Kagamé Paul: L’homme qui intimide, et domine ses pairs

Ils sont plutôt rares, les Chefs d’Etat sur le continent qui lors des sommets, osent prendre une position contraire à celle de l’homme fort de Kigali. Sur de lui, toujours porté sur l’offensive quand il défend une cause, le président Kagamé Paul en impose, écrase la concurrence, intimide, et en conséquence semble jouir d’une impunité totale.

En Octobre 1996, un mystérieux groupe rebelle inconnu jusque-là, l’ AFDL ( Alliance des Forces Démocratiques de Libération ), est apparu à la frontière entre la RDC ( à l’époque le Zaïre ) et le Rwanda, avec avait à sa tête un certain Laurent Désiré Kabila. Dès le début, le Zaïre avait dénoncé la présence massive de troupes rwandaises au sein de cette rébellion, ce que Paul Kagamé démentait formellement. Après environ six mois d’une progression fulgurante ( vu la taille du pays ), les rebelles pénètrent en Mai 1997 dans la capitale Kinshasa, que le Président Mobutu avait fui pour le Togo, deux jours auparavant.

C’est à ce moment que Paul Kagamé revendique la chute du Président Mobutu qui selon lui, « avait laissé son pays être la base arrière des génocidaires ». Personne n’a osé le condamner quand il a admis que c’était son armée qui avait mené l’offensive jusqu’à Kinshasa. Ni l’Union Africaine, ni les Nations Unies, ni l’Union Européenne, etc…..n’ ont émis la moindre critique, alors que Kagamé s’était attaqué ouvertement à un pays sans une déclaration de guerre. Les Chefs d’État africains étaient dans la torpeur, pétrifiés, tétanisés, par le manque d’état d’âme de cet homme. Et pourtant ce n’était que le début.

En 1997, Le Zaïre devient la République Démocratique du Congo avec à sa tête Laurent Désiré Kabila. Mais toute l’armée est aux mains des Rwandais. Une année plus tard 1998, le Président Kabila, sous la pression de la population, leur demande de  » rentrer chez eux « . Une nouvelle rébellion se déclenche aussitôt à l’Est, exactement sur le même schéma que la précédente. Cette fois les Rwandais sont rapidement aux portes de Kinshasa, puisque l’armée congolaise n’existait pratiquement pas. C’est alors que le Zimbabwe et l’Angola sont rapidement venus au secours du Président Kabila et porté un coup d’arrêt à la tentative de Kagamé de s’emparer de nouveau du pays.

Encore une fois personne n’a osé le condamner alors que tout le monde savait que c’était ses troupes qui étaient à la manœuvre, avec le soutien de l’armée ougandaise, et dans une moindre mesure burundaise. On ne le désignait pas comme agresseur, alors qu’il occupait militairement un pays souverain. Plus tard, d’autres pays ont apporté leur aide à la RDC, ainsi les armées d’une dizaine de pays africains se sont affrontées sur le sol de la RDC de 1998 à 2003. On a parlé de « première guerre mondiale africaine ». Kagamé a enfin compris que certains pays de la région n’étaient plus disposés à le laisser agir impunément au Congo. Mais il ne va pas pour autant renoncer.

Après les accords de 2003 qui ont officiellement mis fin au conflit par un retrait de toutes les troupes étrangères, le Président Kagamé va soutenir plusieurs rébellions dans cette partie de la RDC. Ainsi Le RCD-Goma, le CNDP, et le M23 sont successivement des groupes armés qui se situent dans la continuité de son intervention. D’un groupe à l’autre, on retrouve les mêmes officiers. Aujourd’hui seuls les Occidentaux dénoncent l’implication du Rwanda en RDC. Les pays africains, eux, parlent d’un soutien que reçoit le M23 de la part de « certains pays de la région », une formule pour ne pas froisser Kagamé ! Et pendant ce temps, les massacres, les viols, les déplacements de centaines de milliers de personnes se poursuivent depuis 1996. Tout cela du fait d’un seul homme que ses pairs n’osent pas condamner !

L’ascendance de Paul Kagamé sur les autres présidents africains s’est aussi manifestée lors de l’élection du Secrétaire général de la Francophonie en 2018. En 2014, l’Afrique avait présenté trois candidatures à ce poste. Mais en 2018, lorsque Paul Kagamé présenta la candidature de sa ministre des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, aucun pays n’a osé le défier en présentant une candidature concurrente ! Or non seulement le Rwanda n’est plus un pays francophone, mais il était communément admis que les pays présentant des candidatures devaient donner l’exemple en matière libertés démocratiques, ce qui n’est pas le cas du Rwanda. Il faut aussi savoir que dès sa prise du pouvoir, Paul Kagamé avait fait raser au Bulldozer le centre culturel français, et décréter l’anglais comme langue officielle ! Tout cela ne l’a pas empêché de placer une citoyenne rwandaise à la tête de cette organisation.

Auparavant Paul Kagamé est aussi parvenu à faire élire son ministre des finances Daniel Kaberuka au poste de Président de la BAD en 2005, une élection que l’homme a survolée  » haut les mains  » grâce au charisme de son mentor. La question relative à la ZLECA illustre également l’ascendance de Kagamé sur ses pairs. La Zone de Libre Échange Continentale Africaine, la ZLECA, est un traité qui abolit les barrières douanières et non tarifaires entre les Etats. C’est une vieille idée qui date des années 1980. Personne jusque-là, n’arrivait vraiment à la formaliser et la faire accepter. Lorsque Kagamé s’ est emparé de la question, quasiment tous les pays d’Afrique subsaharienne ont adopté et ratifié le traité.

En 2020, suite à la pandémie du COVID-19, il fallait choisir trois pays pour l’implantation des unités qui allaient produire le vaccin contre le coronavirus. Si le choix du Sénégal s’imposait en Afrique de l’Ouest en raison de la forte avancée de l’institut pasteur de Dakar en virologie, et celui de l’Afrique du Sud en Afrique australe en raison de la capacité industrielle de ce pays, le choix du Rwanda en Afrique orientale était contestable. Car Addis Abeba, Nairobi et Dar-es-Salam ayant des capacités industrielles beaucoup plus avancées que Kigali. Mais comme toujours lorsque Kagamé se met au devant d’une cause, bien peu de chefs d’Etat osent le défier.

La Côte d’Ivoire est dans le viseur de Kagamé. En cause le futur siège du fond « Afrique » du Qatar, doté d’un budget de 2 milliards de dollars. Initialement le siège était promis à la Côte d’Ivoire, le Président Ouattara devait même en être le président. Nous étions en 2020 avant le décès d’Amadou Gon Coulibaly, lorsque l’homme avait annoncé son retrait de la vie politique. Mais voilà, ce retrait ne s’est pas réalisé. Or le Rwanda veut du siège, compte tenu de ses relations privilégiées avec cet Émirat du golfe, notamment dans le domaine du transport aérien. A ce jour, aucune décision n’a encore été prise. Le Président Ouattara va-t-il finir par s’incliner ? Kagamé n’est pas homme à lâcher prise.

Il y a enfin ce controversé accord entre le Rwanda et le Royaume Uni sur les réfugiés, qui permet à Londres d’expulser vers le Rwanda tous les demandeurs d’asile, en échange de compensations financières pour Kigali. Cet accord qui viole la convention sur les réfugiés, est dénoncé par les Nations Unies. Londres avait auparavant approché des États de la région, qui ont tous refusé le « deal ». Curieusement là encore, personne n’ose condamner le Rwanda, alors que le pays se fait complice d’une expulsion, voire d’une déportation des immigrés. l’Union Africaine juge l’accord malsain, mais se tait. Personne n’a le courage de condamner ouvertement l’homme.

Douglas Mountain

Le Cercle des Réflexions Libérales

oceanpremier4@gmail.com

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