Par Michel Koffi
Il ne se passe guère de jour sans que l’on porte des critiques, souventes fois véhémentes, les unes après les autres, sur la politique de gestion des villes et communes des autorités municipales de notre pays. Notamment sur leur trop grande propension à transformer laidement les communes en de vastes marchés où le tout commerce prime sur tout.
Résultat de tout ce bazar vu comme projet de développement ? D’une ville à l’autre, ces mêmes réflexes, ce même visuel: de vilains petits marchés, sans goût, avec le même désordre, à l’architecture commune et quelconque aux entrées, aux sorties, en plein cœur de la cité, autour des maisons d’habitation, si ce ne sont pas dans les cours.
Dans ce décor de marchés sales et bruyants, l’on distingue difficilement, évidemment, les concessions des lieux de commerce, en fait des cages en fer de toutes les couleurs qui défigurent le quartier.
Jamais, l’on n’y verra un espace vert, visiblement vert, si ce ne sont pas des lieux de garage autos avec leurs parcs de vieux tacots qui polluent l’environnement; si ce ne sont pas encore des lieux qui servent de terrains de sport quelconques.
Quand on y ajoute ce qu’on sait si bien créer: la saleté et toutes sortes de bruits nocturnes et diurnes, la boucle se referme sur des décors de villes impossibles, où les seuls responsables deviennent les autorités administratives, politiques et municipales. Les pauvres ! Comme c’est si facile de les incriminer…
Car, quand on a vite fait de les incriminer, de faire l’état des lieux qui ne les dédouane pas du tout, il y a aussi ceci que l’on oublie ou feint d’occulter, de peur de retrouver sa propre image dans ce laid miroir de nos cités : le comportement exécrable, inadmissible, incompréhensible des populations dans les cités. Qui jettent tout, sauf leurs jetons, dans les caniveaux – on y jette même, geste abominable ! des bébés qu’on n’a pas désirés- pour les boucher.
On s’en fout. Même quand les fenêtres de leurs maisons sont juste à côté des caniveaux. Ce sont même les premiers à les remplir de leurs saletés de tous ordres.
Que peuvent-elles faire, les autorités municipales face à ces défauts fixes, ces comportements des populations qui sont, elles-mêmes, des semeuses de saletés ? Que peuvent-elles faire, diantre, ces autorités, quand partout, des hommes et enfants, d’âge mûr, les enfants les imitant, croient à tort que la propreté d’une ville relève exclusivement de l’autorité municipale ? Que d’elle seule dépend la propreté de la cité ? C’est vrai, dans l’absolu.
Mais toi, mon frère, ma sœur, quand chaque jour, sans gêne, tu remplis les caniveaux de tes ordures; tu salis, sans gêne encore, la voie par ton mauvais comportement; quand, chaque jour, ce qui ne te sert plus du tout, tu le projettes dans la rue, que peut-elle faire, une autorité municipale, même avec de gros moyens, face à tant de défauts fixes qui paraissent normaux ?
J’étais, la semaine dernière, dans une commune de la capitale, ce que j’y ai vu, aux abords du marché et dans les quartiers, partout, presque, est sidérant. Et écœurant. Même si bon nombre de nos maires ou de gestionnaires de nos villes ne sont pas des poètes de l’environnement ou ne se foulent pas la rate pour créer la poéticité de l’espace, franchement, il y a de quoi les plaindre.
Tout se passe comme si chaque individu de la cité, chaque jour au réveil, avait décidé de célébrer de manière inconsciente, sans gêne aucune, le culte mortel de la saleté. Sinon, comment expliquer tous ces comportements : le conducteur du véhicule qui baisse sa vitre et jette son mégot ; la vendeuse de galettes qui en fait autant, jetant sur l’asphalte l’eau usée; son client, de même, lui aussi, le plastique- interdit mais utilisé – dans lequel elle y a mis ses beignets ; le vendeur de garba, choukouya et autres aux abords des routes, les garages et les huiles noires, qui en font de même ; les ramasseurs des ordures qui en créent d’autres aussi en les ramassant à contrecœur – les pauvres, ils n’en peuvent plus !
Quand on ajoute la… saleté sonore, qui tympanise à souhait, à ce catalogue de nos inconséquences, on a, au total, des villes à notre image. Et quoique fasse ou fera un maire, le résultat restera le même : la saleté permanente, le désordre permanent d’une ville à l’autre, si l’on ne rompt pas en visière avec ces actes. C’est ensemble que l’on rend propre une ville, sous l’autorité rigide, non feinte, des maires.
Tenez, il a suffi que Yamoussoukro accueille la remise du Prix Félix Houphouët-Boigny, récemment, pour que les autorités nettoient la ville et la débarrasse des marchés qui la ceinturent.
C’est à plaindre, même si les autorités municipales sont à plaindre. Mais leur trop grand laxisme, – le laisser-aller, le laisser-faire -, partout, les rend aussi complices du règne de la saleté.
Dire qu’il y a des autorités municipales qui croient, à tort justement, qu’en montrant en images, en couleur, des pelletées de petites réalisations dans leurs communes, cela efface, tout d’un coup, l’image de villes-poubelles rampantes que les administrés développent, sous leur regard impuissant.
Pauvre de nous !
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