La méfiance est grande entre Mabri Toikeusse et les cadres du parti présidentiel depuis son retour officiel le 08 Septembre dernier 2022. On dit de lui qu’il serait revenu « avec sa tête et non son cœur ». L’homme n’est toujours pas entré au gouvernement, de même ses lieutenants n’ont pas encore été nommés dans aucune grosse structure. Manifestement tout n’est pas réglé avec ce retour.
Le 12 Mars 2020, lorsque feue le Premier-Ministre Amadou Gon Coulibaly était officiellement choisi pour porter les couleurs du Rhdp à la présidentielle d’Octobre 2020, Mabri Toikeusse était demeuré assis, le visage fermé, alors que toute la salle ( y compris le Président Ouattara ) s’était levée pour ovationner l’homme. C’était clairement un acte de défiance. Prenant la parole, après que tous les intervenants eurent félicité l’élu du jour, Mabri Toikeusse s’adressa directement au président à qui il demanda « d’œuvrer à unir les enfants d’Houphouet, par le dialogue et la concertation. Car la division n’arrange personne »
En réalité, ce n’était pas des paroles fortuites. Conscient qu’il ne serait jamais choisi comme candidat du parti au pouvoir, Mabri Toikeusse négociait la Primature, à défaut la Vice-Présidence. Afin que sa demande soit « recevable » et examinée en « temps opportun », on lui avait demandé deux choses, apporter clairement son soutien à Gon Coulibaly, et dissoudre l’UDPCI dans le parti présidentiel. Mais l’homme s’y refusait tant qu’on ne lui donnait pas des « garanties claires » sur les postes qu’il convoitait.
Ainsi Mabri Toikeusse continuait ouvertement de mener ses préparatifs pour la présidentielle d’octobre 2020. Même s’il ne se prononçait pas clairement sur la question, ces proches ne se gênaient pas de le faire. Il est alors débarqué du gouvernement en Mai 2020, et de son poste de vice-président du Rhdp par la suite. Ses fidèles sont ensuite limogés des fonctions qu’ils occupaient dans les grosses structures étatiques. Le 02 Août 2020, l’UDPCI annonce officiellement son retrait du RHDP, et en Septembre 2020 Mabri Toikeusse rejoint la plate-forme de l’opposition autour du Président Bédié. Sa candidature est cependant rejetée par le Conseil Constitutionnel.
La suite est connue. Le Président Ouattara décide de se représenter à la suite au décès de Gon Coulibaly. Des troubles éclatent. Dès la proclamation des résultats, l’opposition annonce le 02 Octobre 2020 la création d’un « Conseil National de Transition ». Mais le lendemain, la police investit le domicile du Président Bédié qui a servi de cadre à cette annonce, les leaders de l’opposition sont alors activement recherchés. Affi N’Guessan est arrêté, Mabri Toikeusse reste introuvable, parti pour le Ghana selon la rumeur. Deux mois plus tard, suite à la décrispation politique, l’homme s’affiche dans les médias, preuve qu’il a obtenu des garanties qu’il ne serait pas arrêté. Sa première sortie officielle est une visite au Président Bédié en Janvier 2021. Puis l’homme est reçu en mars 2021 au Palais présidentiel par le Président Ouattara.
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La presse dans son ensemble juge peu crédible la sincérité de Mabri Toikeusse sur
les motivations réelles de son retour dans le camp présidentiel. Ci-dessus l’une des
nombreuses caricatures publiées à cet effet.
Beaucoup l’ignorent, Mabri Toikeusse communique directement avec le Président sans passer par le protocole ou l’entourage de l’homme. Cela tient au fait qu’en 2003, dans le cadre des « accords de Marcoussis », et plus tard la mise en place du Rhdp, les deux hommes traitaient « d’égal à égal », étant chacun président d’un parti de cette plate-forme. Cet esprit est demeuré dans le cadre des relations qu’ils entretiennent. Mabri Toikeusse dit toujours ouvertement « qu’il ne doit pas sa carrière politique au Président Ouattara ». Il n’ a pas de complexe vis-à-vis de l’homme, contrairement à d’autres. Ainsi pour son retour au Rhdp, Mabri Toikeusse a traité directement avec le Président. Le 08 Septembre 2022, est officialisé ce retour au rhdp lors d’une audience que lui accorde le Président à son domicile.
Le problème, c’est que les deux hommes n’ont pas associé leur parti dans la démarche, leurs collaborateurs ont été mis devant le fait accompli. Au sortir de l’audience, le président déclare que « les cadres du Rhdp doivent se rapprocher de Mabri Toikeusse afin de travailler au rayonnement du parti ». Quant à l’UDPCI, le bureau politique s’est réuni le 17 Septembre pour statuer sur ce retour. La réunion fut houleuse dit-on. Dans le communiqué final, il est demandé au Président du parti Mabri Toikeusse d’œuvrer au » retour ordonné » de l’UDPCI au sein du Rhdp. Le mot dissolution n’apparaît nulle part, alors que c’est une exigence mise en avant par les cadres du Rhdp, pour qui Mabri Toikeusse doit dissoudre l’udpci pour attester de sa sincérité. C’est un vieux contentieux, le principal point d’achoppement aujourd’hui. Mabri Toikeusse doit donner des gages de son appartenance au Rhdp en dissolvant l’Udpci, ce à quoi il s’y refuse.
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Mabri Toikeusse lors d’un meeting à Man. Il faut dire que l’homme tient fermement
l’Ouest Montagneux. Ses meetings rassemblent du monde, ce qui le conforte dans
ses ambitions au niveau national, selon ceux qui fréquentent l’homme.
Mabri Toikeusse est taxé d’opportuniste depuis son retour « en famille ». On dit qu’il serait revenu par « pur calculs ». Financièrement d’abord, l’homme est accusé d’être venu se renflouer, renflouer les caisses de l’UDPCI mal en point après deux années dans l’opposition. Beaucoup de cadres de l’udpci sont aussi sans fonction depuis lors, il faut les « caser ». Mabri Toikeusse est aussi accusé de n’ avoir pas abandonné ses ambitions, notamment la primature qu’il convoite toujours, et de manquer d’humilité. Rares aujourd’hui sont ceux qui lui adressent la parole dans le camp présidentiel. L’homme n’assiste pratiquement pas aux réunions.
Une chose reste certaine. Mabri Toikeusse ne va jamais dissoudre l’UDPCI. Il usera toujours de ruse, de subterfuges pour se tirer d’affaires, et « jouer sur les deux tableaux ». Selon les indiscrétions, il semble que le Président Ouattara envisagerait pour lui un point de chute à l’extérieur, un schéma déjà vu avec Marcel Amon Tanoh, ce proche qui avait rejoint l’opposition avec fracas à la faveur de la présidentielle de 2020, mais qui a fait acte de contrition par la suite. Il a été nommé SG du Conseil de l’Entente, ce qui correspond à son « éloignement » de la vie politique ivoirienne. Pas sûr toutefois que Mabri Toikeusse accepte d’être ainsi écarté, lui qui rêve « grand ».
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
Le Cercle des Réflexions Libérales
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