumane conditions, and that some have been subject to sexual violence, including rape, while being held in captivity. We have reached that conclusion based on medical records, contemporaneous video and documentary evidence, and interviews with victims and survivors. My Office also continues to investigate reports of sexual violence committed on 7 October.

I wish to express my gratitude to the survivors, and the families of victims of the 7 October attacks, for their courage in coming forward to provide their accounts to my Office. We remain focused on further deepening our investigations of all crimes committed as part of these attacks and will continue to work with all partners to ensure that justice is delivered.

I again reiterate my call for the immediate release of all hostages taken from Israel and for their safe return to their families. This is a fundamental requirement of international humanitarian law.

Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant

On the basis of evidence collected and examined by my Office, I have reasonable grounds to believe that Benjamin NETANYAHU, the Prime Minister of Israel, and Yoav GALLANT, the Minister of Defence of Israel, bear criminal responsibility for the following war crimes and crimes against humanity committed on the territory of the State of Palestine (in the Gaza strip) from at least 8 October 2023:

Starvation of civilians as a method of warfare as a war crime contrary to article 8(2)(b)(xxv) of the Statute;
Wilfully causing great suffering, or serious injury to body or health contrary to article 8(2)(a)(iii), or cruel treatment as a war crime contrary to article 8(2)(c)(i);
Wilful killing contrary to article 8(2)(a)(i), or Murder as a war crime contrary to article 8(2)(c)(i);
Intentionally directing attacks against a civilian population as a war crime contrary to articles 8(2)(b)(i), or 8(2)(e)(i);
Extermination and/or murder contrary to articles 7(1)(b) and 7(1)(a), including in the context of deaths caused by starvation, as a crime against humanity;
Persecution as a crime against humanity contrary to article 7(1)(h);
Other inhumane acts as crimes against humanity contrary to article 7(1)(k).
My Office submits that the war crimes alleged in these applications were committed in the context of an international armed conflict between Israel and Palestine, and a non-international armed conflict between Israel and Hamas (together with other Palestinian Armed Groups) running in parallel. We submit that the crimes against humanity charged were committed as part of a widespread and systematic attack against the Palestinian civilian population pursuant to State policy. These crimes, in our assessment, continue to this day.

My Office submits that the evidence we have collected, including interviews with survivors and eyewitnesses, authenticated video, photo and audio material, satellite imagery and statements from the alleged perpetrator group, shows that Israel has intentionally and systematically deprived the civilian population in all parts of Gaza of objects indispensable to human survival.

This occurred through the imposition of a total siege over Gaza that involved completely closing the three border crossing points, Rafah, Kerem Shalom and Erez, from 8 October 2023 for extended periods and then by arbitrarily restricting the transfer of essential supplies – including food and medicine – through the border crossings after they were reopened. The siege also included cutting off cross-border water pipelines from Israel to Gaza – Gazans’ principal source of clean water – for a prolonged period beginning 9 October 2023, and cutting off and hindering electricity supplies from at least 8 October 2023 until today. This took place alongside other attacks on civilians, including those queuing for food; obstruction of aid delivery by humanitarian agencies; and attacks on and killing of aid workers, which forced many agencies to cease or limit their operations in Gaza.

My Office submits that these acts were committed as part of a common plan to use starvation as a method of war and other acts of violence against the Gazan civilian population as a means to (i) eliminate Hamas; (ii) secure the return of the hostages which Hamas has abducted, and (iii) collectively punish the civilian population of Gaza, whom they perceived as a threat to Israel.

The effects of the use of starvation as a method of warfare, together with other attacks and collective punishment against the civilian population of Gaza are acute, visible and widely known, and have been confirmed by multiple witnesses interviewed by my Office, including local and international medical doctors. They include malnutrition, dehydration, profound suffering and an increasing number of deaths among the Palestinian population, including babies, other children, and women.

Famine is present in some areas of Gaza and is imminent in other areas. As UN Secretary-General António Guterres warned more than two months ago, “1.1 million people in Gaza are facing catastrophic hunger – the highest number of people ever recorded – anywhere, anytime” as a result of an “entirely manmade disaster”. Today, my Office seeks to charge two of those most responsible, NETANYAHU and GALLANT, both as co-perpetrators and as superiors pursuant to Articles 25 and 28 of the Rome Statute.

Israel, like all States, has a right to take action to defend its population. That right, however, does not absolve Israel or any State of its obligation to comply with international humanitarian law. Notwithstanding any military goals they may have, the means Israel chose to achieve them in Gaza – namely, intentionally causing death, starvation, great suffering, and serious injury to body or health of the civilian population – are criminal.

Since last year, in Ramallah, in Cairo, in Israel and in Rafah, I have consistently emphasised that international humanitarian law demands that Israel take urgent action to immediately allow access to humanitarian aid in Gaza at scale. I specifically underlined that starvation as a method of war and the denial of humanitarian relief constitute Rome Statute offences. I could not have been clearer.

As I also repeatedly underlined in my public statements, those who do not comply with the law should not complain later when my Office takes action. That day has come.

In presenting these applications for arrest warrants, my Office is acting pursuant to its mandate under the Rome Statute. On 5 February 2021, Pre-Trial Chamber I decided that the Court can exercise its criminal jurisdiction in the Situation in the State of Palestine and that the territorial scope of this jurisdiction extends to Gaza and the West Bank, including East Jerusalem. This mandate is ongoing and includes the escalation of hostilities and violence since 7 October 2023. My Office also has jurisdiction over crimes committed by nationals of States Parties and by the nationals of non-States Parties on the territory of a State Party.

Today’s applications are the outcome of an independent and impartial investigation by my Office. Guided by our obligation to investigate incriminating and exonerating evidence equally, my Office has worked painstakingly to separate claims from facts and to soberly present conclusions based on evidence to the Pre-Trial Chamber.

As an additional safeguard, I have also been grateful for the advice of a panel of experts in international law, an impartial group I convened to support the evidence review and legal analysis in relation to these arrest warrant applications. The Panel is composed of experts of immense standing in international humanitarian law and international criminal law, including Sir Adrian Fulford PC, former Lord Justice of Appeal and former International Criminal Court Judge; Baroness Helena Kennedy KC, President of the International Bar Association’s Human Rights Institute; Elizabeth Wilmshurst CMG KC, former Deputy Legal Adviser at the UK Foreign and Commonwealth Office; Danny Friedman KC; and two of my Special Advisers – Amal Clooney and His Excellency Judge Theodor Meron CMG. This independent expert analysis has supported and strengthened the applications filed today by my Office. I have also been grateful for the contributions of a number of my other Special Advisers to this review, particularly Adama Dieng and Professor Kevin Jon Heller.

Today we once again underline that international law and the laws of armed conflict apply to all. No foot soldier, no commander, no civilian leader – no one – can act with impunity. Nothing can justify wilfully depriving human beings, including so many women and children, the basic necessities required for life. Nothing can justify the taking of hostages or the targeting of civilians.

The independent judges of the International Criminal Court are the sole arbiters as to whether the necessary standard for the issuance of warrants of arrest has been met. Should they grant my applications and issue the requested warrants, I will then work closely with the Registrar in all efforts to apprehend the named individuals. I count on all States Parties to the Rome Statute to take these applications and the subsequent judicial decision with the same seriousness they have shown in other Situations, meeting their obligations under the Statute. I also stand ready to work with non-States Parties in our common pursuit of accountability.

It is critical in this moment that my Office and all parts of the Court, including its independent judges, are permitted to conduct their work with full independence and impartiality. I insist that all attempts to impede, intimidate or improperly influence the officials of this Court must cease immediately. My Office will not hesitate to act pursuant to article 70 of the Rome Statute if such conduct continues.

I remain deeply concerned about ongoing allegations and emerging evidence of international crimes occurring in Israel, Gaza and the West Bank. Our investigation continues. My Office is advancing multiple and interconnected additional lines of inquiry, including concerning reports of sexual violence during the 7 October attacks, and in relation to the large-scale bombing that has caused and continues to cause so many civilian deaths, injuries, and suffering in Gaza. I encourage those with relevant information to contact my Office and to submit information via OTP Link.

My Office will not hesitate to submit further applications for warrants of arrest if and when we consider that the threshold of a realistic prospect of conviction has been met. I renew my call for all parties in the current conflict to comply with the law now.

I also wish to emphasise that the principle of complementarity, which is at the heart of the Rome Statute, will continue to be assessed by my Office as we take action in relation to the above-listed alleged crimes and alleged perpetrators and move forward with other lines of inquiry. Complementarity, however, requires a deferral to national authorities only when they engage in independent and impartial judicial processes that do not shield suspects and are not a sham. It requires thorough investigations at all levels addressing the policies and actions underlying these applications.

Let us today be clear on one core issue: if we do not demonstrate our willingness to apply the law equally, if it is seen as being applied selectively, we will be creating the conditions for its collapse. In doing so, we will be loosening the remaining bonds that hold us together, the stabilising connections between all communities and individuals, the safety net to which all victims look in times of suffering. This is the true risk we face in this moment.

Now, more than ever, we must collectively demonstrate that international humanitarian law, the foundational baseline for human conduct during conflict, applies to all individuals and applies equally across the situations addressed by my Office and the Court. This is how we will prove, tangibly, that the lives of all human beings have equal value.

For further details on “preliminary examinations” and “situations and cases” before the Court, click here, and here.

Source: Office of the Prosecutor | OTPNewsDesk@icc-cpi.int

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