Douglas Mountain
Le 08 Août 2022, l’Etat ivoirien et l’ensemble des centrales syndicales de la Fonction Publique, ont conclu une trêve sociale de 05 années. Concrètement, il ne devrait plus avoir de grèves dans l’administration durant la période. En échange, l’Etat s’engageait à satisfaire un certain nombre de revendications, entre autres la généralisation et l’augmentation de l’indemnité de logement, de la prime mensuelle de transport, de l’allocation familiale, la revalorisation des retraites, l’instauration d’une prime exceptionnelle de fin d’année, …etc…etc…..des mesures évaluées à 1100 milliards de FCFA sur la période.
L’accord contenait des points d’interrogation en ce sens que certaines structures avaient des revendications spécifiques qui n’avaient pas été discutées. C’est le cas notamment de la Direction Générale des Impôts, où les syndicats réclament une partie du surplus de recettes qu’ils mobilisent, si les objectifs sont dépassés. Ils estiment que ce surplus de recettes mobilisées ( cette plus-value selon l’expression qu’ils emploient ), doit faire l’objet d’une répartition qui les prend en compte. Concrètement, s’ils mobilisent par exemple 3 500 milliards sur un objectif de 3 200 milliards, ils exigent désormais que l’Etat leur rétrocède une partie du surplus de 300 milliards qu’ils auront fait entrer dans les caisses !!! Bien entendu, l’Etat a toujours catégoriquement refusé d’entrer dans une « logique de partage » de ses recettes régaliennes.
Aujourd’hui, plus d’une année plus tard, c’est le silence sur la question. Est-elle pour close ? Les syndicats de la Direction Générale des Impôts vont-ils » taire » cette revendication jusqu’en 2030 sans rien obtenir ? Difficile de le croire. La revendication était au cœur de plusieurs grèves, et durant les discussions sur la trêve sociale, les syndicats avaient donné un « ultimatum » d’un mois aux autorités pour statuer. Aujourd’hui ce « silence » est suspect. Ont-ils obtenu « quelque chose » ? Tout porte à le croire. Peut-être une hausse des primes trimestrielles perçus par les agents de cette administration. Les agents des Impôts n’ont peut-être pas de fusils entre les mains, mais ils sont en mesure de faire vaciller le pouvoir. Et pour cause, ils mobilisent la majeure partie des ressources intérieures de l’Etat. Toute grève à leur niveau perturbe l’alimentation des caisses de l’Etat. Une grève d’une semaine et l’Etat ivoirien risque d’être paralysé faute de liquidités.
Pour autant, cette revendication est inadmissible et proprement scandaleuse. Elle n’a aucun fondement juridique, les agents des Impôts sont des fonctionnaires, et non des actionnaires à qui il faut partager des dividendes en cas de bénéfices dégagés. Bien que la Direction Générale des Impôts soit une administration sensible, l’Etat ivoirien créerait un dangereux précédent s’il cédait. Il ouvrirait la ’’boîte de pandore’’, car toutes les structures qui, à quelque niveau que ce soit mobilisent des recettes publiques, exigeraient un traitement similaire, le partage du surplus mobilisé. Un tel mouvement gagnerait aussi le privé. L’économie ivoirienne entrerait alors dans une zone de fortes turbulences. Les agents des Impôts perçoivent déjà des primes chaque trimestre, des « salaires bis » qui atteignent des sommets. Ces ressources sont déjà puisées dans les recettes qu’ils mobilisent. Pourquoi vouloir à nouveau puiser dans les recettes en cas de dépassement des objectifs ? Pourquoi vouloir obtenir une seconde catégorie de primes alors que celles que l’on perçoit sont les plus importantes de la Fonction publique ? Où va-t-on s’arrêter si de telles revendications se mettent à proliférer dans l’administration ?
Cela montre encore une fois la nécessité d’encadrer le phénomène des primes et ristournes dans l’administration publique, par des textes de lois. Les primes ont proliféré à partir des années 2000, lorsque les différents services de l’administration se sont mis à facturer aux usagers, des services qui étaient autrefois gratuits. Les ressources dégagées sont redistribuées aux agents de ces structures en guise de primes. A la Direction Générale des Impôts, ce sont les pénalités et les recettes issus des contrôles fiscaux qui sont redistribuées aux agents chaque trois mois. Une simple secrétaire peut percevoir 1 750 000 FCFA chaque trimestre en guise de primes !!! Aujourd’hui le phénomène échappe à tout contrôle. Au guichet unique du foncier et de l’habitat, au mois de juillet dernier, d’ex-agents ont compilé des sorties illégales de fonds depuis que l’actuel ministre est en fonction (2018), et ont abouti à la somme de « 100 milliards » . Là aussi ce sont des ressources qui alimentent des primes versées aux agents. L’Etat doit reprendre la main sur la question des primes dans l’administration publique.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
Merci bien pour cet article. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont vraiment du culot ces agents des impôts. Avec déjà toutes les primes pharaoniques trimestrielles (en millions) qu’ils perçoivent ils se permettent d’exiger encore un partage de plus value. Et ce, pendant que les autres fonctionnaires n’ont même pas un centime. Qu’ils comprennent que leur traitement est déjà extraordinaire avec tous les avantages à eux octroyé. Ils se prennent pour qui à la fin à vouloir un contrat de partage avec l’état qui est là pour nous tous ?
Par ailleurs, je leur pose cette question: si vous n’atteignez pas les objectifs, devrait-on alors vous faire une diminution de salaire pour échec ? En tant qu’observateur, j’invite l’état à ne point céder à ce chantage et se focaliser davantage sur les avantages à accorder aux autres fonctionnaires, c’est à dire la majorité, du pays. Juste un observateur de passage…