La césarienne à gogo: Nécessité médicale ou business déguisé en Côte d’Ivoire ?

Les accouchements par césarienne sonnent de plus en plus comme un effet de mode. Cinq femmes, ayant accouché récemment, avec lesquelles nous avons échangé, l’ont toutes fait, par césarienne. Aussi bien dans les hôpitaux publics que dans le privé, l’on a l’impression que la pratique de la césarienne est devenue presque systématique. Des médecins, des parturientes, des sages-femmes en parlent.

Dame O.D, la trentaine révolue, a mis au monde un petit garçon le 1er octobre 2023, dans une clinique d’Abobo. Pour son cas, le médecin traitant a noté, peu avant la date d’accouchement indiquée par l’échographie, qu’elle devait être opérée. « Ma grossesse a évolué convenablement. J’ai bien suivi les soins prénataux », affirme-t-elle. Puis vient l’annonce de la césarienne. « Le 8 septembre 2023, je me suis rendue à l’hôpital parce que je souffrais du paludisme. Après la consultation, le médecin a mentionné dans mon carnet que je dois accoucher par césarienne. Alors que la date de l’accouchement prévue par l’échographie était le 24 du même mois. Finalement, on m’a opérée le 1er octobre 2023 », explique-t-elle.

Quant à Mme D.F 23 ans, domiciliée à Yopougon, son opération y a été faite le 27 septembre 2022, alors que l’échographie avait prévu une date plus proche, c’est-à-dire le 23 septembre. « J’ai été suivie dans une clinique. Quand je devais accoucher, c’est une autre clinique qui a fait l’opération. La première clinique ne possédait pas de bloc opératoire », précise-t-elle.

Pour sauver des vies

La quarantaine entamée, Nadège portait une grossesse à risques du fait de son âge. Donc, pour limiter les risques, elle a accepté l’avis de son médecin, qui lui a proposé l’accouchement par césarienne. « Je suis à mon quatrième enfant. Les trois premiers l’ont été par voie basse. Mais pour ce dernier, vu l’âge et certaines conditions de santé, j’ai respecté les conseils du professionnel qui m’a suivie depuis le début. J’ai accouché à l’hôpital Houphouët-Boigny » nous confie Nadège sur un air de satisfaction.

Les raisons qui favorisent le recours fréquent à la césarienne sont multiples et variées. Elles partent d’un point de vue purement médical, au respect de la loi, jusqu’au comportement inapproprié des parturientes. A en croire le Dr Y.A., gynécologue, l’objectif est de sauver des vies. « Au terme d’une grossesse, lorsqu’on constate une complication, ou bien si la grossesse a évolué dans un corps souffrant d’une maladie chronique, une mère séropositive qui ne doit pas transmettre la maladie à son bébé pendant l’accouchement, un bébé qui vient par les pieds etc., c’est autant de cas qui nécessitent la césarienne, » nous apprend le gynécologue.

La peur de l’erreur médicale

A côté des cas purement médicaux, la peur de commettre une erreur punissable amène, de plus en plus, les sages-femmes à orienter directement certaines femmes vers les blocs opératoires pour mettre le bébé au monde. « On ne perd pas le temps avec une femme qui n’a suivi aucun traitement prénatal », déclare Clarice, qui revendique 15 années d’expérience. « Notre hiérarchie est de plus en plus regardante sur nos prestations. Si on tente de faire accoucher une femme qui ne s’est pas prêtée aux suivis prénataux, on s’exposerait au renvoi, au cas où les choses tourneraient mal. Donc, chacun assume sa responsabilité ».

A la demande pour éviter la douleur

Amenan, déléguée médicale, côtoie plusieurs professionnels en charge de la maternité. Selon elle, la pratique de la césarienne est devenue récurrente souvent par la volonté des parturientes. « Allez-y voir dans certaines grandes cliniques du pays, il y a des femmes qui estiment que l’accouchement par voie basse est beaucoup douloureux. Donc, elles préfèrent donner de l’argent, peu importe le montant, pour se faire extraire l’enfant du ventre » nous informe-t-elle.

Le coût de la césarienne varie en fonction des circonstances et de la formation sanitaire. Selon les informations reçues du 143, qui est le numéro vert du ministère de la Santé, la césarienne au niveau des établissements publics est gratuite lorsqu’elle n’a pas été prévue lors des soins prénataux. Autrement dit, lorsqu’une complication survient pendant l’accouchement, nécessitant une intervention chirurgicale, une telle opération est gratuite. Par contre, celle qui a été prévue lors des soins prénataux est payante.

En ce qui concerne les accouchements par césarienne dans les cliniques, c’est naturellement payant. Le prix part de 170 000 F CFA et évolue en fonction du standing de la structure d’accueil. M. D.F a déboursé la somme de 250 000 CFA pour l’opération de sa femme, dans une clinique de Yopougon. « J’ai une assurance d’un taux de couverture de 100 %. Mais la clinique a exigé que je paye une partie en liquide, pour ensuite m’arranger à me faire rembourser par mon assurance plus tard », confie notre interlocuteur. Dame O.D qui a accouché dans une clinique d’Abobo a déboursé la somme de 170 000 F CFA. Quant à Nadège, bien que l’opération ait été prévue, elle a su user de ses relations, pour ne payer que la somme de 20 000 F CFA destinés à l’achat du kit de l’opération au CHR d’Abobo.

Les conséquences de la pratique systématique de la césarienne sont à la fois positives et négatives. Elles sont positives dans la mesure où cela permet de réduire considérablement le taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile en Côte d’Ivoire. Toutefois, dans un contexte de cherté de la vie, une césarienne est souvent financièrement éprouvante pour plusieurs bourses. En plus, lorsqu’elle est pratiquée une première fois, les grossesses suivantes sont susceptibles de subir le même sort. Et ce en dépit des trois ans recommandés entre la première césarienne et la prochaine grossesse.

Trésor Doudou

Lebanco.net

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