Cette année encore, la Coupe d’Afrique des Nations aura lieu en plein milieu de la saison. De quoi freiner certains clubs qui hésitent à investir sur des joueurs qui louperont des matches en janvier.
« Ne me parlez plus des footballeurs africains. Je n’en prendrai plus, tant que la Coupe d’Afrique des nations sera organisée au milieu de la saison. Sauf s’ils renoncent à la disputer. Nous, on se retrouve comme des idiots à payer de salaires pour les envoyer jouer ailleurs ». Ces mots, ce sont ceux d’Aurelio De Laurentiis, président du Napoli lorsqu’il était interrogé sur les absences de ses internationaux africains lors des CAN qui se déroulent en janvier. Naples, comme d’autres clubs, est confronté à un problème qui existe depuis bien longtemps. Pourtant, la CAF pensait l’avoir réglé lorsqu’elle décidait en 2019 de fixer la compétition en été. Mais la réalité du continent est venue rappeler à quel point cette compétition était complexe à caler. Hormis les pays du Maghreb et l’Afrique du Sud, les autres pays d’Afrique ne peuvent organiser ce tournoi en été pour des raisons climatiques. Preuve encore avec la Côte d’Ivoire, hôte en 2023, qui a dû caler sa compétition en janvier 2024 à cause des fortes pluies qui s’abattent sur le pays en juin et juillet. Résultat, la compétition interviendra en plein milieu de la saison.
Le débat des internationaux africains qui loupent une partie de la saison est revenu sur la table ces derniers jours grâce au mercato de l’OM. Alors que le club olympien possède déjà Mbemba (RDC), Gueye (Sénégal), Harit et Ounahi (Maroc) dans ses rangs, il s’est renforcé en récupérant aussi Aubameyang (Gabon), Kondogbia (Centrafrique) ainsi que Sarr et Ndiaye (Sénégal). Huit joueurs, dont 7 potentiellement titulaires, qui pourront donc manquer plusieurs matches dans la saison. Pour autant, cela n’a pas semblé freiner ou bloquer Pablo Longoria au moment des négociations. Un fait rare puisque depuis très longtemps, ce sujet a crispé au sein des directions sportives et plusieurs joueurs ont dû abandonner des transferts (ou l’idée de jouer la CAN). Ce jeudi en conférence de presse, Pablo Longoria a tout de même tenté de faire passer un message aux instances du football français. «On doit faire avec la CAN. Dans le recrutement, on le prend en compte mais ça ne doit pas nous freiner. On ne peut pas baser la stratégie de recrutement sur 1 mois. Avec la Ligue 1, on doit ouvrir la réflexion de suspendre la compétition pendant la CAN»
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Récemment, le cas Andy Delort avait aussi fait couler beaucoup d’encre. Au moment de sa signature à Nice, l’international algérien avait décidé de ne pas disputer la CAN avec l’Algérie. Et même s’il avait démenti par la suite dans la presse, Delort avait bien provoqué la colère de son coach Djamel Belmadi. «Il a préféré privilégier son club aux dépens de l’équipe nationale», regrettait le coach des Fennecs à l’époque qui n’avait pas manqué de pointer du doigt l’attitude du Gym dans cette affaire. De son côté, le joueur, qui a fini par faire son retour en sélection un an plus tard, avait fait une vidéo d’excuse auprès de la chaîne officielle de la fédération algérienne. « J’avais signé un long contrat avec Nice et il y avait beaucoup de concurrence, un club plus ambitieux que Montpellier, et j’ai pris une décision trop rapidement en cachant des choses au coach», expliquait ainsi Delort.
L’attaquant de 31 ans n’est évidemment pas le seul concerné. Plusieurs joueurs africains ont déjà eu des histoires similaires ou ont vu des transferts capoter en raison d’une CAN en janvier. D’autres ont même eu des propositions osées de certains clubs. «Moi certains clubs m’avaient même proposé de l’argent pour que je refuse la CAN. Une forme de compensation financière. J’avais dit non» se rappelle Medhi Benatia, ex-international marocain passé par le Bayern Munich, la Roma ou encore la Juventus qui en profite pour dénoncer ce faux problème de la CAN. «Aujourd’hui, tu vas rater 5 matches maximum normalement. Il ne faut pas déconner. Aujourd’hui, ceux qui sont pénalisés, ce sont les joueurs moyens, car entre deux joueurs moyens, tu vas prendre celui qui ne fera pas la CAN. Liverpool, quand ils avaient Mané et Salah, ils n’ont pas été dérangés par la CAN. Les tops joueurs ne sont pas désavantagés. Louper 5 matches sur un contrat de 4 ans, c’est quoi ? C’est juste une excuse.»
Cette situation, Benatia n’est pas le seul à l’avoir vécu, bien au contraire. D’autres internationaux africains ont souffert de cette problématique. C’est notamment le cas de Ricardo Faty, ex-international sénégalais. «Quand j’étais à Ajaccio, j’ai eu des échos de mon agent. Des clubs étaient intéressés, mais ils étaient réticents avec la CAN en janvier. La compétition, ça a freiné deux clubs de Ligue 1 dont je n’ai plus les noms. Moi, je suis parti rapidement en Turquie et eux, ils ne font pas attention à ça. Mais je connais des proches qui m’ont déjà expliqué que les clubs faisaient passer des messages comme quoi ne pas jouer la CAN, ça aiderait… C’est dommage», nous confie Faty. Un agent qui représente deux internationaux africains, et qui souhaite garder l’anonymat, enchaîne :«bien sûr que cela a une influence. Certains directeurs sportifs jouent aussi là-dessus. Ils font des offres moins avantageuses économiquement en expliquant qu’un départ à la CAN coûte de l’argent au club. Pourtant, quand ils viennent négocier avec un international africain, ils savent déjà qu’il y a la CAN» explique-t-il.
Des clubs dans leur droit
Ce même agent confirme aussi les propositions des clubs pour esquiver le problème. «J’ai eu de tout moi. Certains clubs ont déjà tenté de mettre des primes dans les contrats si le joueur ne va pas à la CAN ou même justement, à l’inverse, de proposer un salaire plus avantageux si le joueur accepte de renoncer à la CAN. Et quand le joueur refuse, il peut dire adieu à son contrat.» Finalement, si la Coupe d’Afrique semble être un frein évident pour le mercato, la position des clubs reste assez légitime. Pour beaucoup, cette problématique doit être réglée en plaçant la CAN en fin de saison. Car un club qui paye son joueur acceptera difficilement de le perdre pour plusieurs semaines en plein milieu de la saison. Pour les grands clubs (comme Liverpool par exemple avec Mané et Salah), l’absence de ces joueurs peut être compensée sur une courte période, surtout en janvier où les clubs disputent des matches de Coupe.
Mais ces absences ont de plus grandes conséquences pour des clubs moins huppés, comme lorsque le FC Metz, à la lutte pour le maintien, devait laisser partir une large partie de son effectif en janvier 2022. Des joueurs qui ne seront pas opérationnels directement à leur retour (du moins pour la plupart). Car l’impact qu’une CAN a sur l’organisme d’un joueur est à débattre. «Je comprends les clubs dans cette situation. On parle d’un mois, mais même la préparation, l’acclimatation, le départ et le retour. Tout ça, ça créé un décalage pour le joueur avec des conditions parfois difficiles. Après, il ne faut pas être extrême comme le président du Napoli à dire qu’on ne va recruter aucun africain. Mais on peut comprendre la frustration des clubs. Et je sais que certains joueurs, dont moi, on est partisans d’une CAN en été», ajoute Faty. Pour le moment, et tant que la CAF ne trouvera pas de solutions (s’il en existe une), la question de la CAN devrait être problématique pour beaucoup de clubs et joueurs africains. Et si pour certains, un transfert avorté n’est pas dramatique, pour d’autres, c’est peut-être le transfert d’une vie qui s’échappe…
Avec footmercato.net
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