Conseil d’État
Annulation
Requête n° ce-el-76 m du 12 septembre 2023
Arrêt n° 476
Sanogo Dramane Alpha c/ – Commission électorale indépendante dite cei – Assale Tiemoko
Au nom du peuple ivoirien
Audience publique du 05 octobre 2023
MONSIEUR YAO KOUAKOU PATRICE, PRESIDENT
CONSEIL D’ETAT
LE CONSEIL D’ETAT,
Vu la requête, déposée le 05 septembre 2023 à la Commission Électorale Indépendante et enregistrée le 12 septembre 2023 au Greffe du Conseil d’Etat sous le numéro CE-EL-76M, par laquelle monsieur SANOGO Dramane Alpha, candidat, tête de la liste parrainée par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix dit RHDP pour l’élection des Conseillers municipaux dans la circonscription électorale n° 84 de Tiassalé, ayant pour Conseil Maître Archille GOGO, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, Cocody, Angré les OSCARS, immeuble BLESSONNY, 2ème étage, porte N°201, téléphone 27 22 28 83 80 / 07 00 89 98 27, sollicite, du Conseil d’Etat, l’annulation de l’élection des Conseillers municipaux du 02 septembre 2023 de ladite Commune ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les réquisitions écrites du Procureur Général près la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat parvenues le 14 septembre 2023 au Greffe du Conseil d’Etat et tenant à l’annulation de l’élection ;
Vu les observations écrites du Superviseur de la CEI dans les Régions de l’Agnéby-Tiassa et de la Mé du 08 septembre 2023 et tendant au rejet de la requête ;
Vu le mémoire de monsieur ASSALE Tiémoko, tête de la liste Indépendant déclarée vainqueur par la CEI, parvenu le 09 septembre 2023 à la CEI, par le canal de son Conseil Maître Claude MENTENON et tendant au rejet de la requête ;
Vu la notification faite aux parties de l’avis d’audience du 29 septembre 2023 pour l’audience du 05 octobre 2023 ;
Vu la loi n° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, telle que modifiée par les lois n° 2020-348 du 19 mars 2020 et n° 2023-693 du 25 juillet 2023 ;
Vu la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant code électoral modifiée par les lois n° 2012-1130 du 13 décembre 2012, n° 2012-1193 du 27 décembre 2012, n° 2015-216 du 02 avril 2015, n° 2016-840 du 18 octobre 2016 et les ordonnances n° 2018-939 du 18 décembre 2018, n° 2020-356 du 08 avril 2020 et n° 2023-672 du 12 juillet 2023 ;
Vu le décret n° 2023-702 du 16 août 2023 fixant le nombre des lieux et bureaux de vote ;
Vu la loi n° 2001-634 du 09 octobre 2001 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante (CEI), telle que modifiée par les lois n° 2004-642 du 14 décembre 2004, n° 2014-335 du 18 juin 2014 et n° 2014-664 du 03 novembre 2014, n° 2019-708 du 05 août 2019 et par l’ordonnance n° 2020-306 du 04 mars 2020 telle que ratifiée par la loi n° 2020-492 du 29 mai 2020 ;
Vu la loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, telle que modifiée par l’ordonnance n° 2023-605 du 15 juin 2023 ;
Vu l’arrêté n° 0099/CEI/PDT du 10 août 2023 portant sécurisation des procès-verbaux de dépouillement de vote en vue des élections des Conseillers Régionaux et des Conseillers Municipaux en 2023 ;
Vu la loi organique n° 2020-968 du 17 décembre 2020 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’Etat ;
Ouï le Rapporteur ;
Considérant qu’à l’issue du scrutin du 02 septembre 2023 pour l’élection des Conseillers municipaux de la Commune de Tiassalé, la Commission Electorale Indépendante dite CEI a, le 03 septembre 2023, proclamé les résultats suivants :
nombre d’inscrits : 19081
nombre de votants : 9310
bulletins nuls : 223
bulletins blancs : 34
suffrages exprimés : 9087
liste conduite par monsieur ASSALE Tiémoko, 4744 voix, soit 52,21 % des suffrages exprimés ;
liste conduite par monsieur SANOGO Dramane Alpha, 3814 voix, soit 41,97 % des suffrages exprimés ;
AMICHIA Alexis Pierre Oulovia, 495 voix, soit 5,45 % des suffrages exprimés ;
Qu’estimant que les résultats proclamés par la Commission Electorale Indépendante dite CEI sont entachés d’irrégularités, monsieur SANOGO Dramane Alpha sollicite l’annulation de ladite élection ;
Considérant que monsieur ASSALE Tiémoko, tête de la liste Indépendant déclarée vainqueur, réfute toutes les allégations du requérant et conclut au rejet du recours ;
En la forme
Considérant que la requête de monsieur SANOGO Dramane Alpha est intervenue dans les forme et délai prescrits par le code électoral ; qu’elle est recevable ;
Au fond
Considérant que, pour obtenir l’annulation de l’élection, monsieur SANOGO Dramane Alpha invoque des irrégularités tenant au défaut de stickers sur trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes dont certains sont truffés d’inexactitudes et de manipulations, à la fermeture tardive de certains bureaux de vote, à l’autorisation donnée par les agents de la Commission Electorale Indépendante locale à des tiers de voter avec des cartes dont ils n’étaient pas titulaires et à la proclamation des résultats tant provisoires que définitifs par la CEI locale en l’absence de son représentant ;
Sur le grief tiré du défaut de stickers sur les procès-verbaux de dépouillement des votes
Considérant que monsieur SANOGO Dramane Alpha invoque la violation de l’article 1er de l’arrêté N° 0099/CEI/PDT du 10 août 2023 portant sécurisation des procès-verbaux de dépouillement des votes en vue des élections des Conseillers Régionaux et des Conseillers Municipaux en 2023, en ce que trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes, totalisant cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) voix , ne comportent pas de sticker ; que, contestant l’authenticité desdits procès- verbaux, il conclut que les résultats proclamés sur leur fondement ne reflètent pas l’expression des votes du corps électoral de la commune de Tiassalé ;
Considérant que le texte visé au moyen dispose que : « un hologramme (sticker), mis à la disposition du bureau de vote par la Commission Electorale Indépendante (CEI) sera apposé, à froid, à un emplacement indiqué sur le procès-verbal de dépouillement des votes après que celui-ci a été renseigné et signé par les membres du bureau de vote et les représentants des listes de candidats »,
Que le mode opératoire, édicté par l’organe chargé des élections, précise, expressément, en son point 4.3 « Le kit du bureau de vote contient des hologrammes. Ces hologrammes sont appelés communément « stickers » et doivent être apposés sur les bulletins uniques de vote et les procès-verbaux de dépouillement des votes.
Relativement à l’emplacement de l’hologramme, il est tiré au sort avant le début du vote par les membres de bureau de vote.
Il permet de sécuriser et d’authentifier le bulletin de vote et le procès-verbal de dépouillement des votes. » ;
Considérant qu’il s’infère des dispositions susvisées que pour le scrutin du 02 septembre 2023, l’absence de l’hologramme constitue une irrégularité susceptible d’affecter la sécurité et l’authenticité des bulletins et procès-verbaux de dépouillement des votes ;
Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction et des pièces du dossier, qu’outre l’absence de stickers, les procès-verbaux de dépouillement des votes, dont l’authenticité est contestée, sont mal renseignés ou contiennent des inexactitudes flagrantes ; qu’ainsi :
au GS TIASSALE PLATEAU (BV n° 9), à l’EPP DIBYKRO, dont le numéro du BV n’est d’ailleurs pas mentionné et à l’EPP KOMENAN-KPE (BV n° 1), les nombres d’émargements sont inférieurs à ceux des bulletins trouvés dans l’urne ;
au COLLEGE SAINT MICHEL (BV n° 2) et à l’EPP BROUKRO (BV n° 1) les procès-verbaux n’indiquent ni nombre d’émargements ni nombre de bulletins trouvés dans l’urne ;
au GS TIASSALE MUNICIPALITE (BV n° 1) le procès-verbal ne mentionne pas les résultats du décompte ;
au GS TIASSALE PLATEAU (BV n° 4) le procès-verbal de dépouillement des votes ne comporte pas le nombre de bulletins trouvés dans l’urne ;
Que l’écart de voix entre la liste de candidatures déclarée élue et la deuxième n’est que de neuf cent trente (930), alors que, le nombre total des suffrages exprimés des trente (30) procès-verbaux contestés est de cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) voix ;
Considérant que la prise en compte des cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) suffrages exprimés des trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes contestés a, nécessairement, impacté les résultats proclamés le 03 septembre 2023 et entaché ainsi la sincérité du scrutin ; que, eu égard au faible écart de voix entre les deux listes de candidatures de tête, il convient, dès lors, d’annuler l’élection du 02 septembre 2023 des Conseillers Municipaux de la Commune de Tiassalé et d’ordonner, conformément à l’article 201 du code électoral, l’organisation d’une nouvelle élection dans un délai de trois (3) mois , sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
D E C I D E
Article 1er : la requête n° CE-EL-76M du 12 septembre 2023 de monsieur SANOGO Dramane Alpha est recevable et bien fondée ;
Article 2 : l’élection du 02 septembre 2023 de la Commune de Tiassalé est annulée ;
Article 3 : il est ordonné l’organisation d’une nouvelle élection des Conseillers Municipaux de de la Commune de Tiassalé dans le délai de trois (3) mois, conformément à l’article 201 du code électoral ;
Article 4 : les frais sont laissés à la charge du Trésor Public ;
Article 5 : une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, au Président de la Commission Electorale Indépendante et au Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité ;
Ainsi jugé et prononcé par le Conseil d’Etat, en son audience publique du CINQ OCTOBRE DEUX MIL VINGT TROIS ;
J’observe que l’essentiel est un problème de sticker ou hologramme. N’est-ce-pas la responsabilité claire de la CEI ? C’est de leur faute à mon sens, pas du candidat Assalé. Je comprends que le CE ait fait et bien dit les textes. J’en conviens. Mais cette reprise à Tiassalé est de la faute de la CEI. Courage au candidat Assalé. Je crois que les mêmes tendances reconfirmeront certainement sa victoire. C’est le moment de l’interpeller aussi pour qu’il prenne toutes ses responsabilités avec ses représentants pour qu’ils veillent à la conformité stricte des PV. Ah oui, quand on signe on valide aux yeux de la loi. C’est à dire, on est également coupable de facto.