« On se cache souvent pour téléphoner rapidement, là où il n’y a pas de caméra de surveillance ni de policier », reconnaît Hamed, chauffeur de taxi. Il précise toutefois qu’il le fait quand il s’agit d’un appel urgent. Ainsi, neuf ans après son adoption par l’Etat de Côte d’Ivoire, les automobilistes continuent de fouler au pied, le décret interdisant l’usage du téléphone au volant. Une disposition dont ils connaissent pourtant l’existence.
« En décembre 2022, un véhicule m’a percuté par l’arrière. Et il se trouvait qu’il était en communication téléphonique au moment des faits », nous confié un officier de police. Heureusement l’accident n’a pas été grave. Le chauffeur fautif a présenté ses excuses. Le policier a laissé tomber l’affaire.
Un autre cas de non-respect du décret interdisant l’usage du téléphone au volant a été constaté dans la commune de Marcory à hauteur de l’église catholique Ste Thérèse. Kouassi Loukou Alain a été interpellé par un sergent de police, alors qu’il était en communication téléphonique au volant de son véhicule. L’homme, plutôt que de reconnaître sa faute, s’est mis à agresser l’agent de police. Ce comportement lui a valu 20 mois de prison. Au niveau du carrefour de l’Indénié, à Adjamé, il y a eu un accrochage entre un véhicule de transport en commun et un véhicule personnel en début de cette semaine. Le conducteur de la voiture personnelle était au téléphone. Son manque d’attention est à l’origine de cet accident, selon les témoins de la scène.
Bien d’autres cas de non-respect de la loi sont constatés chaque jour. Certains automobilistes reconnaissent leur tort. « La majorité des chauffeurs de Gbaka et taxi utilisaient beaucoup le téléphone au volant. Mais cela a diminué maintenant. Les chauffeurs se sont adaptés à la nouvelle disposition », soutient ce chauffeur rencontré dans une gare à Adjamé 220 logements. Selon lui, tous les automobilistes connaissent l’existence de la loi interdisant le téléphone au volant.
D’autres relèvent l’utilité du décret. « La loi est bonne. Car, en réalité, quand on communique au volant, on n’est pas concentré. Une petite fraction de seconde d’inattention suffit pour provoquer un accident », explique M. B.
Corruption
La violation récurrente de l’interdiction de l’utilisation du téléphone au volant est, à en croire ces témoignages, en partie liée à la corruption. En effet M. B., chauffeur de taxi révèle : « le policier m’a dit que le port des accessoires de téléphone est interdit au volant. Je ne sais pas si c’est écrit dans la loi. Mais quand il a vu les écouteurs à mes oreilles, il m’a interpellé. Il m’a pris 2 000 F CFA. Je n’étais pas en train de communiquer », explique-t-il. Dans ce cas, indique un source policière, si le policier avait appliqué la loi, le chauffeur devait s’acquitter d’une amende de 10 000 F CFA à verser au bureau des contraventions et des amendes à la préfecture de police d’Abidjan.
Un autre automobiliste reconnaît que la loi n’est pas toujours appliquée sur le terrain. « En principe, la contravention se paie à la préfecture de police. Mais en réalité, ça se règle très souvent sur le terrain, en ce qui concerne les cas d’infraction portant sur l’usage du téléphone au volant », confie-t-il. Ce qui veut clairement dire que les automobilistes négocient directement avec les éléments des forces de l’ordre qui les interpellent sur l’infraction.
Le ministère des transports pour sa part, à travers la police spéciale de la sécurité routière (Pssr), mène des opérations d’envergure à travers Abidjan, en vue de faire respecter les dispositions du code de la route. Et les chiffres de ces opérations sont régulièrement rendus publiques. Ainsi, le dernier bilan publié par la Pssr est celui du 1er au 30 novembre 2022. Les opérations menées, au cours de cette période, ont permis d’interpeller 20 conducteurs pour usage du téléphone au volant. Ce chiffre reste généralement inférieur à ceux des autres infractions, telles que l’excès de vitesse pour lequel 4 464 véhicules ont été interceptés pendant le mois de novembre 2022, et le défaut de visite technique (30 véhicules).
Diomandé Karamoko
Encadré
«Toute personne en situation de conduite automobile…»
Le décret 2013-711 du 18 octobre 2013 adopté en conseil des ministres stipule, en son article 2 : « Il est interdit, à toute personne en situation de conduite automobile, l’usage du téléphone portable et de tout autre moyen de communication ».
Les forces de l’ordre et de sécurité, les agents de secours et d’assistance médicale ou toute personne assimilée, ne sont pas concernés par cette interdiction.
L’article 3 définit la sanction en ces termes : « Constitue une contravention de deuxième classe et est puni d’une amende administrative de 10 000 F CFA, le non-respect de l’interdiction mentionnée à l’article 2 ».
Quiconque commet au cours d’une période de trois mois suivant la première infraction, explique l’article 4, trois autres contraventions de la même nature est passible d’une sanction allant de la suspension au retrait du permis de conduire.
Diomandé Karamoko
Lebanco.net
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