«C’est toute l’architecture de la gouvernance mondiale qui est remise en cause, puisque l’ordre juridique qu’elle est chargée d’administrer est piétiné»
Chronique de Sylvie Kauffmann 20 mars 2024
Le refus des Etats-Unis d’agir auprès d’Israël pour l’empêcher de poursuivre son offensive dans l’enclave après les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ont fait voler en éclats le fragile consensus sur la condamnation de la Russie pour sa guerre en Ukraine, explique, dans sa chronique, Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».
Vendredi 15 mars, à New York, alors que les électeurs russes votaient pour réélire leur président, l’ambassadeur d’Ukraine à l’ONU, Sergiy Kyslytsya, a rendu publique une déclaration conjointe condamnant l’organisation du scrutin par la Russie dans les territoires qu’elle occupe illégalement en Ukraine, « en violation du droit international ».
Cette déclaration a été cosignée par un groupe d’une cinquantaine d’Etats, tous « occidentaux », à l’exception de l’Argentine, du Chili, du Costa Rica, des îles Marshall, du Liberia, du Paraguay, des Palaos et de l’Uruguay. On est loin des 141 Etats membres qui, au cours d’un vote à l’Assemblée générale il y a deux ans, avaient condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. En réalité, à l’approche du deuxième anniversaire de l’invasion à grande échelle, les alliés de M. Kyslytsya lui ont déconseillé de tenter un nouveau vote de condamnation : cette fois, ont-ils averti, il ne rallierait guère plus de 110 Etats. Sur un total de 193, ce résultat serait contre-productif.
Que s’est-il passé ? La guerre à Gaza et le refus des Etats-Unis d’agir auprès d’Israël pour l’empêcher de poursuivre son offensive dans l’enclave après les massacres commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, ont fait voler en éclats le fragile consensus sur la condamnation de la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité. Déjà, courant 2022, lorsqu’il était apparu que la guerre en Ukraine allait durer, la solidarité avec le bloc occidental derrière l’Ukraine avait commencé à se fissurer. Le chef de la diplomatie indienne, Subrahmanyam Jaishankar, avait résumé les doutes du Sud global par cette formule : « Quelque part, l’Europe doit s’ôter de la tête l’idée que les problèmes de l’Europe sont les problèmes du monde, mais que les problèmes du monde ne sont pas les problèmes de l’Europe. »
L’insistance des Occidentaux à vouloir mettre la Russie au ban de la communauté internationale pour sa guerre d’agression caractérisée et la violation de la charte des Nations unies a rapidement fait resurgir le procès du « deux poids deux mesures », à commencer par celui de l’intervention américaine en Irak, et de l’indifférence des mêmes Occidentaux aux autres guerres, celles qui se déroulent dans le Sud et qui ne les affectent pas.
La dynamique diplomatique a changé de camp
La guerre à Gaza et son terrible bilan humain ont mis à nu l’inexorable érosion d’un système international dominé par les Etats-Unis. « Championne du droit international sur l’Ukraine, l’Europe s’est montrée divisée sur Gaza », regrette un diplomate asiatique. Lorsque le représentant de la Russie à l’ONU a rip
Suite et fin de la Chronique dans le Monde.fr
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