L’Arabie Saoudite a réussi mardi 22 novembre une des plus belles performances de l’histoire de la Coupe du Monde en battant l’Argentine à Lusail (2-1). Au lendemain de cette victoire historique, Hervé Renard, le sélectionneur français des triples champions d’Asie, a accepté de se confier à Eurosport, alors qu’un match face à la Pologne s’annonce samedi.
Avez-vous pleinement pris conscience de la performance accomplie par votre sélection, face à un des favoris de cette Coupe du Monde ?
Hervé Renard : Nous avons réalisé quelque chose d’extraordinaire. Pas grand-monde ne s’attendait à cela, et ce succès a un grand retentissement médiatique. Beaucoup de gens s’intéressent à la sélection saoudienne. Au pays, il y a eu des scènes de liesse dans toutes les villes, mercredi a été décrété jour férié. Dans le stade de Lusail, où il y avait une très belle ambiance, il y avait des milliers de supporters saoudiens, c’était vraiment très fort, un superbe moment. Bien sûr qu’on se rend compte de notre performance. On a pu en profiter un peu dans le vestiaire, puis nous avons repris le bus pour regagner notre hôtel, à une heure de route. Le soir, il y a eu un entraînement avec les remplaçants. Et depuis, nous sommes totalement concentrés sur le match que nous allons disputer samedi face à la Pologne.
Revenons à la rencontre de mardi. L’Argentine marque rapidement grâce à un penalty de Messi, elle domine, se voit refuser quelques buts, et on aurait pu envisager le pire pour votre équipe…
H.R : Le fait que les Argentins marquent au bout de dix minutes a peut-être joué en notre faveur. Ils ont pu croire que ce serait assez facile face à une équipe présentée comme la plus faible du groupe. Et quelque part, ce n’est pas anormal. Nous, quand on affronte des équipes supposées moins fortes, il peut y avoir un excès de confiance. Alors, oui, il y a des choses qui ont été intéressantes en première période : on joue bien le hors-jeu, les joueurs sont disciplinés, volontaires, mais dans l’ensemble, je n’étais pas satisfait, notamment du pressing de mes attaquants sur la défense argentine.
Vous connaissant, on peut supposer que vous les avez un peu secoués à la mi-temps ?
H.R : Exactement. J’ai dit à tous mes joueurs qu’il fallait donner encore plus. J’ai demandé à certains s’ils étaient venus pour prendre des photos de Lionel Messi et regarder jouer les Argentins, où pour disputer une Coupe du Monde et rendre fier leur pays. Je connais bien mes joueurs, on travaille ensemble depuis trois ans. Je sais qu’ils ont parfois besoin d’être titillés, piqués même, qu’ils faut les mettre sous pression. C’est parfois usant, je l’avoue, mais ça fonctionne parfois très bien. Je savais que nous n’aurions pas beaucoup d’occasions, et qu’il faudrait se montrer très efficace.
Votre équipe a su profiter du délitement du jeu de l’Albiceleste. On a vu des sud-américains s’enferrer dans des excès d’individualisme. Avez-vous senti qu’il y avait quelque chose à faire ?
H.R : A partir du moment où nous étions concentrés, bien organisés, oui, nous avons profité de deux occasions pour marquer deux buts en cinq minutes (48e, 53e). Cette efficacité est venue au bon moment. Al-Dawsari marque ce second but magnifique, mais par le passé, il avait déjà inscrit des buts superbes. C’est un joueur atypique, capable de faire de très belles choses, très fort techniquement. Après avoir pris l’avantage, il fallait essayer de garder cet avantage. Les joueurs ont su conserver la même concentration, ils se sont battus sur tous les ballons, et au niveau athlétique, ils ont conservé la même intensité.
Ce résultat vous ouvre les portes d’une possible qualification, une performance accomplie en 1994. Mais est-ce que le plus difficile ne commence pas avec ce match face à la Pologne, qui a fait match nul contre le Mexique (0-0) après que Robert Lewandowski a manqué un penalty ?
H.R : Nous savons à quoi nous attendre avec la Pologne, une équipe solide, bien organisée et qui dispose d’un buteur exceptionnel, qui n’a besoin que d’une demie-occasion pour marquer. On va essayer de confirmer cette performance réussie contre l’Argentine, pour continuer à croire en nos chances de qualification. On espère faire au moins aussi bien que l’équipe de 1994. Bien sûr, si l’Arabie Saoudite est éliminée au premier tour, tout le monde trouvera ça normal. Mais avec le staff, avec les joueurs, on a envie que cette Coupe du Monde ne s’arrête pas à cette magnifique victoire contre une des favoris, contre l’équipe du meilleur joueur du monde. On a vécu une journée magnifique, pleine d’émotions, nous avons envie que cette Coupe du Monde soit belle. Nous n’avons pas de pression particulière. Le Prince Mohamed ben Salmane, avant la compétition, nous a simplement félicités pour notre qualification, que le peuple était fier en nous souhaitant le meilleur.
Votre équipe a passé plusieurs semaines en stage, en affrontant des adversaires aussi variés que la Macédoine du Nord (1-0), l’Islande (1-0), l’Albanie (1-1), le Honduras (0-0)…
H.R : Le championnat a été interrompu afin que nous puissions travailler, jouer des matches amicaux., pendant plus d’un mois. Le but n’était pas de se mettre en configuration Coupe du Monde, mais de travailler
tactiquement, physiquement, de bien se préparer. C’était bien de gagner quelques matches, mais ce qui comptait, c’était d’arriver en phase finale dans les meilleures conditions. On a battu l’Argentine, on a encore deux matches à jouer face à la Pologne et au Mexique, deux très bonnes équipes. Mais je suis content de constater que notre performance et celle du Japon contre l’Allemagne (2-1) prouvent la qualité du football asiatique, alors qu’il y a des gens qui disent que se qualifier quand on évolue dans la zone Asie est facile. L’Arabie Saoudite, c’est un vrai pays de football, avec un championnat de qualité, de très bons joueurs.
Avec l’Arabie Saoudite, Hervé Renard dispute un nouveau Mondial.Avec l’Arabie Saoudite, Hervé Renard dispute un nouveau Mondial.
Une victoire face à l’Argentine est-elle comparable émotionnellement à un succès en phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations, une compétition que vous avez remportée avec la Zambie en 2012 et la Côte d’Ivoire en 2015 ?
H.R : Franchement, oui. Les émotions se valent. La différence, c’est que la Coupe du Monde est beaucoup plus médiatisée qu’une CAN. J’ai pu mesurer l’écho de notre succès face aux argentins. Oui, ce sont des joies immenses et comparables !
Une victoire historique… et un jour férié décrété en Arabie SaouditeUne victoire historique… et un jour férié décrété en Arabie Saoudite
COUPE DU MONDE
Avec Eurosport.fr
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