L’abbé Joseph Kacou Aka, prêtre du diocèse de Grand-Bassam, a été ordonné évêque de Yamoussoukro, le 18 février 2023. Certains se sont demandé pourquoi le cinquième évêque de la capitale politique ivoirienne a choisi comme consécrateur principal le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (RDC) alors que les deux co-consécrateurs (Mgr Siméon Ahouanan Djro et Mgr Raymond Ahoua) sont ivoiriens.
« Aujourd´hui, l’Eglise famille de Dieu tout entière est en fête. Aujourd’hui, le diocèse de Yamoussoukro accueille avec joie et gratitude son nouveau Pasteur, S.E. Mgr Joseph Kacou AKA, que Sa Sainteté le Pape François a nommé Evêque depuis le 28 décembre 2022. » pic.twitter.com/rWuv80sJJu
— Cardinal Fridolin Ambongo Besungu (@TataCardinal) February 18, 2023
C’est le nouvel évêque qui choisit les évêques qui vont l’ordonner. Pourquoi Joseph Aka a-t- il décidé d’être “consacré “ par Mgr Ambongo ? Peut-être pour affirmer la catholicité (universalité) de l’Église, pour signifier qu’il ne veut s’enfermer ni dans son ethnie ni dans son pays.
Joseph Aka a été pendant dix ans secrétaire de la CERAO qui regroupe tous les évêques francophones et anglophones de l’Afrique occidentale. Cette CERAO est une composante du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) dont Mgr Ambongo a été le premier vice-président. Elle participe donc aux réunions du SCEAM. On peut penser que c’est dans ce cadre qu’Aka a rencontré Ambongo.
La dernière raison pour laquelle Ambongo a été choisi, c’est son franc-parler qu’il a en commun avec le cardinal Laurent Monsengwo, celui-là même qui le fit venir de Mbandaka-
Bikoro à Kinshasa. Monsengwo ne mâchait pas ses mots. Sa déclaration du 2 janvier 2018 est
restée dans toutes les mémoires congolaises :” Il est temps que les médiocres dégagent et que
règnent la paix et la justice en RDC.” Monsengwo s’adressait à Joseph Kabila qui voulait
briguer un troisième mandat à la tête du pays. Cette liberté de ton que tout le monde
reconnaissait à l’ancien président de la Conférence nationale souveraine a commencé avec
les Joseph-Albert Malula (Kinshasa), Eugène Kabanga (Lubumbashi), Martin-Léonard
Bakole Wa Ilunga (Kananga) et d’autres.
Une fois installé dans le fauteuil laissé vacant par Monsengwo, Ambongo ne tarda pas à
parler crûment, à critiquer les dérives et abus du régime Tshisekei. Ecclésiaste a beau
conseiller qu’il y a un temps pour parler et un temps pour se taire, Ambongo n’est pas du
genre à se taire longtemps ni à user de formules diplomatiques pour se prononcer sur les
injustices et mensonges. Par exemple, en octobre 2022, il dénonça les pressions et la
corruption ayant mené au choix de Denis Kadima comme président de la Commission
électorale nationale indépendante. Peut-être Mgr Joseph Aka a-t-il été séduit par le
prophétisme du cardinal congolais.
Pour avoir parlé vrai, haut et fort en décembre 2013 comme les prophètes Osée, Amos,
Jérémie, Ézéchiel ou Jean Baptiste, pour avoir interpellé vivement Ouattara et Bédié dont le
comportement, d’après lui, n’avait rien à voir avec la philosophie d’Houphouët, pour avoir
regretté que des gens se disent houphouëtistes sans avoir son esprit puisqu’ils « préfèrent la
guerre à la paix, le mensonge à la vérité, l’aumône au travail », Mgr Marcellin Kouadio fut
muté à Daloa. Sa hiérarchie venait ainsi de le sanctionner comme si la vérité faisait peur au
Vatican et aux évêques de Côte d’Ivoire.
Lors de sa prise de parole, Mgr Ambongo a exhorté le nouvel évêque à « veiller sur le
troupeau de Dieu qui lui est confié, non pour un gain sordide mais avec l’élan du cœur, à
supplanter sans cesse l’instinct de domination pour vivre sa charge comme un service, à
cultiver une proximité avec ses fidèles ». Il lui a rappelé qu’un évêque ne doit pas avoir peur
de parler au nom de Dieu ni de prendre position, qu’il est un prophète, qu’il doit jouer un rôle
de veilleur et d’éveilleur des consciences. Mgr Joseph Aka sera-t-il ce prophète-là malgré les
cadeaux que Ouattara et son gouvernement se sont empressés de lui offrir ? Le
laissera-t-on critiquer les abus du régime Ouattara ? Sa bouche sera-t-elle “la bouche des
malheurs qui n’ont point de bouche” (Aimé Césaire) ? Bref, Aka marchera-t-il sur les pas
d’Ambongo ?
Jean-Claude DJEREKE
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