Il faudra que le président français, à un moment donné, cesse de convoquer des sommets inutiles. Le dernier en date, c’est celui sur le Nouveau pacte financier mondial organisé les 22 et 23 juin, à Paris. Il l’a préparé pendant six mois avec ses équipes. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a accouché d’aucune solution pour les problèmes des pays du Sud, à savoir, le surendettement, la pauvreté et le dérèglement climatique. Alors que les pays concernés dépensent cinq fois plus d’argent à rembourser leur dette que ce qu’ils reçoivent des pays du Nord. A Paris, le problème de la dette a, pourtant, été, soigneusement, évité tout comme le changement du système financier mondial incarné par la Banque mondiale et le Fonds monétaire internationale qu’il ne faut pas restructurer ni améliorer, mais totalement remplacer. On en est loin et personne en l’absence de Joe Biden, resté bien calé à Washington, ne pouvait en parler. Comment Macron peut-il élaborer un nouveau financier mondial sans la présence de Joe Biden, président du pays le plus riche du monde, sans Xi Jinping, la deuxième économie du monde et pays détenteur de plus de liquidités dans le monde, sans le premier ministre du Japon, sans le premier ministre britannique ? L’échec d’un tel sommet n’était-il pas prévisible ?
Une quarantaine de chefs d’Etat avaient pourtant effectué le déplacement à Paris pensant assister à une prise de conscience réelle des pays développés, suivie d’actions concrètes définies par ordre de priorité selon un chronogramme pour adresser les plaintes des pays du Sud, notamment, en matière de pertes annuelles liées au climat estimées entre 7 et 15 milliards de dollars par an, selon Dr. Akinwumi Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD).
Mais, il n’en sera malheureusement rien, les pays pollueurs ayant une fois de plus fait montre d’un désintérêt inquiétant lorsqu’ils se retrouvent sur le banc des accusés, et ont l’opportunité de corriger les conséquences de leurs actes passés.
Le président brésilien Lula a participé au Sommet avec son franc-parler habituel : il fait partie des grands leaders du monde qui demandent la dissolution du FMI et de la Banque mondiale, qui ont fait leur temps. Ce n’est pas l’avis de son homologue français Emmanuel Macron.
Seules deux nations africaines (nous disons bien deux sur les 80 pays présents à Paris) repartent avec une nouvelle relativement bonne, la première étant le Sénégal qui s’est vu octroyer la somme de 2,5 milliards d’euros pour porter à 40%, en 2030, la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, et la seconde étant la Zambie, qui après trois ans de négociations, a pu obtenir de ses créanciers une restructuration de sa dette. Pour y parvenir, la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, a effectué une visite, à Lusaka, le 3 avril dernier, pour appeler à une résolution « rapide » de la dette de ce pays. La concrétisation de cette action commencée en amont, a été le Sommet de Paris.
En dehors du gain engrangé par ces deux pays, la seule avancée mais minime obtenue à Paris, est l’accord des pays prêteurs de suspendre le service de la dette en cas de catastrophe climatique. En espérant qu’on ne dissertera pas sur la notion de « catastrophe climatique ».
En dehors de ces deux cas, les autres nations du continent noir ont eu droit, comme à l’accoutumée, à de nouveaux engagements (sans lendemain), venant se rajouter aux nombreuses promesses passées jamais réalisées, dont elles ont d’ailleurs souvent du mal à toutes se souvenir. En effet, en 2020, les pays développés annonçaient la mise à disposition, sans condition particulière, de 100 milliards de dollars, par an, pour les pays du Sud en réponse à l’action climatique. Trois ans après, cette promesse non tenue est soudainement devenue une mesure d’accompagnement limitée aux gouvernements africains adoptant les énergies vertes.
Après avoir identifié que la clé de la réussite du volet climatique du nouveau pacte financier tournera autour de la transition énergétique des pays occidentaux et du développement des grands émergents hors des énergies fossiles, Emmanuel Macron a fustigé l’idée que la dette des pays africains soit effacée, prétextant que cela compliquerait l’accès à de futurs financements pour ces Etats. Pure démagogie alors que c’est une demande générale dans les pays du Sud et même dans certains pays du Nord. Il a omis d’aborder la question d’une taxation plus accrue des entités pollueuses comme Total Energies, dont les bénéfices records sont pointés du doigt comme étant la résultante directe de la dégradation de l’écosystème de la planète.
Lors de sa tournée africaine, la vice-présidente Kamala Harris a terminé son voyage en Zambie le 3 avril (ici avec le président Hachaindé Hichilema). Objectif : lancer un appel pour trouver une solution rapide à la question de la dette zambienne.
Fidèle à lui-même, l’Occident fait la sourde oreille aux appels en détresse de l’Afrique, et le tiers-monde, préférant se focaliser sur ses problèmes plutôt que d’assumer sa responsabilité. Cette attitude risque s’avérer contre-productive dans la mesure où l’ordre mondial est en pleine redéfinition, les BRICS ayant à cœur de proposer une alternative aux systèmes dysfonctionnels mis en place par les grandes puissances depuis la Seconde Guerre Mondiale.
L’espoir que suscite la mise en service de la Banque des BRICS, à Shanghai, que préside l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Roussef, a de quoi inquiéter les Occidentaux dans leur égoïsme congénital. D’où l’insistance, sans doute, de Macron de vouloir, à tout prix, assister au prochain Sommet des BRICS, à Johannesburg, fin août prochain, question d’avoir une idée de son fonctionnement interne et du ressort de son organisation, afin de commencer à la torpiller de l’extérieur. Mais, même si le président en exercice des BRICS, le Sud-Africain, Cyril Ramaphosa, pouvait se montrer favorable à une telle participation, la porte a été fermée par Vladimir Poutine qui, depuis Moscou, a dit qu’il n’était pas question d’admettre des pays « hostiles » à ce sommet. Sous-entendu la France.
Paul Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)
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