Fin mai 2023, des jeunes sénégalais avaient averti qu’ils n’accepteraient pas une condamnation d’Ousmane Sonko et que le malheur s’abattrait sur leur pays si ce dernier était jeté en prison. Manifestement, l’avertissement ne fut pas pris au sérieux puisque le maire de Ziguinchor écopa, le 1er juin, de deux ans de prison ferme. La justice ne l’accusait plus de viol mais de corruption de la jeunesse. Étrange verdict qui n’est pas sans rappeler celui de Socrate accusé par Mélétos de pervertir la jeunesse et condamné, pour cela, à boire la ciguë.
La réaction du peuple sénégalais fut immédiate. À Dakar comme dans d’autres villes, en effet, les gens descendirent dans la rue, s’attaquèrent à des biens privés et publics. Plusieurs morts furent malheureusement enregistrés. Qui fit feu sur les manifestants? Cela reste encore un mystère. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que, quelques jours avant sa condamnation, Sonko avait été empêché par les forces de sécurité de sortir de son domicile à la Cité Keur Gorgui. Loin de se laisser intimider, le président des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) avait appelé ses compatriotes à “se lever comme un seul homme parce que force doit rester au peuple”. Pour de nombreux Sénégalais, la décision de justice ne vise qu’à empêcher la participation de Sonko à la présidentielle de février 2024.
Pourquoi Sonko est-il soutenu par une bonne partie de la jeunesse sénégalaise? Parce qu’il est contre la politique de la France en Afrique, parce qu’il veut que la France soit un partenaire parmi d’autres, parce qu’il souhaite privilégier les intérêts du Sénégal, parce qu’il n’a de cesse de dénoncer la corruption des élites, le bradage des richesses du pays aux compagnies étrangères et le non-paiement de l’impôt par les députés, parce que, en 15 ans de service aux Impôts, il est difficile de lui imputer des détournements de fonds publics, ce qui, dans le landerneau politique sénégalais, fait de lui un homme atypique, parce que, pour lui, la politique n’est pas un moyen d’ascension et d’enrichissement personnel mais “une soumission volontaire et désintéressée aux intérêts supérieurs de la population”, parce qu’il est opposé au franc CFA et à la présence des bases militaires françaises sur le continent.
Beaucoup de panafricanistes africains souhaiteraient que ce Sonko dirige le Sénégal après Macky Sall qui ne peut briguer un troisième mandat si on se fie à l’article 27 de la constitution du Sénégal qui stipule que “nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs”. Macky Sall lui-même tenait en 2017 les propos suivants : “Le nombre de mandats, c’est réglé depuis longtemps. Pourquoi engager une discussion sur un débat de 2024? Un débat qui n’a pas lieu d’être puisque je suis dans la logique de ne pas dépasser deux mandats si le peuple sénégalais me fait confiance en 2019.” Respectera-t-il sa parole ? En 2010, Dramane Ouattara assura qu’il avait juste besoin de cinq ans pour transformer la Côte d’Ivoire. Il promit ensuite de ne pas se représenter après le second mandat mais, contre toute attente, il renia sa parole en 2020 en utilisant un argument bidon : la disparition d’Amadou Gon Coulibaly aurait laissé le parti sans candidat à la présidentielle d’octobre 2020. Argument d’autant plus incompréhensible que plusieurs militants du RDR voyaient Hamed Bakayoko comme quelqu’un qui pourrait prendre la relève. Or qui peut encore faire confiance à une personne qui dit et se dédit? Celui qui est incapable de respecter l’engagement pris devant le peuple est non seulement méprisable mais mérite d’être dégagé. Les politiciens menteurs et à la solde de la France doivent être chassés et Macky Sall risque de subir ce sort s’il s’entête à vouloir rempiler car le peuple sénégalais ne lui accordera jamais ce qui fut refusé à Abdoulaye Wade en 2012.
Jean-Claude DJEREKE
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