Trois projets majeurs concernant les énergies à bio-masse et les biocarburants font l’actualité en Côte d’Ivoire depuis un certain temps. Tout d’abord nous avons une centrale électrique à biomasse dans la région du Sud Comoé. Si les délais sont tenus, elle doit entrer en service en 2024. D’un coût de 129 milliards de FCFA, et d’une puissance de 46 MW, elle sera la plus grande centrale électrique à biomasse d’Afrique de l’Ouest. Une centrale à biomasse produit de l’électricité à partir des produits ou résidus agricoles ( ici le palmier à huile ). Ce projet est sur la table depuis 2014. La phase de construction de l’infrastructure était censée débuter en 2015, pour une entrée en production en 2018. Mais il a fallu cinq ans pour que l’Etat ivoirien et le consortium qui porte le projet s’accordent. C’est finalement en fin d’année 2019 que tout le monde est tombé d’accord autour de la table. Le cadre juridique, réglementaire, technique, commercial étant inexistant, il a fallu le créer dit-on au sein du gouvernement. Mais avait-on besoin de cinq ans pour cela ?
Le second projet d’importance, concerne une unité de production de biocarburant et biométhane à partir des résidus d’hévéa, et des huiles végétales. Ce projet est porté par un consortium suédois ( le groupe automobile SCANIA et Swedfund ) en partenariat avec l’ANADER et Total Energy Marketing. C’est en 2018 que les discussions ont commencé. Le 06 Octobre 2020, le Directeur Général de l’ANADER, annonce la construction de l’unité dans la région de Dabou, et parle d’une entrée en production en 2021, les études ayant validé la viabilité du projet. Pourtant il a fallu attendre plus de deux autres années, soit le 07 Juillet 2022, afin que la convention formalisant le projet soit enfin signée entre les trois partenaires, le temps que tout le monde autour de la table ( y compris l’Etat ivoirien ), s’accorde.
Troisième projet d’importance, la centrale à biomasse du côté de Divo, devant produire de l’électricité à partir des cabosses de cacao. L’étude a été financée en 2018 par l’USTDA ( l’agence américaine pour le développement du commerce ), à hauteur d’un million d’euros. Coût de l’investissement, 230 millions d’euros, soit environ 150 milliards ( à titre de comparaison le quatrième pont doit coûter 142 milliards de FCFA ). Le projet est porté par la SODEN ( société des énergies nouvelles ), une structure mise en place par un ivoirien avec l’aide d’investisseurs américains. La construction de l’installation devait débuter en 2020 pour une mise en production en 2023 !!! Elle doit être la première d’une série de neuf autres qui seront implantées dans les principales régions de production de cacao.
Ce sont trois projets emblématiques sur l’état de cette industrie en Côte d’ivoire. S’il faut se féliciter de l’état d’avancement des travaux de la centrale à biomasse dans le Sud Comoé, pour les deux autres projets, le brouillard reste encore épais. Ce qu’il y a lieu de noter, ce sont les pesanteurs qui affectent le processus de validation de ces investissements. Cinq longues années ont été nécessaires à l’Etat pour valider le projet de la centrale d’Aboisso. Quant au second projet, il est aussi validé après environ cinq années de discussion. Le troisième projet selon toute vraisemblance n’a pas encore obtenu le « ok final ».
Il convient de dénoncer la lenteur qui prévaut pour la validation définitive de tels projets. A titre de comparaison, pour la centrale d’Azito, l’un des tout premiers partenariat-public-privé en Côte d’Ivoire, les discussions ont débuté en 1996, ont duré moins d’une année, et la mise en service de l’infrastructure est intervenue en 1998. Le pont HKB a lui aussi suivi ce schéma, des discussions commencées en 1996, avec un début des travaux en 1998, des travaux toutefois arrêtés en 2000 du fait de l’instabilité politique. C’est dire qu’on peut aller vite pour valider de tels projets.
Les autorités ivoiriennes sont actuellement en train de faire le forcing auprès du groupe pétrolier italien ENI pour une entrée en production en 2024, du gisement « baleine » découvert au large des côtes ivoiriennes il y a deux ans. L’exploitation de ce champ pétrolier va changer la donne en Côte d’Ivoire selon ce qui se dit. On aimerait voir le gouvernement ivoirien mettre une pression similaire sur les acteurs intervenant dans les projets de bio-masse. Si le pétrole, et en général les minerais, permettent aux gouvernements africains de percevoir des taxes et redevances, ces matières ne produisent pas de filières en tant que telles dans le pays, contrairement aux produits agricoles, qui ont un impact plus profond sur l’économie.
La production d’énergie et de carburant à partir de la biomasse va créer de nouveaux débouchés pour nos produits, de nouvelles filières vont se mettre en place. Si ces premiers investissements s’avèrent concluants, comme le montrent les études, ils seront dupliqués ailleurs dans tout le pays, et même ailleurs en Afrique là où nous avons ces mêmes cultures. Il en découlera de l’activité, de l’emploi et des ressources supérieures à ceux que fournira l’exploitation pétrolière ou gazière du gisement « baleine ». L’enjeu est hautement important.
D’autre part, la première centrale solaire du pays va probablement entrer en production en ce début d’année 2023, du côté de Boundiali, selon une annonce faite le 15 Décembre 2022 par le Directeur de Côte d’Ivoire Energy. C’est une bonne chose. Mais entre une centrale solaire, une centrale éolienne, et une centrale à biomasse, pour un pays agricole comme la Côte d’Ivoire, le choix est vite fait. Les énergies à biomasse représentent une nouvelle opportunité pour la Côte d’Ivoire, un pays dont le point fort est l’agriculture, et qui a donc une importante carte à jouer dans ce secteur. L’Etat ivoirien doit se montrer plus pro-actif, plus agressif, il doit accélérer sur la question. Un nouveau décollage économique sera effectif lorsque ce potentiel sera pleinement exploité.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
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