Nouvelle découverte pétrolière en Côte- d’Ivoire : « c’est un gisement fertile »

« Des éclairages, il en faut sur ce bond pétrolier que la Côte d‘Ivoire vient de faire. Un Expert International en Industries Pétrolières et Énergies le dit en substance dans cet entretien »

• FRATERNITÉ MATIN : En quoi consiste concrètement l’activité d’exploration pétrolière ?

SERGE DIOMAN PARFAIT : Elle fait partie du cœur de métier de l’amont pétrolier et est à n’en point douter la porte d’entrée dans l’univers pétro-gazier car elle vise particulièrement à investiguer des bassins sédimentaires pour rechercher, autant en mer que sur terre, des gisements fertiles contenant donc des hydrocarbures à extraire. Il peut cependant arriver que certaines découvertes débouchent sur des puits secs ou peu abondants d’où l’on n’extraira quasiment rien à terme.

En effet, si la structure géologique en question a une faible perméabilité de Darcy ou un profil de porosité ouverte non suffisante par exemple, la circulation des fluides à recueillir par le forage des puits de production en sera bien impactée, compromettant ainsi au final l’extraction même de l’or noir.

C’est pourquoi annoncer une découverte pétro-gazière exige certes de spécifier son envergure et sa contenance mais l’on requiert en sus de mentionner ce que vaut la perméabilité des strates géologiques considérées pour avoir une idée des facilités de circulation des hydrocarbures enfouis et établir donc un bon Plan De Développement (PdP) au cas par cas.

• FM : Quand peut-on alors espérer l’exploitation effective de ce nouveau gisement CALAO découvert par ENI et son partenaire local PETROCI HOLDING ?

SDP : Il importe de savoir que ce gisement dont le réservoir pétrolifère se situe précisément dans les profondeurs des strates du Cénomanien, une formation géologique vieille de plus de 94 millions à 100 millions d’années d’âge, affiche une excellente perméabilité de Darcy.

En Côte d’Ivoire, cette découverte s’avère être en l’occurence donc un gisement fertile couvant d’ailleurs de grandes réserves de pétrole estimées entre 1 milliard et 1,5 milliards de barils équivalent pétrole (bep) et ce, en plus de loger une immense quantité de gaz naturel associé. Cela augure déjà de bonnes prédispositions naturelles pour y implémenter mêmement un Plan De Développement (PdP) accéléré.

Nous nous souvenons bien en effet du plan de mise en exploitation rapide du gisement BALEINE en moins de deux ans de l’annonce de sa découverte en août 2021.

• FM : Pourrait-on alors également espérer une telle durée de deux années pour le gisement CALAO ?

SDP : La notion de mise en exploitation accélérée est relative car il ne s’agit point de se précipiter mais avant tout s’assurer d’avoir au préalable pris le temps nécessaire d’implémenter toutes les exigences sécuritaires révélées par l’étude HAZOP (HAZard OPerability) qui établit les risques opérationnels et les mesures barrières de réduction desdits risques.

Et d’ailleurs partout dans le monde où l’on a déjà eu à réaliser un plan de développement pétrolier en FAST-TRACK, la durée d’exécution du projet n’a jamais primé sur la sécurité car tous sommes-nous tenus au credo de « LA SÉCURITÉ D’ABORD ».

Alors, du fait particulier d’avoir le fond de mer du gisement CALAO qui se trouve à quelques 2 200 mètres de profondeur d’eau de mer, l’on est déjà en condition de mer très profonde, avec tout ce que tout cela implique comme défis.

Et donc déjà, le choix même du type de plate-forme flottante d’exploitation, qui pourrait être soit un FPSO (Floating Production Storage and Offloading), un TLP (Tension Led Platform), un semi-submersible ou autre, devient pour ce faire délicat. De même en est-il pour la stratégie d’expédition du gaz depuis ces lieux sujets à de forts courants marins.

• FM : Ces contraintes pourraient-elles éventuellement retarder la mise en exploitation rapide de ce gisement ?

SDP : Soyons tous rassurés de ne surtout pas croire que l’on attend de découvrir un gisement pétrolifère avant d’envisager tous ces questionnements opérationnels. Ils sont anticipés.

Au moment opportun alors, le Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie, Monsieur Mamadou Sangafowa-Coulibaly annoncera l’échéancier prévisionnel relatif à l’exploitation effective de CALAO. Car en tant qu’impulseur de la stratégie de gouvernance énergétique du pays, c’est à lui en effet que revient la primeur de nous apporter cette bonne information.

• FM : Quels sont donc alors quelques-uns des grands défis liés à l’exploration pétrolière en général ?

SDP : Ce sont en gros des défis financiers, technologiques, sécuritaires, écologiques et humains. D’autres défis d’ordre stratégique permettent en particulier de définir la méthode de recherche occasionnant de tomber sur le bon filon et ce, dans un laps de temps raisonnablement acceptable.

C’est justement l’efficience de cette méthode, qualifiée de clé géologique, qui fait toute la différence entre un explorateur accomplissant des découvertes probantes de pétrole et un autre qui tarde à en trouver ou qui n’en trouvera pas du tout.

Il s’agit dans tous les cas de bien comprendre que découvrir un gisement pétrolifère ne donne plus lieu de tâtonner quand l’on peut très bien aujourd’hui se faire assister par la science.

• FM : Le CEO du groupe ENI a récemment annoncé que la découverte du nouveau gisement CALAO constitue une porte à d’autres découvertes, qu’est-ce à dire ?

SDP : Il fait justement allusion aux nouvelles technologies de prospections géophysiques très évoluées qui permettent, par des méthodes sismiques de réflexions surfaciques et de sondages de réfractions souterraines, de mieux visualiser les structures géologiques en profondeur à l’effet de dresser une cartographie définissant clairement les strates susceptibles de constituer des réservoirs d’hydrocarbures exploitables.

Certes, chaque explorateur développe ses clés géologiques qui restent sa propriété secrète, si l’on peut le dire ainsi, mais tous font aujourd’hui appel à des algorithmes bien connus de contrôle avancé impliquant nécessairement de l’Intelligence Artificielle (IA) pour reconcilier les relevés géologiques faits sur le terrain vis-à-vis des prédictions résultants des calculs des Systèmes Numériques de Contrôle Commande (SNCC).

De là, l’explorateur pourra donc aisément, au fur et à mesure qu’il fait des découvertes dans un bassin sédimentaire, se bâtir une modélisation précise des structures géologiques en présence et s’en servir pour orienter ses recherches afin de réduire très considérablement la durée de l’exploration, fut-elle en onshore ou offshore. Arrivé à ce stade, c’est bien tenir une clé pour une série d’autres découvertes probantes.

Ceci est somme toute un synoptique général de la méthode prédictive permettant aux explorateurs pétroliers de créer des clés spécifiques pour leurs activités de recherche dans une zone donnée. Les détails ne sauraient être divulguées.

• FM : Il est dit que c’est un gisement essentiellement de gaz. Quelle est donc la conséquence de tout cela pout le consommateur final ?

SDP : Sachons déjà que l’on estime le potentiel gazier de ce gisement entre 3 000 et 5 000 milliards de pieds cube de gaz. Cela est non seulement énorme mais il s’agit d’une ressource énergétique qui cadre bien avec les objectifs de sobriété carbone portées par les consignes transitionnelles énergétiques des Nations Unies.

La production électrique des centrales thermiques est pour l’heure le fer de lance du patrimoine électrogène de la Côte d’Ivoire. Le gaz naturel disponible en local s’avère à cet effet donc être un intrant essentiel à l’accomplissement des objectifs d’autonomisation et d’autosuffisance énergétiques.

En pratique, il s’agira pour le consommateur final de disposer d’une continuité de service en matière de fourniture d’énergie électrique et être à l’abri de délestages de causes imputables aux centrales. Cela s’avère être important quand l’on connaît le confort et la productivité accrue que l’on a à travailler sans coupures d’électricité fréquentes comme il peut être donné hélas de le voir sous d’autres cieux.

L’incidence à terme sur la facture énergétique n’est pas non plus à omettre en ce qui concerne le citoyen lambda à qui s’offrent en plus diverses opportunités d’emploi et la pleine assurance d’une embellie socio-économique profitable à tous.

• FM : En terme de production et gain, que va réellement apporter le gisement CALAO à la Côte d‘Ivoire ?

SDP : Tel qu’annoncé par le Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie, Monsieur Mamadou Sangafowa-Coulibaly, et à l’instar des autres découvertes pétrolières qui ont déjà eu lieu au pays, CALAO vient certainement renforcer la visibilité et l’attractivité pétrolières de la Côte d‘Ivoire sur l’échiquier international et la hisser aux portes des pays producteurs de pétrole avec qui il faudra boen compter dans un futur proche.

C’est en soi une motivation supplémentaire pour intensifier la recherche pétro-gazière en Côte d’Ivoire et ce, vu les preuves palpables que ce pays s’avère florissant en matière d’or noir.

Les investisseurs désirant explorer son bassin sédimentaire seront ravis d’y trouver un code pétrolier satisfaisant, un climat social et un environnement des affaires sécurisés de même que des ressources humaines et des entreprises locales compétentes à leur disposition et à toutes fins utiles.

Et en tant que hub énergétique de référence par ailleurs pour la sous-région donc, la célébration de l’heureuse découverte de CALAO s’exporte déjà au-delà de nos frontières nationales.

• FM : Devrions-nous donc nous attendre à davantage d’investisseurs attirés par les opportunités pétrolières en Côte d’Ivoire ?

SDP : Lorsqu’un investisseur étranger utilise la main-d’œuvre locale, il contribue doublement en fait à la richesse du pays en y apportant au moins du savoir-faire et de l’employabilité. Il ne devrait pas être d’office vu comme une adversité mais une complémentarité au développement.

Et ce, dans le même contexte de mondialisation participative où des investisseurs nationaux sont mêmement appelés à se faire valoir ailleurs à toutes fins utiles.

Il n’y a donc aucune instruction de nature à les tenir à l’écart quand se présentent des opportunités en local. La particularité du secteur pétro-gazier est qu’en réalité, c’est l’investisseur lui-même qui crée son opportunité en sollicitant des permis d’exploration sur des blocs qu’il exploitera en cas de découverte probante.

Propos recueillis par Adama Koné
Journal FRATERNITÉ MATIN du mercredi 13 mars 2024.

SERGE DIOMAN PARFAIT
Expert International en Industries Pétrolières et Énergies

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