Il y a quelque temps, des articles parus d’abord dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, puis repris par la presse locale, faisaient l’écho des difficultés que traversées par les deux compagnies privées de transport lagunaire, la STL et la CI-TRANS, qui seraient au bord de la faillite. Elles auraient lancé un appel au Président Ouattara !
Pourtant ces compagnies ont très bien été accueillies par la population à partir de 2017. Leur offre, concurrente de celle des bateaux-bus de la SOTRA, faisait objectivement l’affaire des usagers. En plus des lignes traditionnelles reliant Abobo-Doumé au Plateau et à Treichville, la compagnie STL, la première à avoir lancé ses activités, a ouvert une liaison sur M’Pouto, et une sur Azito dans la commune de Yopougon. La société CI-TRANS, la seconde à s’être installée, a construit deux immenses gares au Plateau et à Abobo-Doumé. Ces navires sont de grande taille, climatisés et emportent plus de 300 personnes.
Ces compagnies ont donné un aspect de modernité au paysage urbain. Leurs embarcations peuvent être sous louées par des groupes pour des excursions. Les choses semblaient bien se passer jusque-là. Qu’est ce qui peut bien expliquer aujourd’hui leurs difficultés ? Et quel avenir pour le transport lagunaire ?
Aujourd’hui, on peut effectivement se rendre compte d’une certaine désaffection des usagers pour la traversée de la lagune. On n’observe plus ces longues files d’attente aux différents quais, et cela pour une raison toute simple : le transport lagunaire pâtit de la montée en puissance des lignes express de la SOTRA. Celles-ci ont désormais la préférence des usagers.
Prenons l’exemple d’un usager qui du grand carrefour de Koumassi veut se rendre à Yopougon dans la zone Koweït-camp militaire. Il peut emprunter un bus pour se rendre dans l’une des gares lagunaires, prendre un bateau pour abobo doumé, puis emprunter de nouveau un bus ( ou un taxi communal ) pour arriver à destination. Il dépensera entre 600 et 700 FCFA. Mais il peut aussi prendre l’express qui relie le grand carrefour de Koumassi à cette zone, et là il dépensera seulement 500 FCFA. Mais l’élément décisif qui fait pencher la balance pour l’express réside dans le facteur temps. En optant pour la traversée de la lagune, l’usager doit attendre deux fois un bus, et une fois le bateau bus. En optant pour l’express, il n’attend qu’une seule fois le bus ( c’est-à-dire l’express ).
Le choix est vite fait. Aujourd’hui toutes les communes sont reliées entre elles par des lignes express. Sur les longs trajets, l’express permet de réaliser des gains de temps, et des économies. Le service est même plus régulier que celui des lignes de bus ordinaires, car la SOTRA ayant réalisé que c’est sur ce segment qu’elle engrange plus de recettes, y déploie plus d’engins.
La traversée a donc perdu son attractivité car elle exige en plus du bateau, de prendre un ou deux bus. L’express lui est plus pratique. On n’attend qu’une seule fois, pour une liaison directe. Et cette tendance va s’amplifier, car les bus étant désormais produits sur place, le parc de la SOTRA se densifie. D’ailleurs, il n’ y a pas que le transport lagunaire qui fait les frais de la montée en puissance des express. Les taxis inter-communaux banalisés, communément appelés « woro-woro » sont aussi sur le déclin. Leurs gares sont aujourd’hui totalement dégarnies.
L’Etat peut bien apporter de l’aide à ces compagnies en termes d’exonérations, de subventions du ticket, ou de l’achat des engins etc….Cela ne règlera pas forcément le problème de fond, qui reste la désaffection de la clientèle du fait que la traversée est multi-modale. Elle combine le bateau, et un ou deux bus. Avec l’express, on prend un seul bus. Et le service est régulier parce que la SOTRA a désormais un parc plus renforcé. Donc quand bien même le coût de la traversée passerait à 100 FCFA, la clientèle ne serait pas forcément de retour.
Il faut s’attaquer au caractère multi-modal du transport lagunaire. Avec l’express il y a un gain de temps. C’est dans ce sens qu’il faut solutionner le problème des compagnies lagunaires. Elles doivent mettre en place des autocars qui prendront les usagers à leur descente du bateau pour les convoyer vers des zones précises, avec des escales en route, cela sans augmenter le tarif de la traversée. Ce système intégré va éviter aux usagers de devoir attendre une fois débarqués du bateau. Le gain de temps et d’effort qui en découle sera de nature à inciter au retour de la clientèle.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
Commentaires Facebook