De nouveaux comportements pour la nouvelle Afrique qui vient

63 ans après les indépendances sous haute surveillance (cela veut dire interdiction d’entreprendre quoi que ce soit sans l’aval de l’ancienne puissance colonisatrice), d’importantes questions restent sans réponses.

Par exemple, avons-nous construit suffisamment de routes bitumées, d’écoles, d’universités, d’hôpitaux et de bibliothèques dans les villes et villages? Avons-nous mécanisé l’agriculture pour que le travail de la terre devienne moins pénible et plus rentable? Au plan économique, sommes-nous capables de fixer les prix de nos matières premières? Combien d’usines de transformation du cacao, du café, du bois ou du pétrole avons-nous créées? Pourquoi tardons-nous à abandonner le franc CFA que l’économiste camerounais Joseph Tchundjang Pouémi définissait comme “un instrument de répression monétaire”? Pourquoi nous glorifions-nous de parler le français et pourquoi continuons-nous à faire la promotion de cette langue qui a mangé nos propres langues alors que, au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, le Swahili est utilisé dans l’administration et les écoles? Quand mettrons-nous fin à cette “glottophagie” (cf. Louis-Jean Calvet, « Linguistique et colonialisme », Paris, Payot, 1974)? Pourquoi y a-t-il chez certains Africains cette propension à absoudre les péchés de la France, à justifier ses nombreux crimes ou à voler à son secours quand elle est en difficulté? Pourquoi nos héros meurent-ils si vite? Pourquoi laissons-nous les impérialistes les renverser ou les assassiner aussi facilement? Pourquoi nos dirigeants préfèrent-ils se soigner, garder “leur” argent, scolariser leur progéniture et passer leurs vacances en Occident? Pourquoi se sentent-ils obligés de se rendre à Paris dès qu’ils ont accédé au pouvoir?
Au moment où la jeunesse africaine dit partout “non” à la France néocolonialiste et esclavagiste, pourquoi prêtres, religieux et pasteurs africains sont-ils muets sur les questions ayant trait au franc CFA, à la présence des bases militaires françaises sur le continent, à l’immixtion intempestive de la France dans nos affaires internes? Pourquoi donnent-ils l’impression de n’être intéressés que par leur carrière, le pouvoir et l’enrichissement personnel dans les diocèses, paroisses et congrégations?

“Nous nous sommes mis debout et nous avançons maintenant. Qui peut nous réinstaller dans la servitude?” Fanon, qui s’exprimait ainsi en 1961, aurait-il prêché dans le désert? Aurait-il parlé et écrit en vain? Aujourd’hui, il s’agit, pour nous, de quitter la condition d’éternels souffre-douleur, de cesser d’apparaître comme les victimes d’un néocolonialisme qui doit sa force uniquement à nos divisions et à notre manque de fermeté. L’urgence est de conquérir la vraie indépendance mais cela demande que chacun accepte de retrousser ses manches, de battre le pavé et de prendre des risques. Cela demande aussi de l’audace comme celle que montrèrent des hommes, femmes et jeunes contre le parti unique au début des années 1990.

Jean-Claude DJEREKE

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