Le mardi 21 février 2023, le Président tunisien, Kaïs Saïed s’en est pris violemment aux subsahariens lors de la tenue du conseil de sécurité national. Il a ainsi prôné des «mesures urgentes» contre l’immigration clandestine dans son pays, affirmant que la présence de migrants africains subsahariens était source de «violence, de crimes et d’actes inacceptables» et qu’il fallait mettre fin à l’arrivée de «hordes des migrants clandestins». Pis, il a soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une «entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie», afin de la transformer en un pays «africain seulement» et estomper son caractère «arabo-musulman».
Ces propos haineux et racistes de Kaïs Saïed viennent ainsi entacher la dignité et l’intégrité de tout migrant dont les droits et libertés doivent être respectés et préservés. Ils tirent d’ailleurs leurs fondements dans la Déclaration universelle des droits de l’homme qui garantit solennellement l’égalité entre les indvidus et le principe de non discrimination. Ce texte protège tout individu contre la torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) s’inscrit dans la même logique que ladite déclaration. Selon elle, toute personne a le droit de circuler librement, de chercher ou de bénéficier d’un asile devant la persécution. Dans son article 12, la CADHP relève que “toute personne à le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.”
Dans la même veine, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, en son article 2, dispose que: «Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
Ce discours dangereux du Président tunisien est par ailleurs source de désintégration des peuples africains unis par l’histoire, l’espace géographique et qui se sont construits au fil des années à travers un métissage culturel, ethnique, et linguistique. Ces propos contredisent et violent les principes d’intégration africaine prônés par l’UA dont la Tunisie est membre.
AfricTivistes condamne fermement cette posture indigne du Président tunisien qui renseigne encore de son bas niveau de culture et de connaissance de la marche du monde. Nous estimons que ce discours dangereux n’a de place dans aucun pays du monde encore moins dans un pays africain et à l’encontre de ses fils et filles fussent-ils de quelques couleurs de peau.
Il faut noter par ailleurs que ce drame remet sur la table la question de la politique migratoire en Afrique et l’impérieuse nécessité de respecter les droits fondamentaux des migrants subsahariens.
Les migrants subsahariens vivent une situation dramatique en Tunisie où ils sont souvent arrêtés de façon arbitraire et systématique et menacés d’expulsion. Ils sont souvent victimes d’agressions verbales et racistes sur les médias et les réseaux sociaux sous le regard complice de l’Etat tunisien qui veut saisir la problématique migratoire pour cacher ses défaillances dans la gestion des politiques publiques.
A noter que ce discours de haine se répand dangereusement dans la société tunisienne et qu’il est porté par des partis nationalistes et des médias.
Leur propagande est moulée sous un tissu de mensonges afin de construire un narratif poussant à détester les subsahariens. Or, les statistiques formelles estime le nombre de migrants subsahariens présents sur le sol tunisien est de 22000 sur une population de 12 millions de Tunisiens, ce qui représente 0.2 % au total. Pendant ce temps, des chiffres officiels italiens renseignent que plus de 32.000 migrants, dont 18.000 Tunisiens sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie en 2022.
AfricTivistes manifeste tout son depit face au spectacle desolant des dirigeants et intellectuels africains qui adoptent ce discours raciste et xénophobe entretenu jusque-là par les partis d’extrême droite en Europe. Nous trouvons dégradant et révoltant ces genres de propos contre nos frères migrants subsahariens qui, au contraire, doivent être protégés.
AfricTivistes rappelle ainsi le statut sacré de la vie humaine et la responsabilité des autorités politiques à veiller à la sécurité des candidats à l’immigration; mais aussi à condamner systématiquement les menaces et atteintes à leurs droits et à leur intégrité.
Nous estimons que la sortie du Président tunisien doit être condamnée par tous les Etats africains et les institutions africaines. Kaïs Saïed doit être rappelé à l’ordre afin que cela serve d’exemple à toutes les personnes qui veulent diviser l’Afrique à travers des discours racistes et haineux.
Nous réclamons des excuses publiques de la part du chef de l’Etat tunisien.
Nous exigeons de la Tunisie le respect des textes et conventions internationales sur les droits de l’Homme et les droits des migrants. Nous invitons les partis politiques tunisiens nationalistes, les acteurs des médias, bref tous les acteurs de l’espace public, à mettre en avant l’humanité et l’acceptation de l’autre dans leurs différentes actions.
Encore une fois, nous appelons les forces vives africaines à se réunir au plus vite pour mener des discussions sérieuses sur le traitement horrible que subissent les migrants et les conséquences désastreuses de la migration dans le continent.
Nous invitons l’Union africaine (Ua), conformément à sa vision «d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale », à interpeller directement le Président tunisien sur la question.
Nous demandons en définitive à l’Ua de rappeler à Kaïs Saïed certains de ses objectifs bien déclinés dans L’Acte constitutif de l’organisation consistant entre autres à : Réaliser une plus grande unité et solidarité entre les pays africains et entre les peuples d’Afrique; Accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent; Promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme; Promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines;.
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