Data en Côte d’Ivoire: Ces chiffres dont personne ne veut parler alors que le problème vient d’eux 

Dans le débat sur le coût des datas en Côte d’Ivoire, il y’a des chiffres dont personne ne veut encore parler, alors que ce sont eux qui font agir le conseil de régulation de l’autorité de régulation des télécommunications en Côte d’Ivoire (Artci), avec l’accord et l’adhésion des opérateurs, et même des associations de consommateurs.

Quels sont ces chiffres dont personne ne parle; ces chiffres à la base de la décision de l’Artci qui n’entend pas laisser passer l’occasion de faire appliquer ses directives à en croire les dernières réactions de l’autorité administrative indépendante sur la question ? Pourquoi ces chiffres qui sont ceux des coûts réels de production et de revient des datas restent secrets dans la polémique en cours, alors qu’il est fait état de déséquilibre du secteur ?

Ce que l’Artci a dit
En attendant, le conseil de régulation de l’Artci continue de montrer dans l’ensemble de ses échanges avec les opérateurs ainsi que dans sa communication publique qu’il est dans dans la bonne direction . En effet, la structure de prise de décision du régulateur rejette le débat sur ses compétences en matière d’encadrement des prix. Ainsi s’appuyant assurément sur les articles 172 et 173 du code des télécommunications, une note du Conseil de régulation de l’Artci datée du 9 avril 2023 a dévoilé un agenda en quatre étapes. Elle fait savoir que le conseil de régulation a interpellé le 7 avril 2023, les opérateurs pour la violation des dispositions de l’article 174 de l’ordonnance de 2012 relative aux télécommunications et aux Tics qui stipule qu’il faut communiquer à l’Artci les prix un mois avant de les porter à la connaissance du public, et de les mettre ensuite en application. C’est sur cette seule base que la décision de retrait des nouvelles offres a été prise. Suite au constat fait, l’équipe dirigée par Diakité Souleymanne Coty a alors dévoilé ci-dessous les quatre phases de son agenda :

« 1 – Faire appliquer la d’interpellation de l’Artci: Amener les opérateurs à retirer les offres de services et à revenir aux offres de service d’avant le 5 avril 2023. À cet effet, les opérateurs devront faire une communication publique au plus tard le 11 avril 2023.

2- Dérouler un plan de communication grand public, dès la communication publique des opérateurs

3- Examiner les propositions de modification tarifaires envisagées par les opérateurs dans le respect de la réglementation au plus tard le 21 avril 2023

4- Continuer le processus de révision périodique de la décision 2023-834 (Prochaine revue au plus tard le 30 juin 2023) »

Comme on le voit, l’Artci ne remet pas en cause sa décision sur laquelle le changement tarifaire avait été fondé. Elle dit que les opérateurs, dans leur volonté d’exécuter la décision, ont agi de façon immédiate sans respecter la procédure qui consiste à la prévenir 30 jours avant. Cela ne signifie-t-il pas que si les opérateurs avaient informé le régulateur dans les délais prévus par la loi, les nouvelles offres de service n’auraient pas été suspendues et que si une procédure est engagée en ce sens, l’ajustement tarifaire aura finalement lieu ?

Pourquoi la décision 2023-834 relative au prix plancher a été prise
La question se pose de savoir pourquoi l’Artci tient à l’application de la décision 2023-834 de fixation d’un prix plancher de 0,8 Fcfa par mégaoctet.

Selon des informations recueillies, pour l’offre de base ou l’offre d’entrée de gamme sur la data, le coût réel du marché en Côte d’Ivoire est de 1,25 Fcfa le mégaoctet. C’est ce prix qui a été ramené à 1 Fcfa en 2020 puis à 0,8 Fcfa en 2023 et qui fait polémique.

Le Cameroun pratique un prix proche de la Côte d’Ivoire avec 1 Fcfa le mégaoctet, alors qu’au Mali, c’est 3,3 Fcfa, au Togo, c’est 2,2 Fcfa , au Sénégal: 3,3 Fcfa, en Guinée 1,34 Fcfa. Le prix le plus élevé dans la sous région, est le Burkina Faso avec 10 Fcfa selon les informations issues d’un benchmark consulté par Afrikipresse.

En Côte d’Ivoire , malgré la décision de 2020 prise par l’Artci, les opérateurs pratiquaient en réalité 0,499 Fcfa au lieu de 1 Fcfa au moins.

Pourquoi ça pose problème
Selon des informations reçues d’expert du secteur, les opérateurs de téléphonie en Côte d’Ivoire subventionnaient les datas, avec l’argent de la « voix », car le coût de production de la data avec l’évolution du marché, est compris autour de 0,7 Fcfa.

Si les opérateurs subventionnaient les datas avec ce qu’ils gagnaient dans d’autres segments notamment les appels GSM et les messages, c’est parce qu’ils espéraient que plus les consommateurs achèteraient des datas, plus ils auraient la possibilité de rentrer dans leurs investissements, en ajustant dans la durée les prix.

Cela a bien marché jusqu’à l’explosion encore plus forte des réseaux sociaux (WhatsApp, Telegram, Signal, Skype…). Une explosion qui fait que l’utilisation du GSM s’est réduite, conduisant à une chute de revenu GSM, tandis que l’on assistait une augmentation du nombre de consommateurs de Data. La chute des communications GSM s’est aussi ressentie dans la baisse des revenus fiscaux pour l’État.

Le témoignage d’un acteur du secteur
Contacté par Afrkipresse, un acteur du secteur a expliqué sous couvert d’anonymat ceci : « Ce prix de vente plancher n’est pas tombé du ciel. C’est quand même après un an de discussions entre l’ARTCI, les Opérateurs et la Société Civile (ou des représentants des associations de consommateurs) de Janvier 2022 à Janvier 2023 qu’il a été fixé avec mise en œuvre le 06 Avril 2023. Une mise en œuvre à cette date qui n’empêchait pas l’obligation d’informer l’Artci dans les délais, de la part des opérateurs. Quand les gens travaillent en prenant leur temps , avec toutes les parties, tous les PV qui existent sur la question, il est difficile dans le fond, en dehors des questions de procédure, et de forme, de tout remettre en cause. C’est pour cela que l’Artci qui est bel et bien dans son rôle d’encadrement des prix du secteur selon l’ordonnance, poursuit les discussions en vue de garantir la qualité de service pour les consommateurs, tout en assurant une concurrence saine, efficace et loyale entre les opérateurs. Il y va de l’intérêt des populations ».

N’est-ce pas exactement ce que dit le Conseil de régulation de l’Artci dans ses différentes communications ? En tout état de cause, une intensification de la transparence sur la structure des prix et sur la part de chaque intervenant, aiderait à mieux saisir les enjeux du secteur, sans oublier les précisions sur les performances de l’internet wifi relativement aux datas.

Charles Kouassi

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