Au Niger JA explique pourquoi l’opération française « mort-née a été finalement jetée à la poubelle »

Alors qu’Emmanuel Macron penchait en faveur d’une intervention militaire pour rétablir l’ancien président nigérien dans ses fonctions, l’option semble, deux mois plus tard, hypothétique. Et si tout s’était joué lors d’une « journée des dupes », le 26 juillet ? Révélations.

Selon nos informations, le président français Emmanuel Macron a reçu séparément à l’Élysée, au cours de la dernière semaine de septembre, deux proches de son homologue nigérien Mohamed Bazoum, détenu en résidence surveillée à Niamey depuis le 26 juillet. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement renversé, Hassoumi Massaoudou, et le général Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute autorité à la consolidation de la paix.

Tous deux installés à Abuja, au Nigeria, depuis le coup d’État, ils ont plaidé pour le maintien de l’option militaire afin de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger et évoqué le scénario d’une intervention française « chirurgicale », sous couvert de la Cedeao. Très préoccupé par le sort du président Bazoum, avec qui il continue de s’entretenir régulièrement au téléphone, Emmanuel Macron a écouté ses interlocuteurs sans toutefois se prononcer.

Le scepticisme de Macron…
Quelques jours avant d’annoncer, le 24 septembre, le rapatriement de l’ambassadeur de France et le retrait progressif des troupes tricolores du Niger, le président français avait convié par visioconférence ses pairs de la Cedeao. Après avoir averti les chefs d’État que le diplomate Sylvain Itté, qu’il considérait comme un otage, ne tiendrait pas « une semaine de plus » et qu’il ne pouvait pas éternellement maintenir en stand-by dans le port de Dakar un navire transporteur de troupes de la marine française dans le but d’acheminer des contingents sénégalais et ivoirien vers Cotonou, via Abidjan, Emmanuel Macron a posé la question de confiance : « Dites-moi si, oui ou non, vous comptez réellement intervenir. » Tout en ajoutant que la France se tenait prête à assister l’opération le cas échéant par de la logistique et des renseignements.

Alassane Ouattara et Patrice Talon ont répondu par l’affirmative, se disant déterminés. Macky Sall également, non sans avoir précisé qu’il attendait in fine la décision du Nigeria.
Interrogé sur ce point, Bola Tinubu a jeté un froid en signifiant que son état-major ayant opté pour une opération lourde mobilisant plus de vingt mille hommes, il n’était pas encore prêt, même si la phase de déploiement était quasiment achevée.
Manifestement sceptique, le président français a alors prévenu qu’il allait annoncer le rapatriement de l’ambassadeur et le retrait graduel du détachement français. En ajoutant toutefois qu’au cas où la Cedeao se déciderait à intervenir, l’armée française disposait dans la région de moyens susceptibles de l’assister.

… et le rôle trouble d’Issoufou
S’il a toujours été partisan de l’option militaire pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions, Emmanuel Macron semble avoir été échaudé dès les premières heures du coup d’État, et cela par l’attitude même du président nigérien. Selon nos informations, le président français avait, dès le 26 juillet, donné depuis Nouméa son feu vert à une intervention commando des forces spéciales basées au Niger, ordre retransmis à la base 101 de Niamey par le général Bruno Baratz, commandant de l’opération Barkhane à N’Djamena.

Un détachement français a aussitôt quitté la base pour se prépositionner au niveau de l’hôtel Radisson, boulevard de la République, à quelques centaines de mètres du palais présidentiel. Au même moment, un bataillon de la Garde nationale composé d’environ 500 « repentis » (des ex-djihadistes retournés et rééduqués) fidèles au président Bazoum, bientôt rejoint par des éléments du même corps venus de Dosso, prenait le contrôle de l’aéroport international Diori-Hamani et se tenait prêt à faire mouvement, la gendarmerie demeurant, elle, attentiste.

C’est alors qu’entre en scène un homme dont le rôle, dix semaines après le putsch, apparaît de plus en plus trouble – si ce n’est complice, certains ajoutant même sans preuves formelles, commanditaire – du coup d’État du général Abdourahamane Tiani : Mahamadou Issoufou. Averti des préparatifs d’une contre-attaque, l’ancien président téléphone en effet aux numéros deux de la Garde nationale et de la gendarmerie pour les dissuader d’obéir aux ordres de leurs chefs.
Surtout, il appelle son successeur pour, aux dires de ce dernier, le supplier de s’opposer à toute intervention militaire au moment précis où il est en train de négocier la reddition des putschistes.

Mohamed Bazoum, qui reconnaît aujourd’hui avoir « pêché par naïveté » et s’être « trompé depuis toujours » sur la personnalité de celui qui fit de lui un président susceptible de le laisser continuer à diriger le Niger par procuration, cède aux injonctions d’Issoufou qu’il considérait alors encore comme son « frère. » Au téléphone, il explique à Emmanuel Macron son refus de faire couler le sang d’un seul Nigérien, fut-il putschiste. Au même moment, Issoufou envoie son fils Abba, ministre du Pétrole, au siège de la Garde nationale proche de la présidence, pour convaincre à genoux les officiers loyalistes de tout faire pour éviter le « massacre du président [déchu], de sa femme et de son fils ».

En fin de matinée, l’opération « il faut sauver le soldat Bazoum » est abandonnée.

Une autre suivra bientôt, montée cette fois à l’initiative de la Cedeao et dont l’option, elle, est toujours sur la table.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 5 octobre

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