En Côte-d’Ivoire l’aîné des Billon se rêve de président de la République

Quand Jean-Louis Billon se rêve président de la Côte d’Ivoire 30 mars 2023

L’homme d’affaires est, déjà, candidat déclaré à la présidentielle de 2025. Ce qui en agace plus d’un au PDCI, dont un congrès extraordinaire s’ouvre ce jeudi à Abidjan.

Par Aïssatou Diallo – à Abidjan Jeune-Afrique

« Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. » C’est par le premier vers du Lièvre et la Tortue, l’une des fables de Jean de La Fontaine, que
Jean-Louis Billon répond lorsqu’on lui demande pourquoi il s’est lancé aussi tôt dans la course à la présidentielle de 2025. « Ceux qui pensen
qu’une élection se joue au dernier moment ont bien tort. Au dernier moment, c’est le folklore électoral. Les tranchées, elles, se creusent
avant », ajoute-t-il avec l’assurance de ceux qui ont de grandes ambitions.
Héritier de Sifca
Depuis qu’il a annoncé, en septembre 2022, qu’il voulait être le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’homme d’affaires
est sur tous les fronts. En cette matinée de mars 2023, dans sa résidence du Plateau, ses téléphones ne cessent de sonner sur la table basse
de son salon. Pour l’héritier de la Société immobilière et financière de la côte africaine (Sifca), le géant ivoirien de l’agro-industrie (huile de
palme, caoutchouc, sucre), devenir président de la République a toujours été un rêve.

Bien connu de ses compatriotes, et en particulier de l’élite abidjanaise, Jean-Louis Billon navigue depuis plusieurs années entre le monde du
business et celui de la politique. Ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie (2002-2012), ex-ministre du Commerce (2012-
2017), il dispose d’une solide expérience et d’un carnet d’adresses bien rempli dans le milieu des affaires. Depuis 2001, il exerce aussi
différents mandats : maire, président du conseil régional et député de son fief de Dabakala, dans la région du Hambol – ce qui fait de lui l’un
des seuls cadres du PDCI élus dans le nord du pays, acquis au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au
pouvoir).

Candidature précoce
Alors qu’il avait déjà exprimé sa volonté d’être candidat à l’investiture de son parti à l’occasion de la dernière présidentielle, en 2020, Billon
avait finalement dû se résoudre à se ranger derrière Henri Konan Bédié, l’inamovible président du PDCI. Mais, cette fois, l’ambitieux en est
convaincu : son heure est venue. Et il ne compte plus laisser passer sa chance.
Le 22 septembre 2022, il agite le marigot en annonçant qu’il brigue la présidence de la République. Une candidature précoce abondammen
commentée, au moment où des voix s’élèvent pour réclamer un renouvellement générationnel. Jouant la carte de la jeunesse malgré ses 58
printemps, Jean-Louis Billon avait auparavant soutenu la proposition de loi du député indépendant Assalé Tiémoko, qui souhaitait fixer une
limite d’âge (75 ans) pour être candidat à la magistrature suprême. La mesure, pour l’instant restée sans effet, pousserait d’office à la retraite
Alassane Ouattara, 81 ans, ainsi que ses prédécesseurs et rivaux, Laurent Gbagbo, 77 ans, et Henri Konan Bédié, 88 ans.

Proche de la famille Bédié
Face au tollé que l’annonce de sa candidature a soulevée au sein du parti, que Bédié dirige d’une main de fer, Billon s’est empressé d’aller lu
présenter ses excuses. « Lui et moi savons ce que nous nous sommes dit. Je souhaite être président de la République, et non président du
PDCI. Ce sont deux choses différentes », tempère-t-il.
Entre les deux hommes, la relation est quasi filiale. Pierre Billon, le père de Jean-Louis, était un ami intime de l’ex-président, avec lequel il
avait rejoint les instances dirigeantes du PDCI dans les années 1960. Les deux familles se fréquentent et, aujourd’hui encore, Jean-Louis Billo
continue de rendre visite à celui qu’il qualifie de « tonton », lequel semble pour l’heure accorder peu d’importance à ses ambitions. « Si
Bédié lui passe autant de choses, c’est sans doute en mémoire de son père », confie une source qui connaît bien les intéressés.

Dans un parti habitué depuis trente ans à s’incliner avec déférence devant le Sphinx de Daoukro (qui n’a pas encore fait part de ses intention
pour 2025), l’attitude de Billon a vite été interprétée par certains comme un crime de lèse-majesté. « Billon fait preuve de réalisme. Il sait qu
tout dépendra de la volonté de Bédié. En se déclarant aussi tôt, il enfile le costume de candidat et fait en sorte de ne pas lui laisser le choix »
analyse le juriste et politologue Geoffroy-Julien Kouao.

Renouvellement générationnel
Alors que d’autres candidats potentiels ont peur de sortir du bois, Billon occupe l’espace médiatique, vantant le bien-fondé de sa candidature
au gré des interviews. « On ne peut pas avoir fait son temps, celui de ses enfants, et vouloir faire celui de ses petits-enfants. Le renouvellemen
générationnel est nécessaire, et il nous faut tous aller dans ce sens. C’est vaut aussi bien en politique que dans l’administration ou dans le
secteur privé », affirme-t-il, évoquant la nécessité d’installer « un nouveau logiciel » au PDCI.
Au sein du parti vert et blanc, ses discours agacent. Certains estiment qu’il va trop loin. D’autres lui reprochent son manque d’implication
dans la vie du mouvement. Bien qu’il s’en soit justifié, son absence lors du chaotique bureau politique du 29 septembre 2022, à Daoukro,
chez Bédié, a été beaucoup commentée. Alors que la préparation du prochain congrès du PDCI donne lieu à de multiples intrigues et que les
regards se tournent vers le comité chargé de désigner les candidats aux élections locales de 2023, Billon, lui, a les yeux rivés sur la
présidentielle.

« En tant que seul cadre élu du Nord, qu’a-t-il fait pour assurer une meilleure implantation du parti dans cette portion du pays ? S’est-il
intéressé aux investitures des prochaines élections locales ? Lorsqu’il faut engager des dépenses importantes pour organiser des événements
contribue-t-il financièrement ? Faire de grandes déclarations ne suffit pas, il faut agir pour convaincre », dénonce un poids lourd du PDCI.

Placard sur mesure
Après le fiasco de la présidentielle de 2020, qu’il avait finalement boycottée avec le reste de l’opposition pour tenter, sans succès, de
s’opposer à un troisième mandat d’Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié a engagé des réformes au sein du PDCI. Objectif : apaiser les
tensions internes tout en gardant la main. Billon, qui faisait partie de ceux qui s’étaient montrés critiques, y a progressivement perdu de
l’influence bien qu’il demeure au bureau politique. Autrefois secrétaire exécutif chargé de la propagande et de la communication, il est
aujourd’hui secrétaire exécutif chargé du secteur privé et des PME. Une sorte de placard sur mesure, où il a perdu sa capacité de parler au
nom du parti.

S’il veut obtenir le soutien du PDCI, Billon devra d’abord s’atteler à convaincre ses cadres, qui choisiront leur candidat lors d’une convention
dont la date n’a pas encore été fixée. En interne, il pourrait également se retrouver face à un adversaire de taille, qui, même s’il n’a pas
encore fait part de ses intentions, montre des signes d’intérêt pour la présidentielle : Tidjane Thiam. Petit-fils de Félix Houphouët-Boigny, issu
d’une famille de chefs traditionnels baoulé et possédant une certaine aura à l’étranger grâce à son profil de golden boy bien sous tous
rapports, le banquier dispose d’atouts non négligeables et séduit certaines figures du PDCI.

« Intimement convaincu » de gagner
Dans l’éventualité où le parti ne l’investirait pas, Jean-Louis Billon est-il prêt à présenter une candidature indépendante ? « Si le choix se fait
de façon démocratique, je me plierai à la décision sans problème. Mais, si les dés sont pipés, je serai candidat quoi qu’il arrive car je suis
intimement convaincu que je peux gagner », affirme-t-il.
Réelle ou surjouée, cette détermination fait sourire certains de ses adversaires, qui raillent ses chances de victoire. « Depuis bientôt dix ans
qu’il a des ambitions présidentielles, quelles sont les sections locales du PDCI qu’il a visitées ? Quel membre de son parti prend la parole pou
le soutenir ? Combien de figures importantes du mouvement a-t-il rencontrées ? Quand Alassane Ouattara était opposant, il avait déjà tout
un ancrage local, avec des maires et des députés qui le soutenaient », ironise un cadre du RHDP, qui estime que Billon n’a pas encore mis su
pied la structure qui ferait de lui un candidat sérieux.
« En Côte d’Ivoire, les électeurs sont attachés aux grandes formations politiques. Les indépendants ont toujours obtenu de faibles scores. Si le
RHDP, le PDCI et le PPA-CI [le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire, de Laurent Gbagbo] présentent des candidats en 2025, il sera très
difficile pour un indépendant de faire un bon score face à eux, et Billon ne fera pas exception à la règle », ajoute ce même cadre. À ceux qui
laissent entendre qu’il n’a pas la carrure pour être chef de l’État, Billon répondait déjà, en octobre 2022, avec assurance : « J’ai gagné toutes
les élections auxquelles j’ai participé. Nous ferons gagner le PDCI. »

Aventure solitaire
En attendant la convention d’investiture de son parti, Billon se prépare et organise ses soutiens. Sa proximité avec certains jeunes députés et
certains mouvements de jeunesse qui, tel le mouvement Marée verte, souhaitent faire bouger les lignes au PDCI, sont l’un des atouts sur
lesquels il compte capitaliser. Quant aux cadres du parti qui le soutiennent, ceux-ci font, pour l’heure, « profil bas par peur de représailles »,
précise l’intéressé. Lors de la polémique sur la limite d’âge pour être candidat à la présidence, plusieurs jeunes députés partageaient son avis
mais aucun ne l’a soutenu publiquement. Dans un vieux parti comme le PDCI, les chantres du changement sont souvent mis au ban.
Sans relais officiels en interne, sa candidature ressemble davantage, pour le moment, à une aventure solitaire. Et ce ne sont pas les
mouvements comme « Pierre d’angle de Jean-Louis Billon » ou « Jeunesse Jean-Louis Billon », qui s’activent en sa faveur sur les réseaux
sociaux, qui parviennent à modifier cette perception. Beaucoup estiment que le député de Dabakala devra en faire beaucoup plus pour
obtenir le nombre de parrainages de citoyens (au moins 1% du corps électoral) nécessaire pour pouvoir se présenter et développer son résea
sur tout le territoire.
Sur le plan international, Billon a régulièrement des échanges avec les chancelleries occidentales, qui le voient plutôt d’un bon œil. Sa
stratégie ? Entretenir son image de personnalité non clivante pour rassembler. « Tout en ayant été parfois très critique [à l’égard de leur
gestion], j’ai la chance d’avoir eu de bonnes relations avec Bédié, Gbagbo ou Ouattara. J’ai toujours privilégié le dialogue », dit-il. À la mi-
mars, il a entamé une tournée discrète, qui le mènera dans tous les départements du pays à la rencontre des leaders d’opinion locaux. Pour
Jean-Louis Billon, la campagne a déjà commencé.

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