Voici les ambitions de la Côte d‘Ivoire en matière d’énergie solaire

Expert International en Industries Pétrolières et Énergies, Serge DIOMAN Parfait fait cas, dans cette interview, des grandes perspectives de développement pour la Côte d’Ivoire en matière de production solaire photovoltaïque. Pour lui, le secteur de l’énergie électrique fait partie des filières à investissements indispensables pour un pays en plein essor économique comme la Côte d’Ivoire.

« LE SOLAIRE OFFRE DIVERSES PERSPECTIVES D’EXPLOITATIONS RENTABLES ET ÉCO-RESPONSABLES »

LE PATRIOTE : Quelles sont les perspectives majeures s’offrant à la Côte d‘Ivoire qui continue de déployer ses pleines capacités en matière de sources solaires ?

SERGE DIOMAN PARFAIT : Pour un pays émergent, comme la Côte d’Ivoire qui s’est donnée pour objectif d’aller au-delà de l’utilité primaire que l’on puisse tirer d’une ressource naturelle donnée, le solaire offre diverses perspectives d’exploitations qui s’avèrent effectivement rentables et éco-responsables.

Tout est en réalité bon à recevoir du soleil. C’est une richesse naturelle inépuisable, renouvelable, facilement accessible et gratuite. Il est de surcroît multiforme en ce sens qu’il procure à la fois différentes formes d’énergies que sont la chaleur, des ondes électromécaniques diverses, de la lumière vive utilisable pour des besoins photovoltaïques, etc.

Hormis la production d’électricité de source solaire, le pays apparaît très attractif pour des investisseurs désireux par exemple alors de développer la filière de l’hydrogène vert.

Des pays comme l’Égypte, entre autres, qui jouissent en fait d’une irradiance solaire pas si différente de la Côte d’Ivoire, sont en passe de devenir des champions de l’hydrogène vert et faire de cette matière une ressource de choix pour le PIB.

LP : Qu’est-ce que l’hydrogène vert en fait ?

SPD : C’est l’appellation consacrée pour désigner l’hydrogène (H2) produit artificiellement au moyen de procédés évolués utilisant des sources énergétiques renouvelables et propres, comme le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité, etc. pour réaliser l’électrolyse de l’eau (H2O) et générer de l’hydrogène pur.

Il existe d’autres moyens industriels pour générer l’hydrogène à partir d’hydrocarbures, comme avec le méthane (CH4) par exemple. Sauf que, utiliser un intrant fossile ne donne plus lieu, par convention, de faire allusion à un produit « vert ».

Aussi, existe-t-il certes des gisements d’hydrogène naturel de par le monde mais ils sont rares et ne couvrent souvent pas de grandes réserves prouvées exploitables sur du long terme comme le sont les gisements fossiles pétro-gaziers et autres.

LP : En terme de constitution chimique, y aurait-il une différence entre l’hydrogène produit selon l’une ou l’autre de ces méthodes industrielles ou naturelles ?

SDP : Du point de vue moléculaire, l’hydrogène vert artificiel est chimiquement identique à l’hydrogène naturel. Pour les opérateurs de la filière, le choix final dépend financierement du coût marginal car il n’est pas rentable de produire à un coût de revient plus élevé que le prix escompté pour la vente.

Le choix final dépend entre autres aussi de la sensibilité des opérateurs vis-à-vis des considérations écologiques.

Ainsi, ceux qui sont plus regardants à l’egard de l’empreinte carbone et la transition énergétique par exemple opteront d’office pour l’hydrogène vert qui implique en effet des énergies renouvelables dans sa chaîne de production dite propre.

LP : Où trouver l’eau nécessaire à produire l’hydrogène ?

SDP : En terme de disponibilité déjà, il convient de noter que les masses d’eau à utiliser dans le processus de l’électrolyse de l’eau pourraient provenir d’un lac ou d’un cours d’eau avoisinant de même que du dessalement de l’eau de mer, etc.

Au sujet donc des projets où j’ai eu à intervenir au Maroc, en Azerbaïdjan, etc. l’eau déminee obtenue a pu en premier lieu servir à divers usages industriels. Ailleurs, l’intérêt peut être agricole ou pour la consommation domestique entre autres.

Et pour les pays adeptes de l’hydrogène vert, c’est une partie de cette même eau déminée qui est prélevée pour ensuite alimenter l’unité d’électrolyse et produire l’hydrogène vert pur à toutes fins utiles.

LP : A quoi peut bien servir l’hydrogène vert et quels pourraient être les bénéfices pour la Côte d’Ivoire ?

SDP : L’hydrogène est un intrant multi-usage qui sert à des fins électrogènes pour produire l’énergie électrique grâce à des centrales thermiques adaptées à ce combustible léger, non fossile, sans carbone et réputé non émetteur de gaz à effet de serre. Pour la quiétude climatique, c’est un bonus.

Par ailleurs, les raffineries pétrolières l’utilisent en Hydro-Traitement (HDT) des coupes intermédiaires et en procédés de désulfurarion (HDS) pour baisser la teneur en soufre de certains produits finis comme le gasoil. Celles qui sont en plus dotées d’un Hydro-Craqueur (DHC) en ont grandement besoin car c’est un intrant très essentiel pour ce procédé de raffinage de pointe. La Côte d’Ivoire est d’ailleurs fière de disposer depuis 1982, d’un Hydro-Craqueur, au sein de la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR), et qui tient la route.

Pour ce qui est des bénéfices en terme d’autosuffisance alimentaire, des sites pétrochimiques utilisent l’hydrogène pour produire des fertilisants agricoles. Ces engrais chimiques, bon marché, sont en plus de grande efficacité à en croire les utilisateurs.

Pour le transport maritime et autoroutier, c’est un carburant de premier choix inscrit au rang des énergies nouvelles. Les navires et voitures des générations à venir auront des offres de variantes utilisant bien l’hydrogène. Et pour les pays qui sont en mesure de l’exporter, c’est une valeur commerciale sûre car l’hydrogène est très prisé sur les places de marchés.

LP : L’on comprend alors l’intérêt de la Côte d‘Ivoire de promouvoir l’énergie solaire photovoltaïque pour assurer déjà sa couverture énergétique nationale.

SDP : En tout état de cause, le secteur de l’énergie électrique fait partie des filières à investissements indispensables pour un pays en plein essor économique comme la Côte d’Ivoire.

Et en ce qui concerne le solaire photovoltaïque en particulier, quoique intermittent, il s’agit en fait d’exploiter tous les avantages directs et indirects qu’offre le soleil en tant que source énergétique primaire la plus accessible au monde.

C’est pourquoi la Côte d’Ivoire n’est pas du tout une novice en matière d’énergie solaire et se donne les moyens idoines de promouvoir ce secteur depuis longtemps. Aujourd’hui en fait, l’accent est initialement porté sur l’offre photovoltaïque mais l’offre solaire thermique n’est point du tout occultée.

LP : Quels sont les fermes solaires dont disposent déjà la Côte d‘Ivoire sur l’étendue de son territoire national ?

SDP : Dans le cadre de son plan stratégie de diversification électrique, le pays a en effet inauguré avec succès en juin 2023 à Boundiali sa première centrale solaire de 37,5 MWc (Mégawatts Crête) et 40 millions d’euros d’investissement, extensible à terme à 80 MWc à la faveur de la Phase 2 à venir suite à une rallonge budgétaire fort appréciée.

C’est déjà en soi un premier pas important qui prouve bien que le déploiement du solaire photovoltaïque fait bel et bien partie intégrante des priorités énergétiques de ce pays aux ambitions de hub énergétique de référence de la sous-région.

A la poursuite de cette dynamique, le Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie, Mamadou Sangafowa-Coulibaly, tout en veillant à l’érection effective de la centrale solaire de 50 MWc à Bondoukou, vient encore d’impulser la construction prochaine d’une autre de 52 MWc et 39,5 milliards fCFA d’investissement dans le département de Ferkessédougou.

Ce ne sont là que des exemples d’une série d’autres fermes photovoltaïques qui verront le jour à divers endroits de la Côte d‘Ivoire, un pays qui vise en particulier à disposer d’un patrimoine d’électricité photovoltaïque de 600 MWc en 2026.

LP : Pourrions-nous nous réjouir d’avance de ce que les lendemains énergétiques de la Côte d‘Ivoire sont assurés en considération des sources renouvelables ?

SDP : Actuellement dotée d’une réserve tournante électrique confortable, la Côte d’Ivoire affiche une puissance installée de 2 907 MW (Mégawatts) incluant à ce jour 30 % produite à partir de sources renouvelables diverses.

Et pour se prémunir davantage contre des aléas saisonniers conjoncturels qui réduisent les performances de certaines sources renouvelables climato-sensibles, cas des barrages hydroélectriques susceptibles en effet d’être à l’arrêt en cas de fortes sécheresses. L’ambition du pays est de rehausser l’apport du solaire photovoltaïque dans le mix énergétique et se donner une indépendance face à ces vicissitudes climatiques.

Viser déjà plus de 16% de part solaire, dans la production électrique nationale à l’horizon 2030, est un objectif bien à la portée de la Côte d‘Ivoire qui, au regard de ses perspectives prévisionnelles de porter à 42% voire 45% la contribution globale des sources renouvelables vis-à-vis des énergies dites conventionnelles dans cette même échéance, tient au respect de ses engagements COP climat.

Tout ceci s’inscrit dans le plan stratégique énergétique visant 3 500 MW en capacité électrique installée pour 2025 puis 5 200 MW en 2030 pour donc atteindre les 8 600 MW en 2040.

Propos recueilis par Anzoumana Cissé

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