Le 16 décembre prochain le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire du Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) procédera à des élections de son Président après la disparition inattendu du Président Henri KONAN-BÉDIÉ. Plusieurs candidats ont initialement manifesté leur volonté de participer à la compétition. Mais au fil du temps, certains ont jeté l’éponge. D’autres ont été purement et simplement écartés du jeu par le comité en charge de l’étude des dossiers de candidature.
Le plus retentissant de ces rejets est la candidature de Maurice KAKOU-GUIKAHUÉ, un dinosaure du parti passé par le M.E.E.C.I. (Mouvement des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire) et par un servile et non moins serviable compagnonnage successif des Présidents Félix Houphouet-Boigny et Henri Konan-Bédié.
La raison invoquée pour ce rejet est que ce dernier fait l’objet d’une procédure de contrôle judiciaire. L’on peut cependant s’interroger avec raison, bien entendu, sur la pertinence d’une telle décision dans la mesure où cette procédure n’a pas empêché sa candidature aux élections législatives qu’il a d’ailleurs remportées. Il est même aujourd’hui, l’un des rares députés du parti dans une Assemblée Nationale acquise au Rassemblent des Républicains au sein du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix.
Au final, deux candidats vont s’affronter. La caractéristique majeure à retenir de ces deux candidats, au-delà de leurs propres personnalités, est qu’ils sont tous les deux héritiers de deux personnalités historiques majeures du pays et légendaires de ce parti. Sous d’autres cieux, on les aurait qualifié d’apparatchiks de la nomenklatura.
L’un est le petit neveu de l’ancien Président Félix HOUPHOUET-BOIGNY et l’autre le fils de celui qui, de longues années durant, fut Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Le premier a un pied au Sénégal de par son père et un pied dans l’ethnie Baoulé de Yamoussoukro par sa descendance matrilinéaire. Quant à l’autre, il a les deux pieds verrouillés en Côte d’Ivoire car il est Dida de Lakota par le sang de son père et Alladjan de par l’histoire familiale.
Dans ce duel, les paris semblent gagnés d’avance tant tout porte à croire que la balance penche lourdement pour l’héritier matrilinéaire. Il apparaît à certains observateurs que le P.D.C.I. regroupe en sein une grande majorité de Baoulé dans les instances décisionnelles de ce parti.
De fait, pour l’heure, plusieurs questions se posent. L’une d’elles porte sur les capacités de Monsieur THIAM, longtemps éloigné des réalités du pays et tatoué à l’international d’une rocambolesque affaire financière et surtout longtemps resté loin des arcanes du parti à le sortir de l’ornière actuelle.
Le P.D.C.I., il ne sert à rien de se voiler la face, est aujourd’hui un parti vieilli, un parti sclérosé, un parti largement reposant sur une base tribale et peu compétitif. Certains, très certainement trouveront là un jugement sévère mais malheureusement c’est une réalité. Ce parti a grandement besoin d’un dépoussiérage.
Depuis sa perte fracassante du pouvoir en 1999, il balance tantôt à gauche tantôt à droite sans équilibre réel et en conséquence sans réelle lisibilité.
Parmi les défis qui attendent celui de YACE ou de THIAM, c’est d’abord :
1- de redéfinir l’idéologie véritable et actuelle du parti pour la rendre lisible aux militants et aux ivoiriens. La rhétorique des luttes pour l’indépendance dont il semble avoir fait son hymne n’est plus aujourd’hui qu’un chant qui a vécu.
2- de définir un projet de société portant sur les attentes de la société ivoirienne dans son ensemble aux plans de la culture, de l’économie, des sujets majeurs actuels, etc.
3-d’induire une démarche d’ouverture véritable (non tribale, non régionaliste, etc.) après les déflagrations consécutives à son ralliement puis sa démarcation de l’ex-Front Populaire Ivoirien à un moment historique majeur et de son détachement actuel du R.D.R. au sein du R .H.D.P.
En tout cas, quelque soit l’issue de ces élections, tout porte aujourd’hui à croire que les défis qui attendent le PDCI-RDA sont énormes. Et bien malin qui actuellement saura parier sur sa capacité à unir les militants désabusés et surtout sa capacité à se repositionner en première ligne dans le paysage politique national de plus en plus complexe.
La Côte d’Ivoire a beaucoup changé. Quand HOUPHOUET-BOIGNY accédait au pouvoir au début des années soixante, après la déclaration de l’indépendance, la Côte d’Ivoire ne comptait à peine que deux millions et demi d’habitants, même si comparaison n’induit pas forcément raison. Aujourd’hui, il y a plus de trente millions d’habitants en Côte d’Ivoire.
Quel que soit le vainqueur de ces élections le P.D.C.I. a plus que jamais besoin d’emboucher une autre trompette pour accompagner son chant car les ivoiriens ne sont plus prêts à être trompés.
©Dr KOCK OBHUSU, Economiste
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