Comment comprendre le désintérêt des Ivoiriens pour les élections ? Vers un vote obligatoire sous peine de sanctions ?

Le rideau est tombé sur les municipales et régionales couplées du 2 septembre 2023. L’heure est désormais au bilan et surtout aux leçons et enseignements à tirer de ce double scrutin annoncé comme déterminant pour la Présidentielle de 2025.

En attendant les sénatoriales prévues ce 16 septembre.

Cet exercice s’impose donc aussi bien aux partis politiques et leurs candidats heureux ou malheureux, aux candidats indépendants heureux ou malheureux qu’à la CEI et au gouvernement.

En sa qualité de maître-d’œuvre de l’organisation des élections dans notre pays, la Commission électorale indépendante (Cei) ouvre ainsi le chapitre. Nonobstant le fait que son rapport complet serait vivement attendu dans les tout prochains jours, il convient d’ores et déjà de saluer sa célérité dans l’annonce des résultats. Une démarche qui, au-delà de minimiser le suspense, a également réduit les annonces parallèles.

Mais serait-il aussi dans les attributions de la CEI d’éclairer les Ivoiriens sur ce relatif faible taux de participation de 36,18% enregistré aux municipales et 44,61% aux régionales ? Une interrogation qui m’amène ainsi à suggérer au gouvernement de faire une proposition de loi aux deux Chambres du Parlement, visant à rendre le vote obligatoire en Côte d’Ivoire. Car comment comprendre et expliquer que sur une population de 29 389 150 habitants au dernier recensement national, seulement 8 012 424 figurent sur la liste électorale, soit 27% de la population totale ?

De la matière donc pour l’Exécutif et le Législatif. Certes, je vois déjà une levée de boucliers de pseudos défenseurs des droits humains, évoquant la litanie des libertés individuelles. Pourtant, à en croire l’essayiste George Orwell : « le vote est une sorte de prière sur le genre de monde dans lequel vous voulez vivre ». Et Keith Ellison de prévenir : « si vous ne votez pas, vous perdez le droit de vous plaindre ». Assurément, bien des leaders politiques et leurs formations ont fait cette lecture. Surtout lorsque Raphael Winock, un autre penseur, s’est voulu plus incitatif quand il ajoute : « ne pas voter n’est pas une protestation, c’est une reddition ». Ce que ces leaders n’auraient jamais envisagé. Donc point de boycott du scrutin. Pour la vérité des urnes.

Conséquemment, les résultats préfigurent du nouveau rapport de forces : le Rhdp se taillant la part du lion avec 123 communes sur 201. Quand le Pdci rafle à lui seul 22 communes et 10 autres avec la coalition Pdci/Ppa-Ci. Ce dernier n’en aura conquis que 2 et l’Urd se contentant d’une (1) seule commune. Même razzia du Rhdp aux régionales, avec 25 régions sur 31. Concédant 3 au Pdci et une (1) à la coalition Pdci/Ppa-Ci.

Reste la problématique des élus indépendants. Qui auraient donc poussé « l’indiscipline » jusqu’à ravir 1 (une) région et 41 communes ! Alors, la question va de soi : des sièges conquis au profit ou au détriment de leurs différentes familles politiques d’origine ? En tout état de cause, il vous souviendra que j’avais évoqué cette éventualité dans le précédent « Djassi ». En soulignant que sous le coup de sanctions disciplinaires, ils jouaient leur va-tout. Et que leur sort était lié à leur victoire. Maintenant que cette conditionnalité est remplie, à quoi devrait-on s’attendre ? N’anticipons rien.

Sauf que le scénario ressemble, à s’y méprendre, à celui de votre couteau qui vous blesse. Sous l’effet de la douleur et par pure réflexe, vous le jeter. Mais la douleur atténuée et le besoin se faisant sentir, vous le ramassez, l’essuyez et le réutilisez. Il n’en était pas autrement pour l’enfant prodigue de la théologie. Et pourrait donc en être certainement ainsi en politique où semble-t-il, l’on ne dit jamais, jamais. Tout orgueil ravalé, venue alors l’heure de la « rémission des péchés », des clarifications et des repositionnements, pour une redistribution des cartes. Ensemble, prions…

Youssouf Sylla

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