- Les étudiants logés à deux par chambre mais pas de repas rationnés
Le mardi 5 décembre 2023 nous étions sur le campus de l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (Inp-Hb) de Yamoussoukro, le fleuron de la formation professionnelle de pointe en Côte d’Ivoire. Créé en 1975 sous l’impulsion de Félix Houphouët-Boigny, le premier président ivoirien, la grande école qui forme des techniciens et ingénieurs dans des domaines variés de l’industrie, du bâtiment, du génie civil, de l’agronomie, des affaires et maintenant de la datascience continue son chemin glorieux. 48 ans d’existence et le joyau architectural composé de trois grandes entités Inp Sud, centre et nord conserve son éclat. Le temps a ses effets sur les bâtiments et autres infrastructures mais l’essentiel est préservé. La formation reste toujours de qualité avec des enseignants recrutés parmi les meilleurs en Côte d’Ivoire, en Afrique et en Europe. Le directeur général Moussa Kader Diaby, lui-même, principal manager de l’école est un produit de l’Ecole polytechnique de Paris après avoir fourbi ses armes au lycée scientifique de Yamoussoukro où il obtint un Bac C entre 1998 et 1999.
Alerté par un parent d’étudiant sur la situation d’hébergement et de restauration des étudiants qui se serait dégradée, nous y sommes allés, avons visité les lieux, discuté avec des étudiants avant un entretien avec le directeur général. Les espaces verts gardent leur verdure, bien tondus raccordés par de belles galeries dont les charpentes subissent les effets du temps. Les gymnases, les salles de cours, les terrains de sport, les divers services aux étudiants résistent au temps. Les deux restaurants dont la gestion est concédée à des opérateurs privés offrent toujours des mets variés à la hauteur de la bourse de l’étudiant. Les trois repas du jour sont offerts régulièrement. L’opérateur s’engage ici à offrir au moins 700 repas au déjeuner, 700 repas au diner et 500 au petit déjeuner. ‘’Généralement tout se passe bien et les étudiants qui arrivent au restaurant sont tous servis’’, rassure un responsable du service de la restauration.
D’où vient la rumeur que les repas servis ne suffisent pas à tous les étudiants parce que limités à 500 repas ? Là-dessus le Dg de l’Inp-Hb est catégorique : ‘’Je m’inscris en faux ! Ils peuvent manger librement et ils ont toutes les solutions. Le contrat du prestataire prévoit un minimum de 700 repas. C’est le minimum et il y a deux restaurants. Ils ajustent en fonction des effectifs’’.
Aujourd’hui, le défi de la formation à l’Inp-Hb se pose plus qu’hier au regard des besoins du pays sur les sentiers du développement. Les chantiers de Btp, d’exploitation minière, de la recherche pétrolière, de l’implantation de nouvelles industries, de la modernisation de l’agriculture, des énergies renouvelables se multiplient et les compétences manquent. L’Inp, selon son Dg forme environ 500 ingénieurs par an. »Très peu par rapport à la demande du marché’’, révèle le directeur général pour qui il faut faire des efforts et des réaménagements avec l’existant. Il explique que la capacité de formation de l’école qui forme désormais (depuis 2015) au doctorat pour épouser l’ère du temps est de 12.000 places. Mais ici, la contrainte demeure l’hébergement. L’institut dispose de 3008 chambres sur ses deux campus dont 1504 au Sud et 1504 au centre. L’Inp Nord n’a toujours pas sa cité universitaire. Au regard donc des besoins et du principe qui veut que tout étudiant admis soit logé sur le campus, la direction de l’école sous l’ère Koffi N’guessan a décidé de doubler les effectifs dans les chambres. Les chambres individuelles, reconnaît M. Diaby, sont devenues des chambres doubles. Mais cette disposition concerne les premières années sur un semestre le temps que les étudiants des 3e années soient envoyés en stage. Et les chambres ainsi libérées sont aussitôt occupées par les étudiants des premières années qui étaient obligés de loger à deux.
‘’On a un problème structurel’’, déplore Moussa Diaby pour qui il n’y a pas d’autres possibilités que de procéder ainsi pour donner la chance aux meilleurs bacheliers du pays qui, même avec cette mesure ne trouvent pas encore de places. ‘’On est obligés de prendre les mentions très bien, bien et assez bien. Au recrutement, ça se joue au deuxième chiffre après la virgule quand nous faisons les classements. Nous sommes amenés à faire des arbitrages’’, se défend le premier responsable de l’établissement qui estime à 800 le nombre de bacheliers admis chaque année dans l’établissement ces cinq dernières années.
L’Inp-Hb fait face à une explosion de candidatures chaque année dans les rangs des nouveaux bacheliers. Ce phénomène, fait savoir notre interlocuteur, est dopé par un changement de perception chez les parents aisés qui préfèrent maintenant la destination Yamoussoukro à Paris ou New York pour assurer des études supérieures à leurs enfants. ‘’Il n’y a pas d’autres possibilités. On essaie d’être fidèles à notre principe qui est d’héberger tous nos étudiants’’, se désole l’ex-polytechnicien de Paris qui se réjouit des perspectives à court terme.
La réhabilitation du lycée scientifique : le salut pour tous
En effet, la réhabilitation en cours du lycée scientifique offre des perspectives prometteuses à l’Inp-Hb. Selon le Dg, le transfert des classes préparatoires au lycée scientifique va permettre de libérer des espaces de cours et d’hébergement. Ce projet sera une réalité en 2028 grâce aux financements du Contrat désendettement développement (C2D) entre la Côte d’Ivoire et la France. L’autre grand rêve du manager est la construction de la nouvelle cité de 1200 lits à l’Inp-Nord. ‘’Ici les appels d’offre sont déjà lancés’’, rassure le successeur du ministre Koffi N’guessan.
SD de retour de Yamoussoukro
sdebailly@yahoo.fr
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