C’est entendu, Nicolas Sarkozy ne passera pas ses vacances avec Laurent Gbagbo. L’ancien président, qui tente en ce moment un come-back politique, en France, ne jure que par « son ami » Alassane Ouattara dont il loue « l’expérience » et « la sagesse » dans son dernier livre, Le temps des combats (Fayard).
Norbert NAVARRO
Tout à son «admiration » pour le président ivoirien, Sarkozy n’hésite pas à y dérouler le désormais caduc narratif de la crise de 2010-2011, abusivement versé au dossier d’accusation du procès de Laurent Gbagbo par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale, au mépris du jugement de la CPI en première instance et de son arrêt en appel.
Décembre 2010, à Abidjan.
Président de la Commission électorale indépendante, Youssouf Bakayoko est acheminé par les airs à l’hôtel du Golf, camp retranché d’Alassane Ouattara, afin d’annoncer en moins d’une minute, devant l’objectif d’une camera française, la victoire de ce dernier à l’élection présidentielle. Quelques heures plus tard, à l’inverse, le Conseil constitutionnel proclame la victoire de Laurent Gbagbo. Les jours passent. Avec ses deux présidents et ses deux armées, la Côte d’Ivoire s’enfonce dans la crise post-électorale. A l’hôtel du Golf, Alassane Ouattara se morfond, sous la garde des casques bleus de l’ONUCI. Il va de soi que pas un coup de feu n’a jamais été tiré sur cette emprise de la mission des Nations-Unies en Côte d’Ivoire, car la riposte internationale aurait été immédiate. Ce qui n’empêche pas Nicolas Sarkozy d’affirmer que « c’était désormais avec des mortiers que Gbagbo attaquait son rival victorieux. L’hôtel du Golf où était réfugié Alassane Ouattara se trouvait pilonné par des obus de fort calibre plusieurs fois par jour » (p439) ! Credo quia absurdum.
Tenant ensuite à affirmer contre toute évidence que Laurent Gbagbo disposait alors « de puissants réseaux au sein du PS français », l’auteur du Temps des combats affirme que « Laurent Gbagbo était membre de l’Internationale socialiste ». Manifestement, Nicolas Sarkozy a négligé de demander à son successeur, François Hollande, de le relire avant publication.
Mais là où l’historien Sarkozy franchit les bornes, c’est lorsqu’il écrit que « le camp Gbagbo n’hésitait pas à attaquer à l’arme lourde des quartiers supposés acquis à son adversaire, comme lors de l’attaque du marché d’Abobo » (p440). Or cette affirmation mensongère n’est rien d’autre que l’un des chefs d’accusation du procureur de la CPI dans le procès Gbagbo, à l’issue duquel, rappelons-le, l’ex-président ivoirien a été innocenté de toutes les charges pesant injustement contre lui. Au mépris de la chose jugée, l’avocat Sarkozy persiste donc à accuser publiquement un innocent
Le monde d’avant
Nicolas Sarkozy n’en a probablement cure. En cette rentrée sociale des plus délicates en France pour un exécutif privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale, confrontés à la grogne des Français face à l’envolée des prix de l’énergie, l’ancien président laisse les nostalgiques le présenter en recours, car en 2027, le président Macron ne pourra se représenter à l’issue de son second quinquennat.
Que pèseront donc aux yeux des lecteurs français les mensonges de Sarkozy sur Gbagbo ? Reste que, sur les bords de la lagune Ebriée, ceux du Temps des combats apprécieront sans doute à leur juste valeur les contrevérités de Sarkozy, tout comme son hommage appuyé à Ouattara (qui s’en serait probablement bien passé), quand par exemple il présent le président ivoirien comme « l’un des plus reconnus et des plus influents » (p441).
En France comme en Afrique, le monde d’avant tente de faire de la résistance.
Mondafrique
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