Une oeuvre de belle facture à l’architecture futuriste
Avec le pont à haubans de Cocody, la Côte d’Ivoire devient le cinquième pays en Afrique sub-saharienne à disposer d’un pont suspendu, après la Guinée équatoriale, le Congo Brazzaville, le Nigéria, et le Mozambique. On remarquera que ce sont des pays pétroliers ou gaziers.
La construction d’un tel pont en Côte d’Ivoire a surpris. Dans le projet initial de dépollution et de valorisation de la baie de Cocody, et l’aménagement du bassin versant du gourou ( le gourou étant une petite rivière qui coulait autrefois dans la zone ), il n’était nul part question d’un pont. Les travaux consistaient en la construction de deux bassins de rétention des eaux en provenance d’Abobo, d’un bassin écrêteur pour réguler le débit des eaux et retenir les objets solides, et d’un nouveau chenal menant à la baie. Il fallait aussi reconfigurer l’échangeur de l’indénié, avec l’élargissement du principal pont autoroutier, la réalisation d’un pont passant devant fraternité matin, et d’un pont giratoire sur le nouveau chenal, permettant de dispatcher la circulation en direction de Cocody, Adjamé, Yopougon et du Plateau. Voilà pour le volet dépollution.
Pour le volet valorisation, le projet prévoyait la construction d’une marina, un programme résidentiel, des espaces de loisirs, et des installations commerciales. Coût des travaux 23,9 milliards de FCFA, confiés à l’entreprise marocaine SGTM. Le pont à haubans ne figurait pas dans la vision initiale du projet initial. C’est l’architecte Pierre Fakhoury (l’homme qui a conçu la Basilique, et la Tour F entre autres), qui fort de ses liens avec le pouvoir, a plaidé pour la réalisation d’un pont suspendu surplombant la baie, qui allait directement relier la place Saint-Jean de Cocody au Plateau. Ainsi les véhicules en provenance de Cocody et voulant rallier le Plateau, éviteraient désormais l’indénié. Sa vision fut retenue.
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L’architecte ivoirien d’origine libanaise Pierre Fakhoury , l’homme derrière la Basilique et la Tour F. C’est à lui qu’on doit la vision et la conception du pont de
cocody. Ce pont ne figurait pas dans la vision initiale des concepteurs du projet de dépollution de la baie de Cocody.
Le pont fait 634 m de long, mais il est suspendu sur seulement 200 m, la partie au-dessus de la baie. En dehors de cette partie, ce pont repose sur des piliers. C’est important de le signaler, le pont n’est pas suspendu sur toute sa longueur. Son poids n’est pas entièrement supporté par les câbles (les haubans) que l’on aperçoit. Du côté de Cocody le pont repose sur des piliers sur 254 m, et du côté du plateau il repose sur des piliers sur 147 m. La hauteur du mât unique (le pilier sur lequel sont fixés les haubans) fait 100 m de haut, soit un immeuble de 33 étages. La chaussée principale fait 02 X 02 voies. De chaque côté nous avons un passage pour les cyclistes, et un autre pour les piétons.
Coût de l’infrastructure, 77,5 milliards de FCFA, réalisé par la China Road and Bridge Corporation (la CRBC ). Le chantier a été lancé le 22 Mars 2019 par feu le Pm Gon Coulibaly, et devait s’achever en Décembre 2022. Il a donc six mois de retard, dû au COVID dit-on. Rien à voir avec le retard constaté sur le quatrième pont, aussi construit par une entreprise chinoise, et qui devait être livré en Août 2020. Nous sommes aujourd’hui à trois années de retard sur le délai officiel, et tout porte à croire que l’infrastructure ne sera pas totalement livrée avant 2026 , ce qui fera un retard de 05 années !!!
Un pont dont l’impact sera assez faible sur le trafic dans la zone
Le pont de Cocody est une œuvre qui embellit incontestablement la ville, et sera certainement une attraction. Beaucoup vont l’emprunter à pied (jogging, promenade, etc…) pour profiter du paysage. Il sera le cadre de clips vidéos, de scènes de publicités ou de films. Mais son impact sur le trafic doit être relativisé. Pour la circulation en provenance de la Riviera 3, la palmeraie, attoban, Bingerville, Angré et sa zone etc.., l’indénié restera le chemin le plus pratique pour rallier le Plateau. Cette circulation ne va pas se déporter vers ce pont, car la voie qui part de la place Saint Jean et donne d’accès au pont, est une route 02 X 02 voies, faute d’espace pour être élargie. Elle ne pourra pas supporter le trafic en provenance de toutes ces zones. On parle de 29 000 à 35 000 véhicules qui vont emprunter chaque jour sur ce pont. Tout indique qu’ aux heures de pointe, ce pont ne sera vraiment utile qu’ aux usagers de Cocody centre, et de la riviera golf, pas au-delà.
sur le trafic en provenance des quartiers périphériques de la commune de Cocody.
Une polémique peut surgir concernant le coût global des travaux, les chiffres officiels ne collent pas. Le projet est financé par un prêt de 105 milliards de FCFA de la Banque Islamique de Développement. Selon les données officielles, la première phase des travaux a coûté 23,9 milliards, et le pont à haubans 77,5 milliards. Ce qui nous donne un total de 101,4 milliards. Ainsi 3,6 milliards manquent à l’appel. Ce n’est pas la première incohérence sur le coût des infrastructures. Le péage sur l’autoroute de Bassam est passé de 4 milliards à 23 milliards de FCFA dans les discours officiels. Pour l’autoroute Yamoussoukro Tiébissou inaugurée il y a quelque mois, deux montants ont été annoncés dans les discours officiels : 82,7 milliards et 92,63 milliards !!!
Pour terminer, on peut s’interroger sur le nom que le pont va porter. L’université de Cocody, le stade du plateau, le premier pont du plateau, et l’aéroport d’Abidjan portent le nom du président Houphouet. L’université de Bouaké et le nouveau stade olympique d’Abidjan portent le nom du président Ouattara. Le troisième pont d’Abidjan porte le nom du Président Bédié. Sans verser dans la polémique, il serait logique que le pont de Cocody porte le nom du président Gbagbo. Au Sénégal, le président Macky Sall a donné le nom de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, au nouveau stade olympique de Dakar (60 000 places). Il a pourtant maille à partir avec lui.
Un pont du nom de l’ex-président Laurent Gbagbo ?
Beaucoup de voies d’Abidjan portent le nom d’anciens gouverneurs de la Côte d’Ivoire lorsqu’elle était une colonie (Clozel, Angoulvant, Latrille, Galliéni, Treich Laplène, Binger etc…), ou d’anciens présidents français (Mitterrand, De Gaulle, Giscard d’Estaing). C’est une bonne chose dans la mesure où ils ont impacté l’histoire du pays. Le Président Gbagbo a été pendant dix ans à la tête du pays, il a ainsi, à l’instar des autres, laissé sa place dans la conscience collective. Et même si certains jugeront que son bilan n’est pas extraordinaire, ce sera justice qu’en tant qu’ancien président, une grosse infrastructure de la capitale porte son nom. Et L’Histoire retiendra que c’est le Président Ouattara qui a pris cette décision. Voilà qui est dit.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
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