Les 8e de finales de la Coupe d’Afrique des nations débutent samedi, avec un choc entre le Cameroun et le Nigeria.
Par Alexis Billebault
C’est peu dire que le Cameroun a mal entamé la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Après un match nul et une prestation moyenne contre la Guinée (1-1), le 15 janvier, les Lions indomptables ont été sèchement corrigés par le Sénégal, tenant du titre quatre jours plus tard (3-1), si bien que les supporters se sont mis à exiger la démission du sélectionneur Rigobert Song.
Le troisième match de poule contre la Gambie était tout aussi poussif, lorsque dos au mur, Christopher Wooh a arraché un succès inespéré dans le temps additionnel (3-2). Des résultats décevants alors que la sélection camerounaise s’apprête à rencontrer le Nigeria, samedi 27 janvier.
Les rencontres se sont déroulées dans un climat tendu, avec une série de polémiques. La non-sélection d’Eric Maxim Choupo-Moting, l’expérimenté attaquant du Bayern Munich, celle de Nathan Wilfried Doualla, dont l’âge annoncé (17 ans) soulève toujours des interrogations, la blessure du capitaine Vincent Aboubakar et l’arrivée à la dernière minute du gardien André Onana en Côte d’Ivoire, qui avait décidé de rester avec son club jusqu’au 14 janvier (la compétition s’est ouvert le 13), furent largement commentées. « C’est comme ça au Cameroun : si ce n’est pas le bazar, c’est que quelque chose ne va pas. Heureusement, cela ne nous empêche pas de gagner parfois », ironise l’ancien international André Kana-Biyik, champion d’Afrique en 1988.
D’aussi loin que les joueurs s’en souviennent, les Lions indomptables ont connu des compétitions mouvementées. « Quand je suis arrivé en sélection en 1985, des anciens me racontaient que c’était déjà le cas au début des années soixante-dix, poursuit André Kana-Biyik. En 1990, à la veille d’affronter l’Argentine en match d’ouverture de la Coupe du monde en Italie, il y avait eu des discussions avec les dirigeants jusqu’à 3 heures du matin pour des problèmes de primes. » Cela n’avait pas empêché les Camerounais de battre (1-0) les tenants du titre, emmenés par Diego Maradona.
Un des plus beaux palmarès
Le succès obtenu face à la Gambie mardi 23 janvier a mis en évidence l’esprit de compétition qui anime les Camerounais, en dépit d’un contexte inflammable. « J’ai passé de nombreuses nuits blanches quand j’étais sélectionneur des Lions (1999-2001) parce que les joueurs menaçaient de ne pas jouer à cause de primes non réglés », se souvient le Français Pierre Lechantre, qui avait conduit la sélection à son troisième titre continental en 2000. « Mais sur le terrain, ils étaient transcendés. Je me suis longtemps demandé s’ils n’avaient pas aussi besoin de ça pour être motivés. »
Le Cameroun a un des plus beaux palmarès du continent. Le pays a remporté cinq fois la CAN, les Jeux olympiques en 2000 et participé à six phases finales de Coupe du monde, non sans avoir dans certains cas défrayés la chronique pour des motifs extra-sportifs. « C’est paradoxal mais je ne suis pas certain qu’il faille s’habituer à cela et en faire un mode de fonctionnement », observe Joseph-Antoine Bell, l’ancien gardien de but des Lions Indomptables (70 sélections) double champion d’Afrique en 1984 et 1988, qui milite « pour un climat apaisé, serein, qui réussit très bien à des sélections comme le Maroc ou le Sénégal. »
André Kana-Biyik, loin de désavouer son ancien coéquipier en sélection nationale, impute aux dirigeants successifs de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) la responsabilité de ces tensions « usantes mentalement, et qui pourraient être évitées si les problèmes étaient anticipés en amont. » En 2017, le Cameroun avait remporté la CAN au Gabon sans qu’aucune polémique ne jonche son parcours victorieux.
Pour les Lions, les derniers jours n’ont été marqués par aucune polémique, alors qu’ils s’apprêtent à affronter le Nigeria. Par le passé, la confrontation entre ces deux grandes nations du football a atteint des sommets d’intensité, comme en 2000 lors de la finale de la CAN disputée à Lagos et remportée par le Cameroun (2-2, 4-3 aux t.a.b). « Cette sélection doit aussi montrer qu’elle peut gagner autrement que quand elle est dos au mur, comme face à la Gambie ou lors du match décisif contre le Burundi (3-0) en qualifications », espère Joseph-Antoine Bell. Quant à André Kana-Biyik, il est persuadé qu’en cas de succès samedi, « les Lions sont capables d’aller au bout » . « Ils reviennent de très loin, la préparation a été agitée : je crois que tout est réuni ! », dit-il.
Alexis Billebault
Lemonde.fr
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