Le groupe fondé par Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, est victime d’un détournement de fonds de plusieurs millions d’euros. L’une des filiales de Snedai a porté plainte. Explications.
Par Baudelaire Mieu – à Abidjan
C’est une descente de police très commentée en Côte d’Ivoire. Début septembre, les enquêteurs de la police économique ont procédé à plusieurs perquisitions au siège de la Société nationale d’édition de documents administratifs et d’identi!cation (Snedai). Le groupe familial, bien connu des Ivoiriens – l’entreprise fabrique notamment les passeports et les visas – et fondé par Adama Bictogo, actuel président de l’Assemblée nationale, a été victime de détournements de fonds. Des cadres de l’entreprise sont mis en cause et les premières estimations évaluent le préjudice subi à 1,679 milliard de F CFA (2,44 millions d’euros).
Tout a commencé avec une facture. D’un montant de 25 millions F CFA, elle a été présentée pour règlement début septembre.
Des anomalies attirent alors l’attention d’Alassane Bictogo, le frère aîné du président de l’Assemblée nationale, qui a longtemps travaillé pour le groupe. Ce dernier tire la sonnette d’alarme et « la société Medafrique ! » Filiale du groupe Snedai, a porté plainte contre X auprès du procureur de la République pour des faits de détournements et de faux en écriture privée de commerce », a annoncé le groupe dans un communiqué miseptembre.
Selon nos informations, le suspect principal dans cette affaire est Hives Kouamé, le directeur administratif et !nancier (DAF) du groupe, en fuite depuis le 12 septembre en France.
Des prestataires fictifs
Cet expert-comptable, formé dans les grandes écoles françaises, a gravi les échelons de l’entreprise avant d’être nommé DAF en 2019.
Soutenu par des complices dont il aurait assuré la promotion en interne, Hives Kouamé aurait créé des prestataires fictifs, notamment le groupe Porcelastone. Cette société à responsabilité limitée unipersonnelle a été fondée le 19 avril 2021. Selon l’acte de création de l’entreprise, elle est spécialisée dans le BTP. C’est à ce moment que les détournements ont débuté. De fausses factures étaient émises par cette société et Medafrique, filiale de Snedai, réglait la note sur les comptes bancaires de Porcelastone, domiciliés à la Banque Sahélosaharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC).
Le stratagème aura donc fonctionné pendant un peu plus de deux ans. Sollicité par Jeune Afrique, le groupe ne souhaite pas communiquer sur ce dossier « pour laisser champ libre aux enquêteurs de la police économique ».
Medafrique est la filiale du groupe spécialisée dans la santé. Elle avait par exemple obtenu, en décembre 2017, un marché en partenariat public privé de 124 milliards de F CFA (190 millions d’euros) portant le financement, la réhabilitation, la construction, et l’équipement de huit hôpitaux en Côte d’Ivoire. Pour la réalisation de ce vaste chantier toujours en cours, Snedai s’était associé avec des acteurs internationaux de référence, comme l’israélien Eslmed ou l’allemand Siemens Healthineers.
Détournements et faux en écriture
Si une telle malversation a été rendue possible, c’est que, ces dernières années, celui qui vient d’être élu maire de Yopougon s’est concentré sur sa carrière politique. Les détournements et faux en écriture ont d’ailleurs débuté dès qu’Adama Bictogo a été réélu député de la circonscription d’Agboville en 2021.
« Il avait pris du recul dans la gestion quotidienne de l’entreprise pour confier les rênes à des cadres de confiance », explique un membre de la direction qui a requis l’anonymat. Il garde néanmoins un œil sur ses affaires et a nommé l’un de ses frères aînés, Salif Bictogo, président de Snedai Côte d’Ivoire (…)
Créé en 2007 avec pour cœur de métier la fabrication de documents administratifs, le groupe d’Adama Bictogo s’est diversifié au fil des ans.
Snedai (…) dépend largement des marchés publics. Le chiffre d’affaires total du groupe n’est pas public mais se situe, selon nos informations, entre 200 et 270 milliards de F CFA.
L’article complet sur Jeune-Afrique
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