Il fait bon vivre sous les cacaoyers. Le frou-frou des feuilles fait place à la sérénité. Et, les planteurs ont le sourire aux lèvres. Le prix de 1 500 FCfa fixé pour le kilogramme de cacao donne une autre saveur à la campagne intermédiaire qui a démarré début avril.
C’est un niveau de rémunération historique. La filière reste une grande opportunité de business. Cependant, la richesse est cachée dans la transformation.
Alors qu’il leur était promis 60 % du prix Coût assurance fret (Caf), le Chef de l’État ivoirien est passé à la vitesse supérieure. Ce sont 64,48% du prix à l’international (2326 Fcfa) qui est servi aux producteurs de cacao de Côte d’Ivoire. Ce, pour le compte de la campagne intermédiaire, allant du mois d’avril au mois de septembre prochain.
Ainsi, les cacaoculteurs livreront leurs productions à 1500 FCfa le kilogramme, contre 1000 Fcfa la campagne principale. Soit une augmentation de 50%. Avec ce prix rémunérateur, l’agriculteur devient le principal bénéficiaire de son labeur. En tout cas, en ce qui concerne la matière première.
La Côte d’Ivoire est le premier marchand de fève sur le marché international. Avec une offre de plus de deux millions de tonnes, elle représente 45% du marché et plus de 60%, avec le Ghana. Ce sont en principe des price-maker ou faiseurs de prix. La réalité est tout autre, avec les géants de l’industrie chocolatière.
Des voix se sont élevées avant cette annonce pour demander une hausse irrationnelle du prix du cacao. Le vrai combat n’est pas à ce niveau. Il faut en effet regarder ailleurs. A 1500 Fcfa le kilogramme, les 100 grammes de cacao valent aux planteurs 150 Fcfa. Maintenant, quittons les champs. Allons dans le commerce, dans les grandes surfaces.
La tablette de chocolat de 100 grammes, de gamme moyenne, est vendue à 1500 Fcfa. Le haut de gamme est étiqueté à 5000 Fcfa, voire plus. Mais restons dans la moyenne. 100g achetés à 150 Fcfa sont vendus après transformation à 1500 FCfa.
Traduction : Pour 100g de matière première, le paysan ne dispose que du dixième du prix du produit fini. Autrement, pour 100g de cacao, alors que le producteur se débrouille avec 150 Fcfa, les usiniers empochent 1350 Fcfa. Par conséquent, 1 Kg de cacao vendu à 1500 Fcfa génère une valeur ajoutée de 13 500 Fcfa que se partagent les autres opérateurs de la filière.
Le cacao est de ce fait un produit à forte valeur ajoutée. Il n’est pas le seul. Allons au centre et au nord, pour apprécier la situation au niveau de la noix de cajou. Avec une production estimée à 1 250 000 tonnes pour 2024, la Côte d’Ivoire se positionne au premier rang des producteurs de noix brute de cajou et deuxième fournisseur mondial d’amandes de cajou, après le Vietnam.
Pour la campagne en cours, 2024, le prix de la noix brute est fixé à 275 Fcfa le kilogramme. Que constate-t-on sur le marché de consommation ? Le kilogramme de l’amande est proposé à 10 000 Fcfa.
Reprenons alors le même exercice de déduction des gains. Il se trouve que pour 275 Fcfa, les industriels captent 9 725 Fcfa. Sans oublier qu’en plus de l’amande, la pomme de cajou est aussi commercialisée. Rien ne se perd.
On peut aisément le constater, la richesse se trouve dans la transformation. Là se trouve le vrai défi. Là doit se diriger le débat. Arriver à passer de la livraison de matières brutes à la production industrielle, avec des produits finis à forte valeur ajoutée.
Une voie vertueuse qui donnera plus de possibilité de rémunération aux premiers acteurs des filières agricoles que sont les paysans. Pas que ça. Une industrialisation est synonyme de création d’emplois. Donc plus de pouvoir d’achat. Ce qui fait tourner l’économie. A cela s’ajoute un autre facteur. La compétitivité des produits fabriqués.
Du fait d’être producteur de matières premières confère au pays un avantage comparatif. S’ériger en pays industriel va permettre de capter une plus-value considérable. Partant, donner un avantage compétitif au pays à travers la maîtrise des coûts. Pour cela, les ressources humaines existent.
Les autres facteurs de production comme l’eau, l’électricité, les routes, les ports, pour l’écoulement, sont non négligeables. A côté, l’environnement des affaires est propice. Le code des investissements donne aux hommes d’affaires de véritables avantages de faire fructifier leur engagement.
Les questions fondamentales restent les suivantes : vu les enjeux, les géants américains et européens assisteront-ils passivement à cette transformation de nos économies ? Comment éviter qu’ils soient des obstacles ? Ou alors, comment en faire des partenaires dans cette marche vers l’industrialisation ? Toute une problématique.
Il est incompréhensible qu’à ce jour nous n’avons pas encore réalisé la transformation à 100 pourcent de notre cacao. On ne serait même pas en train d’avoir ces débats. Incompréhensible !
Juste un chiffre. Le marché du chocolat mondial se chiffre à plus de 150 milliards de dollars. Nous n’avons qu’à peine 10 pourcent. Entre-temps on dépense des milliers de milliards pour soit dit-on les jeunes. Mais dites-moi quand nous aurons transformé à 100 pourcent notre cacao ce sont bien les jeunes qui en bénéficieront de manière pérenne sans compter les externalités positives sur les autres secteurs de notre économie. Cela aurait pu se faire avec tout au plus des emprunts ciblés d’industrialisation qui allaient eux-mêmes générer des milliards de dollars CHAQUE ANNÉE pour construire autant de ponts et routes et tunnels que nous voudrions.
Les Africains et leur leaders sont parfois incompréhensibles. Juste un observateur de passage…
(Suite…)
Voici une approche dont la vraie opposition dans notre pays peut se prévaloir pour son projet en 2025. Je ne parle pas bien entendu de ces opposants haineux et fainéants qui passent leur temps à parler de leur maîtresse, de popote et de leur cuisinier. Je ne parle pas non plus de cet ancien minablissime opposant professionnel qui décida au firmament de son intelligence d’aller construire une usine de cacao aux USA à coups de centaines de milliards (qui ont d’ailleurs disparu dans l’océan Atlantique).
En tant qu’observateur, je ne peut réitérer que si nous transformons TOUT notre cacao, nous serons aussi riche et prospère que des références mondiales comme le Qatar. Faisons juste les calculs, nous avons 40 pourcent de la production mondiale nous pouvons donc revendiquer réalistement au moins un quart à 30 pourcent du marché mondiale de cacao dans nos coffres.
Quand j’entends encore les vieux débats des années 60 et 80 se rapportant chaque fois au prix du kilo bord champ, il y a de quoi s’interroger si nous Africains voulons rentrer dans l’histoire par la grande porte…
Plutôt lire : … du marché mondial du chocolat…