Le juteux business des écoles transformées en lieux de culte

Une pratique prend de l’ampleur dans les communes d’Abidjan. C’est la transformation des établissements primaires en Eglises ou Temples de prières, les dimanches. Si prier dans des salles de classe des ces écoles n’a apparemment rien de mauvais en soi, en revanche, tout le tintamarre que cela occasionne dans les quartiers, perturbe le repos dominical de nombre de familles habitant à proximité. En dépit des plaintes formulées par les uns et les autres, la pratique continue, pour le bonheur des directeurs et vigiles de ces établissements.

A Cocody-Riviera Golf, certaines classes du groupe scolaire EPP du même nom, sont tous les dimanches utilisées comme temples, où des pasteurs et leurs fidèles viennent adorer Dieu. La majorité des riverains qui habitent à proximité de cette école, se plaignent du fait que les bruits que cela occasionne, troublent leur repos. L’un d’entre eux ayant raconte : « Depuis que les classes des écoles primaires sont transformées en lieux de prières, nous ne pouvons plus nous reposer, à cause des bruits qu’ils font, tout au long de la journée. Hors c’est bien un jour de repos dimanche ».

Nuisances sonores

Le directeur de l’une des écoles du groupe scolaire Golf, nous confie avoir reçu, une convocation de la part des riverains le 8 mars 2022, pour les nuisances sonores. Il nous montre la convocation, comme pour confirmer ses propos. Pour cette raison, les salles de classes de son école, ne servent plus aux cultes du dimanche. Parce qu’il ne veut pas « aller en justice pour des futilités », dit-il. Par contre, dans les deux autres écoles du même groupe scolaire, presque toutes les classes servent de lieu de culte chaque dimanche. La directrice de l’EPP Golf 1, en présence de sa conseillère d’éducation, nous a répondu favorablement, lorsque nous lui avons fait croire que nous étions en quête d’une salle de classe pour nos prières. A Cocody centre, les classes de l’EPP Sogefiha deviennent également chaque dimanche, des églises.

Dans la commune de Yopougon, plusieurs écoles primaires publiques comme privées, vivent le même fait. Et à en croire des riverains de ces écoles, les fidèles de ces églises viennent généralement d’ailleurs. Outre les dimanches, certains groupes religieux, organisent même des veillées de prières les jours ouvrés. Une situation qui perturbe énormément leur quiétude. « C’est inacceptable. Nous n’arrivons pas à nous reposer. Nos enfants ont du mal à étudier », se plaint Mme Akré, dont la maison fait face à l’Epp Bad du Nouveau quartier. Elle ajoute : « nous avons plusieurs fois interpellé les responsables de cet établissement. Mais rien ne change » A Abobo aussi, précisément au quartier Sogefiha, on retrouve la même pratique, les classes sont également utilisées pour les cultes du dimanche, contre la volonté des riverains des écoles concernées.

Directeurs d’école et vigiles

La commune de Treichville ne fait pas l’exception. Chaque dimanche, certaines classes du groupe scolaire EPP Régionale sont transformées en salles de prières par différentes confessions chrétiennes. Selon, des personnes rencontrées dans les environs, la pratique y a cours depuis longtemps déjà. Mais ces deux dernières décennies, ils observent qu’elle a de façon inquiétante pris de l’ampleur. De sorte que, disent-ils : « Si l’on y prend garde, toutes les écoles primaires publiques deviendront des temples du dimanche ».

En revanche, dans la commune de Koumassi, cette pratique n’est plus de mise. En effet, selon un interlocuteur qui semble en savoir beaucoup à propos, « l’usage des salles de classes des écoles primaires publiques chaque dimanche, pour les prières a cessé. Et cela, sur une décision des parents d’élèves et directeurs des établissements, après la réhabilitation des écoles. Si on permet aux communautés religieuses d’utiliser les salles de classes pour les cultes, on ne pourra pas les refuser aux autres personnes qui viendront demander des services similaires. », soutient-t-il . Mais alors pourquoi les autres établissements, dans les autres communes n’en font pas autant ?

Tout simplement parce que, cet usage des salles de classes, profite assurément à d’autres personnes. Notamment, les directeurs des écoles concernées, ainsi que dans une moindre mesure, leurs vigiles.

Un riverain d’un de ces établissements nous a confié que par le passé, un directeur du groupe scolaire Golf, leur louait une classe de son école à 20 000 F par mois. Un autre interlocuteur sous couvert de l’anonymat, nous a également indiqué que, dans l’école Sogefiha d’Abobo, chaque dimanche, après le culte, le pasteur qui utilise la classe donne de l’argent au directeur de l’école. Il le fait par l’intermédiaire du vigile de l’école. Parfois, dans certaines écoles primaires, c’est le petit business du seul vigile. Là-dessus, un vigile révèle : « Chez nous, c’est moyennant de l’argent que les salles de classes sont mises à disposition pour les prières Cet argent nous revient, par ce que nous ne sommes pas payés. Donc, nous faisons ça pour pouvoir nous payer. Et cela, le directeur de l’école en est bien informé ».

Pour avoir une salle à l’Epp Sicogi 1, de Yopougon, « il faut d’abord s’acquitter de la somme de 30 000 F. Ensuite, l’on verse 15 000 F chaque fin du mois », nous fait savoir un membre de l’Administration de cette école primaire. Toujours dans la même commune, à l’Epp Sogefiha 3, le gardien nous informe que les salles sont à 10 000 F CFA par mois. Croyant que nous sommes désireux d’en louer, il nous demande de repasser après l’examen du Bepc, pour voir le directeur. « C’est la fondatrice qui octroie les salles. Mais actuellement, elles sont toutes occupées », nous dit un responsable du Groupe Scolaire Igon de Gesco. La procédure pour l’obtention d’une salle au Collège Roi David du même quartier, se fait sur demande. « Vous devez adresser un courrier au directeur, en précisant le nom de votre église, le nombre de fidèles et vos contacts », explique la secrétaire de cet établissement secondaire. A l’Epp Bad du Nouveau quartier, un membre du personnel, nous apprend que leurs salles sont disponibles au prix de 20 000 Francs Cfa par mois

Comme on peut le constater, il en sera continuellement ainsi, tant que les responsables de ces écoles percevront de l’argent en retour. Et alors tant pis pour les personnes vivant à proximité de ces différentes écoles, qui chaque dimanche subissent les nuisances sonores que la pratique provoque.

César Kouakou et Boubacar Barry
Lebanco.net

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