- Comment le ministre Assahoré met la pression pour l’application du décret de 2013
Lentement mais surement, l’étau se resserre autour des industriels du plastique qui avaient été sauvés par un arrêté ministériel de 2019 alors qu’un décret du président de la République avait été pris en 2013 pour interdire la production, la commercialisation, l’importation et la détention du papier plastique en Côte d’Ivoire. L’arrivée du ministre Assahoré Konan au département de l’Environnement, du Développement durable et de la transition écologique a changé la donne avec une ferme volonté de faire appliquer le décret présidentiel. Depuis lors, les industriels, notamment ceux de la cimenterie qui utilisent le polypropylène dans le conditionnement du ciment, ont le sommeil trouble.
De fait, les industriels du plastique en général, s’étaient engagés dans l’esprit de l’arrêté ministériel conjoint N°319/MCIPPME/MINAS/MINEDD, pris en 2019 par trois ministères, à investir dans le conditionnement et le recyclage des déchets plastiques. Au bilan actuel, la moisson semble bien maigre. Si certains opérateurs ont investi à peu près 15 milliards de Fcfa dans une usine, ce ne fut pas le cas chez la plupart des producteurs du plastique qui avaient pris des engagements fermes. Résultat des courses, nos eaux, nos terres et nos villes ploient sous le poids des déchets plastiques et la situation est devenue alarmante pour l’environnement.
La réunion convoquée le 6 mars 2024 par le ministre Assahoré et dont nous parlions dans un précédent article sur ce site fut cruciale. Le ministre a mis les acteurs devant leur responsabilité. Certains industriels ont reconnu leur tort après l’exposé du ministre. Plusieurs sociétés de l’industrie du ciment et d’autres secteurs du plastique ont pris part à ce conclave qui a duré des heures. Entre autres, les Sociétés IMPOR CI, PRESTIGE CIM, CIM IVOIRE, SCCI, CIMART AFRIKA, SCA, DIAMOND CIMENT, LAFARGE HOLCIM, CIMAF, SOCIM San-Pédro, l’Association des Producteurs de Ciments de Côte d’Ivoire (APCCI) et la Chambre de Commerce et d’Industrie Libanaise de Côte d’Ivoire (CCILCI). Face à ses invités, il a dressé un état des lieux qui interpelle. Le Ministre Assahoré Konan Jacques a fait remarquer que le secteur de la cimenterie s’est détourné de la tradition du papier kraft par l’utilisation pour certains, des emballages plastiques, sous réserve de mettre en place un système de collecte et d’élimination de ces emballages après l’utilisation des ciments par les populations. Il en est arrivé à cette conclusion : « au regard du nombre de sacs en polypropylène (sacs plastiques) que l’on retrouve dans la nature, il semble qu’aucun dispositif de collecte et de recyclage de ces emballages n’a été mis en place par bon nombre d’entre vous ». Le Ministre a invité les cimentiers à prendre conscience des enjeux de la problématique afin de trouver des solutions avec l’implication de tous, tout en les rassurant que tous les acteurs intervenant dans la chaîne seront visés par cette démarche.
En réponse, les industriels n’ont pas versé dans la polémique à part quelques réticences exprimées. Les différents intervenants ont reconnu les faiblesses constatées et ont pris l’engagement d’explorer des pistes de solutions à travers un comité de réflexion. Cette idée a été approuvée par le Ministre. Il a envisagé de programmer un atelier, dans les jours à venir, pour réfléchir sur les solutions et la mise en œuvre des dispositions préconisées par les textes. Il a également annoncé que d’autres rencontres auront lieu avec les faitières de ces cimenteries.
Souleymane Diarrassouba dans la danse
La volonté de faire bouger les lignes du ministre de l’Environnement, du développement durable et de la transition écologique ne laisse pas indifférents les autres départements ministériels ayant un lien avec ce dossier du plastique. De son côté, le cosignataire de l’arrêté interministériel de mai 2019, (l’arrêté à problème qu’il faut purement et simplement annuler) à savoir le ministre du Commerce et de l’Industrie Souleymane Diarrassouba, a, lui également, reçu des opérateurs de la production et de l’usage du plastique. Selon les participants, il a réaffirmé l’engagement du gouvernement ivoirien à l’application du décret de mai 2013 d’autant plus que les producteurs de plastique n’ont pas respecté les engagements en faveur du recyclage qu’ils avaient pris. Ainsi depuis cinq ans, ils n’ont pas fait les investissements nécessaires. Pis, ils ont davantage compromis l’environnement et le cadre de vie dans le pays.
L’industrie plastique, c’est au moins 430 millions de tonnes de plastique produites chaque année dans le monde, selon une étude de 2019. Les deux tiers de cette production correspondent à des produits de courte durée de vie, devenant rapidement des déchets qui se répandent dans la nature, dans l’océan et souvent dans la chaine alimentaire.
Le combat de Jacques Assahoré Konan, de Souleymane Diarrassouba et de certaines associations de consommateurs, face à de gros intérêts financiers ne sera pas de tout repos. En Côte d’Ivoire, ils devront par des mesures courageuses vaincre certaines réticences qui se sont exprimées au cours des premières réunions ci-dessus évoquées. En particulier, la Chambre de commerce ivoiro-libanaise dont le représentant à la réunion chez le ministre Assahoré, avait défendu la production et l’usage du plastique au mépris des engagements de la Côte d’Ivoire et du décret signé par le président de la République.
SD à Abidjan (info : IA)
sdebailly@yahoo.fr
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