J’ai lu avec beaucoup de tristesse et grande consternation le manifeste publié dans Ivoirebusiness d’un certain Kouakou Donacien Dapa, juriste de son état, qui appelle à la violence contre la communauté LGBT en Côte d’Ivoire. Dapa écrit qu’il faut « faire front commun pour chasser les adeptes de ces abominations de nos villes et hameaux … pour refaire notre unité nationale ».
Pour Monsieur Dapa, la colonisation, la politique, et la mondialisation ayant surpris et divisé l’Afrique, c’est par la violence et la sauvagerie contre la communauté LGBT que les Africains referont leur unité. Aussi, écrit-il, « A partir du moment où animistes, chrétiens, musulmans et les sans religions sont unanimes contre la violation des lois divines, soyons intraitables face au phénomène. Si l’esclavage, la colonisation, la mondialisation nous ont surpris en Afrique, il ne doit pas en être de même cette fois-ci face au péril de notre humanité que représente la menace et l’invasion de l’immoralité dégoutante dite COMMUNAUTE LGBT » (il faut vous avouer que j’ai pris la liberté de corriger les nombreuses fautes syntaxiques de la citation originale).
Je me serais contenté de rire de l’absurdité de la logique de Monsieur Dapa si l’appel à la violence qu’elle contient ne constituait pas une atteinte grave aux droits de certains de nos concitoyens, si le cri de guerre de Monsieur Dapa, à l’instar des élucubrations entendues naguère sur Radio mille collines, ne préparait pas le terrain pour un pogrom contre une communauté dont les orientations sexuelles n’ont absolument rien à voir avec les problèmes existentiels des Ivoiriens (la cherté de la vie, la couverture sociale, le logement, la santé, etc.).
Dapa justifie son appel à la violence au nom d’une sacrée culture africaine. Mais pourquoi les valeurs africaines dont il se réclame doivent-elles presque toujours s’articuler autour des organes génitaux. Quelle est cette Afrique qui ne réfléchit que par ses extrémités génitales ? Quelle est cette obsession pour les organes génitaux alors que le reste du monde construit des fusées ? Monsieur Dapa semble nous dire : « on meurt de faim, les pluies emportent nos maisons, nos hôpitaux manquent d’équipements, les prix de la viande, du poisson et des légumes sont hors de portée ; mais Dieu merci ! Au moins nous baisons dans les normes. Et à moins de faire la chasse à ceux qui baisent différemment, nous risquons de ne même plus manger à notre faim ».
Monsieur Dapa est-il vraiment un juriste ? a-t-il déjà défendu un seul cas sérieux ou bien fait-il son pain et son beurre dans les antichambres des partis politiques à véhiculer la haine propagandiste. S’il est un juriste, je l’invite à prendre son bâton de pèlerin pour défendre ceux qui en marge de la société vivent l’intolérance des esprits rébarbatifs plutôt que d’appeler à la violence contre eux. Il n’y a pas de façon africaine et occidentale de défendre les droits humains. L’oppression n’a ni race ni culture ni nationalité. Elle ne peut être rationalisée sur une base raciale.
Et que Monsieur Dapa Donacien arrête ses amalgames malheureux qui l’emmènent à condenser toutes les tares de la société dans la communauté LGBT. Qu’elle ne soit pas pour lui une cible trop facile sur laquelle il pourra se défouler des inadéquations sociales et de ses anxiétés.
Que Dapa Donacien ne nous donne pas de raisons de nous demander si ses angoisses violentes contre les homosexuels ne cachent pas ses propres ambiguïtés sexuelles.
Martial Frindéthié
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