Henri Konan Bédié s’en est allé le 1er août 2023. Avec la disparition du phénix de la politique ivoirienne, c’est le trio magique de la politique nationale qui est décapité. Le phénix renaîtra-t-il ? Y aura-t-il un autre Bédié après Bédié ?
Pour l’heure, on ne parlera plus de la trilogie Bédié Ouattara Gbagbo dans l’ordre d’ainesse. HKB est tombé, les armes à la main sans réussir à faire revenir le Pdci au pouvoir après sa chute du 24 décembre 1999. Une ambition qu’il caressait.
Henri Konan Bédié, successeur de Félix Houphouët-Boigny aura régné sur le Pdci-Rda 29 ans durant avec un intermède de 6 années passées au palais présidentiel d’Abidjan Plateau. 29 ans d’habitude, 29 ans d’une fusion entre sa personne et le Pdci-Rda, parti fondateur de la Côte d’Ivoire, 29 ans d’une vie de sacrifice au service de son parti qui était devenu pour lui un quasi patrimoine privé. Il aura assuré jusqu’à son dernier souffle la direction du parti avec son calme et sa maestria qui l’ont consacré comme ciment de la maison vert et blanc.
Il était un grand patriote qui pour l’amour de son pays, pour la paix, a dû faire des alliances qui ont peu ou prou réussi à maintenir le Pdci sur l’échiquier politique bon an mal an. L’alliance Rhdp avec son farouche rival Alassane Ouattara et vers la fin, l’alliance en gestation avec Laurent Gbagbo, le principal opposant à Félix Houphouët-Boigny mais qui aura été favorable à l’accession de Bédié au pouvoir par l’application de l’article 11 après la mort d’Houphouët en 1993.
Le sphinx de Daoukro, brutalement arraché laisse un parti orphelin mais organisé. Organisé entre les anciennes générations et celles montantes. Pour sûr, ces premiers moments de deuil sont vécus avec une vive émotion laissant planer le doute. La gestion du parti presque septuagénaire ne fut pas un long fleuve tranquille. Il connaît en son sein des tribulations et des guerre de positionnement jusque-là étouffées par la présence de Bédié. Elles ressurgiront à coup sûr après le sacré temps du deuil. Il est vrai que pour l’instant l’article 38 des statuts s’applique. Il confie au doyen d’âge Boni Cowpli la lourde responsabilité d’assurer l’intérim qui normalement ne doit pas dépasser six mois. Un congrès électif prévu pour octobre était déjà en préparation et tout avait été mis en place pour un plébiscite d’Henri Konan Bédié. Il reviendra au doyen d’âge Cowpli Boni de conduire les préparatifs de ce congrès qui devrait aussitôt mettre fin à son intérim. Il y aura donc en perspective une bataille pour le contrôle du parti. Ce sera une lutte épique qui promet des étincelles quand on sait que le président du parti est le candidat naturel à l’élection présidentielle.
Les prétendants de l’anti chambre dont certains sont connus et des noms jusque-là insoupçonnés affutent leurs armes. Jean Louis Billon, Maurice Kacou Guikahué, le puissant secrétaire exécutif qui devrait monter en puissance, Gaston Ouassénan Koné, l’un des plus grands fidèles de Bédié, l’ancien argentier ivoirien Niamien N’goran ou encore l’ancien maire du Plateau Noël Akossi Bendjo pour ne citer que ceux-là. S’ils rongeaient jusque-là leur frein dans l’antichambre, l’heure est venue pour eux d’éclore leurs ambitions au grand jour.
Comment tout cela va se passer ? On ne remplace pas des leaders de la trempe des Bédié comme on remplace un rideau. La loyauté, la discipline et le respect des règles devraient être la boussole. Mais dans ce choc des ambitions qui se profile nul doute qu’il y aura une montée de mercure. Et tous les vrais problèmes, les antagonismes, les inimitiés jusqu’ici refoulés pourraient remonter en surface et entamer la cohésion du parti.
L’autre question cruciale restera la question des alliances qui devait être remise au débat lors du prochain congrès. Au moment où le parti est engagé dans les prochaines élections municipales et régionales avec des candidatures d’union Ppa-Ci/Pdci à minima, il appartiendra aux futurs dirigeants du Pdci-Rda de trancher définitivement la question. Rien n’est évident. Le duo Ouattara et Gbagbo va jouer à fond, chacun pour faire la cour au Pdci. C’est un obstacle qui saute pour Alassane Ouattara car Bédié était resté sourd aux tentatives de rapprochement initiées après la rupture de 2018. Et malgré des réticences au sein du Pdci, Gbagbo a réussi en accord avec Bédié à monter des listes d’union. Il marque quelques points d’avance à ce niveau mais rien n’est joué.
Il faudra de la grande sagesse pour remettre le Pdci sur les rails. Paix éternelle à Henri Konan Bédié.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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