Motobé, village de la région de La Mé, département d’Alépé et sous-préfecture d’Oghlwapo était en ébullition, avec un sit-in le samedi 15 janvier 2023. Ce, afin de dénoncer la présence d’un opérateur économique et lancer un appel au Président Alassane Ouattara. « Notre marche est diligentée contre Monsieur Khodor Bourgi avec ses différentes sociétés comme CARLA immobilier et LGIBTP », a introduit Odjé Paterne, le président des jeunes.
Au cours de cette journée de protestation, le bureau de la jeunesse, la chefferie et la présidence du comité villageois de gestion du foncier rural de Motobé ont dénoncé la présence de l’opérateur économique Khodor Bourgi sur leur terre. Celui-ci a donné sa version des faits à Afriksoir.
LES GRIEFS
Les raisons de l’opposition des villageois ont été dévoilées par la jeunesse. « Sans convention avec les villageois, il a introduit des Arrêtés de Concessions Définitives (ACD) à son profit. Nous faisons le constat que tous les papiers effectués sont contre l’avenir de Motobé. Il n’y a aucune convention reconnue avec le village. En outre, les conclusions de l’enquête d’incommodo ouverte à la sous-préfecture de Oghlwapo font mention d’opposition par voie d’huissier par le village de Motobé. Nous ne pouvons pas accepter que sans levée de ces oppositions, quiconque se réclame propriétaire. Les prétendues conventions avec l’ancien chef, démis de son poste par le préfet à cause justement de malversations au sujet des terres du village, ne sont ni reconnues, ni acceptables », a soutenu le président des jeunes.
« Nous implorons le président de la République, SEM Alassane Ouattara, le Premier ministre Patrick Achi de nous venir au secours, car non seulement nous ne reconnaissons pas cet opérateur qui veut opérer une OPA sur les terres entières du village, mais celui-ci s’arroge le droit d’engager une procédure d’annulation de plusieurs lotissements fait au nom du village auprès du Conseil d’Etat, pour espérer devenir propriétaire de nos terres. Des lotissements dont le village a reçu les guides et attestations coutumières de la Société Obrou Services. Cela est impensable et inaccessible », a-t-il interpelé.
Se prononçant sur le sujet, le chef résident, Allouan Agré a dit sa part de vérité, rajoutant aux griefs des jeunes. « Je suis le chef résident de Motobé, nous connaissons les opérateurs qui rentrent dans le village tout simplement parce qu’ils nous font parvenir les dossiers qui identifient leur présence sur nos terres mais l’opérateur du nom de Bourgi, je ne le connais pas. Je ne sais même pas qui lui a donné le terrain. J’invite le gouvernement à se pencher sur cette affaire parce que nous, nous sommes ici chez nous. On ne peut pas prendre nos terres sans nous aviser. En tant que chef résident de Motobé, je ne peux pas laisser faire. Je supplie le Président de la République de diligenter une enquête sur les méthodes de certains opérateurs économiques dans notre localité », a plaidé le chef résident.
Jean Claude Aouchou, secrétaire général de la chefferie de Motobé s’est aligné, lui aussi, sur les propos du chef résident, et a relevé qu’un tel projet ne peut être accepté à Motobé. « Des informations qui nous parviennent de l’administration, ce sont 3000 hectares au total sur lesquels des demandes d’ACD ont été introduites, par blocs de dizaines et centaines d’hectares. Nous ne pouvons accepter cela, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Prendre nos terres sans une seule fois avoir mis les pieds dans ledit village pour négocier ses terres. Nous ne pouvons l’accepter. C’est pourquoi ce matin nous nous sommes levés comme un seul homme, femmes, jeunes et enfants contre ces méfaits. Nous ne pouvons pas l’accepter et nous invitons l’administration ivoirienne à ne pas entrer dans ce jeu. Monsieur le Président Alassane Ouattara, venez-nous au secours », a-t-il indiqué.
REACTION DU GROUPE BOURGI
Thierry Arnaud, responsable juridique du groupe Bourgi, contacté par Afriksoir, a donné la version de l’entreprise. Il a démenti le fait que le groupe soit dans le village sans avoir obtenu de convention.
«Effectivement, le groupe est en partenariat avec la communauté villageoise de Motobé. Ce partenariat est régulièrement convenu par devant un notaire », a-t-il déclaré. Soulignant que ledit partenariat permet aux populations villageoises de bénéficier en contrepartie d’une parcelle de terrain avec un titre de propriété. « Le partenariat n’a pas porté sur 3000 hectares comme ils le disent. Au total il tourne autour de 300 hectares dont 200 hectares avec un arrêté de concession définitive (ACD) », a-t-il détaillé.
« Ce qui est bon à savoir c’est que cette parcelle fait l’objet de litige foncier qui est pendant devant le Conseil d’Etat. A côté de ce litige qui est pendant devant le Conseil d’Etat, le ministre de la Construction, dans le but de clarifier ce différend a mis une mesure de sursis à délivrance d’acte administratif, jusqu’à ce que le litige soit épuré pour qu’on puisse passer à la main levée de ce sursis », a encore réagi Thierry Arnaud.
Avant de préciser que le groupe Bourgi est favorable à l’apaisement dans cette localité voisine de Grand-Bassam et qui fait partie du Grand Abidjan. « Le Groupe Bourgi, dans l’optique de pouvoir apaiser dans l’intérêt de la communauté villageoise, est ouvert à recevoir tous ceux qui ont un intérêt là-bas pour qu’on en discute et qu’on clarifie », a-t-il ajouté.
Puis de conclure : « Nous n’avons pas d’intérêt à rentrer dans un conflit avec nos frères et sœurs de Motobé. Mieux, nous avons « ouï-dire » que la partie adverse aurait pris des badauds qui ne sont même pas de Motobé, afin de créer ces événements que nous avons pu constater le samedi. C’est pour le seul but de discréditer, ternir une image honorable du Groupe Bourgi dans ce conflit ».
Un partenariat signé avec un chef déchu que ne reconnaît ni l’administration, ni la notabilité aux affaires, à en croire le président des jeunes, lors du sit-in. « Un ancien chef de village de Motobé ne saurait à lui seul vendre les terres de notre village à un individu sans que le village n’ait jamais vu le concerné. Cela ne peut être accepté, d’autant que ni l’actuel chef, ni le bureau du foncier n’ont jamais vu ce fameux contrat », avait dénoncé le président des jeunes.
LE CHEF DE MOTOBE CONTREDIT BOURGI
Interrogé sur la présence de badauds lors de la manifestation, le président de la Mutuelle des cadres de Motobé, Agui Mathieu à déploré l’infantilisation de la communauté villageoise par le groupe qui est indésirable sur les terres du village.
« Dire que la chefferie de Motobé, les femmes et les jeunes qui ont manifesté leur mécontentement et qui se sont présentés à la presse, avec leurs identités, sont des badauds est une insulte à toute notre communauté. M. Bourgi établit des ACD en son nom, refuse de rendre compte à la communauté villageoise au sujet de ses activités sur nos terres, prétend même avoir acheté nos terres, parle d’avoir un partenariat avec le village, alors qu’il est en procès contre Motobé qui ne le reconnaît pas. Nos terres n’appartiennent pas aux opérateurs, mais plutôt à la communauté villageoise », s’est offusqué Agui Mathieu.
Nanan Bindje Ebikoi, chef du village de Motobé qui s’est déjà rendu à plusieurs reprises au palais de justice du Plateau pour défendre le patrimoine de son village face au Groupe Bourgi qui leur a intenté un procès, s’étonne que ce soit le village qui soit invité à aller négocier avec un prestataire avec lequel il n’a signé aucun document, concernant des terres dans son propre village.
« J’implore le Président Alassane Ouattara et le Premier ministre Patrick Achi », insiste-t-il.
En attendant que le chef de l’Etat Alassane Ouattara appelé au secours ou le Premier ministre Patrick Achi à qui il a été demandé de regarder de près cette affaire, la tension reste vive à Motobé où la communauté villageoise dénonce ce qu’elle qualifie de « spoliation ».
GRO
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