Denis Kah Zion, maire de Toulépleu, délégué départemental du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda), membre du Secrétariat exécutif du parti de Bédié, également éditeur de presse, un proche parmi les proches de Henri Konan Bédié, est au coeur des arcanes de l’ancien parti au pouvoir. Dans cette interview, il aborde des questions qui fâchent, y compris celles qui touchent à la vie et au fonctionnement de son parti. Sans langue de bois.
Comment va le Pdci-Rda à Toulépleu ?
Denis Kah Zion. Je peux dire que le Pdci-Rda se porte très bien. La preuve, nous avons la gestion de la mairie depuis 2013. Nous totalisons donc 10 ans de gestion à la tête de la commune. Une gestion qui est du goût de nos parents. Nos sections et nos comités de base fonctionnent, ainsi que les structures spécialisées, notamment la Jpdci (Jeunesse du Pdci) et l’Ufpdci (Union des femmes du Pdci), tant au niveau de Toulépleu 1 que de Toulépleu 2. Il y a surtout la cohésion entre les deux délégués que nous sommes, mon aîné Gnoanhoulou Albert et moi. Je pense que tout va bien et nous préparons sereinement les futures échéances électorales de 2023.
Toulépleu compte 18 villages et 11 quartiers dans la commune et plus de 60 villages dans le département. Pensez-vous qu’avec seulement deux délégations, le Pdci-Rda peut occuper rationnellement le terrain ?
Je pense que l’appréciation doit se faire au niveau de la direction du parti. C’est vrai que le département de Toulépleu est vaste et on pourrait penser à une restructuration. Mais, retenez que nous avions une seule délégation. Et c’est sur notre propre proposition que la direction du parti a estimé qu’il fallait scinder Toulépleu en deux délégations, il y a quatre ans de cela. Il y a le prochain congrès qui va peut-être modifier les périmètres des délégations. Si cela arrivait, deux, trois, quatre ou cinq délégations, pourquoi pas, pourraient être créées. Parce que plus vous avez des délégations qui gèrent leurs zones avec plus de proximité, plus vous êtes efficaces. Mais, il faut tenir compte du nombre d’électeurs. Au niveau de Toulépleu, le nombre d’électeurs inscrits n’est pas élevé. Pour tout le département de Toulépleu, il y a moins de 20 000 électeurs. Donc, souvent, on tient compte de tous ces paramètres. Néanmoins, Toulépleu progresse et avance en termes d’électeurs inscrits, au niveau des populations. Nous étions à 55 000, aujourd’hui nous sommes à un peu plus de 100 000 personnes. Donc une restructuration est possible à ce niveau, au Pdci-Rda.
Comment vous organisez-vous pour aborder la prochaine échéance électorale ?
Je ne dévoilerai pas ici sur la place publique nos stratégies. Mais nous nous organisons pour aller à ces élections. D’abord, avec la révision de la liste électorale, nous nous organisons pour être présents sur le terrain. Nous devons inscrire massivement nos militants, assister tous ceux qui n’ont pas de papiers, aider ceux qui ont 18 ans à avoir leur document pour s’inscrire sur la liste électorale, ainsi que les nouveaux majeurs qui ont leurs papiers mais qui ne sont pas encore inscrits. Nous allons donc nous rendre bientôt sur le terrain, pour que, dans chaque compartiment, nos deux délégations soient présentes pour assister nos parents, jusqu’au 10 décembre 2022.
Sont-ce des élections qui vont se dérouler dans un environnement de rapprochement entre le Ppa-CI et le Pdci-Rda ? Est-ce qu’une liste commune des deux partis est envisageable ?
On peut aller en solo, on peut aller en liste commune, tout dépend de l’appréciation de la direction du parti. Nous sommes des militants disciplinés. Si la direction nous dit d’aller avec tel ou tel parti, nous y allons. Quand j’ai conduit la première liste en 2013 et puis la deuxième en 2018, sans même que la direction du parti me l’a demandé, j’ai composé une liste avec des frères qui ne sont pas forcément du Pdci-Rda mais qui ont accepté l’étiquette du Pdci-Rda. Parce que, pour gérer une commune, je pense qu’il faut la mise en commun de toutes les intelligences.
Quelle est la situation aujourd’hui dans le département après la montée des eaux qui ont coupé des routes et fait de nombreux dégâts ?
Le fleuve Cavally était sorti de son lit du côté de la sous-préfecture de Méo et nous sommes allés sur le terrain pour constater. Nous ne sommes pas allés pour chercher du buzz, contrairement à ce que certaines personnes ont dit. Il fallait toucher les réalités du doigt et prendre l’opinion à témoin sur le calvaire et la souffrance de nos parents. Nous étions porteurs des messages de tous les cadres et
élus, pour réconforter nos parents. En tant que maire et cadre du département, je suis parti aussi sensibiliser les piroguiers et faire la communication autour de ce fléau climatique. Et, je pense que mon message est passé. Récemment, la ministre de la Solidarité était à Guiglo et elle était porteuse du message du gouvernement avec des vivres. La question a été soulevée à l’Assemblée nationale par le député Kahiba Lambert qui a effectué le déplacement sur le terrain. Aujourd’hui, il faut trouver une solution définitive et durable à ce phénomène. Une grande famine s’annonce dans cette région et il faut trouver une solution. Du côté du fleuve Nuon, frontière naturelle avec le Liberia, il faut aussi envisager des solutions, à court et long terme en faveur des populations de cette zone.
Votre visite sentait-elle une volonté d’embarrasser madame la ministre Anne Désirée Ouloto, présidente du Conseil régional du Cavally ?
Non, non, pas du tout. C’est une catastrophe naturelle. Quand il pleut, ce n’est pas le gouvernement qui est à la base, ce n’est pas la présidente du Conseil régional encore moins le député Kahiba ou le maire que je suis. C’est un phénomène météorologique. La pluie est naturelle. Néanmoins, comme ce n’est pas la première fois que le Cavally sort de son lit, je voulais dire que gouverner, c’est prévoir. Nous demandons au gouvernement de résoudre le problème de l’axe Diahibly-Paoubly.
Qu’en est-il des travaux de bitumage de la route Bloléquin-Toulépleu-Pekan-Barrage ? Est-ce que ces travaux ont
effectivement repris ?
L’entreprise Soroubat est en train de s’installer pour la reprise des travaux. Nous avons recherché un site sur lequel il y aura leur parc auto et où ils vont fabriquer tous les matériaux qu’il faut. Ce site se trouve près du village de Guiellé. Un site de 3 ha que la mairie et la sous-préfecture leur ont attribué. Une Convention a été signée avec le village de Guiellé. D’ici là, les derniers documents administratifs vont être faits et l’entreprise va commencer les travaux. Le lancement, à nouveau, de ces travaux ne se fera pas sans la présence des membres du gouvernement. Toutes les machines, tous les engins sont parqués à Guiellé en attendant le lancement officiel des travaux. Déjà la société est choisie. L’installation de l’entreprise à Guiéllé annonce la reprise des travaux. Il y a aussi que la voie Guiglo-Bloléquin est impraticable. Il faut aussi attribuer les travaux à une entreprise. Car, il ne sert à rien de faire la voie Bloléquin-Toulépleu alors que Guiglo-Bloléquin est impraticable. Pour le moment, on ne peut pas parler de début de commencement des travaux. La société Soroubat est en train de s’installer.
Lors de la journée d’hommage au chef de l’Etat, le 13 août 2022, vous avez prononcé un discours qui a semblé être équivoque dans les esprits de vos militants, quand vous avez dit que vous êtes « derrière madame la ministre Anne Désirée Ouloto ». Pouvez-vous précisez aujourd’hui votre pensée ?
Je crois qu’il n’y avait pas d’équivoque. Ma présence à Toulépleu, à une cérémonie d’hommage au chef de l’Etat, suscitait déjà une curiosité… Une cérémonie, devant laquelle on voit Anne Ouloto, on voit le ministre d’Etat Téné Birahima, représenté par le ministre Kouadio Konan Bertin, Denis Kah Zion, membre des instances du Pdci-Rda, membre du Secrétariat exécutif, délégué départemental du Pdci-Rda, collaborateur direct du président Henri Konan Bédié, propriétaire du journal ‘’Le Nouveau Réveil’’, aller à une telle cérémonie, ça suscitait déjà une curiosité. Donc, tout était scruté. Mes pas, mes mots, les virgules dans mon discours.
Alors, on est tenté de vous demander : pourquoi vous êtes allé à cette cérémonie ?
Je suis un maire élu. J’ai été toujours à des cérémonies officielles. La mission d’un maire, c’est le développement. Là où on parle de développement, le maire doit être présent. Nous avons été invité à prendre part à une cérémonie républicaine. C’est le chef de l’Etat qui signe et octroie le budget du maire.
Je ne peux pas prendre le budget qu’il m’octroie et dire en même temps que je rejette une cérémonie en son honneur, alors qu’avec mon Conseil municipal, nous bénéficions des millions de F Cfa de subvention du chef de l’Etat pour développer les 18 villages de la commune et les 11 quartiers. Je ne peux pas être hypocrite vis-à-vis du chef de l’Etat, je ne peux pas être méchant, je ne peux être non reconnaissant vis-à-vis du chef de l’Etat,Alassane Ouattara. Et, dans mon discours, j’ai été clair. J’ai dit : « s’agissant du développement, nous avons notre soeur, Anne Désirée Ouloto, qui est au gouvernement depuis pratiquement dix ans, qui est là où les décisions se prennent, nous devrions être à ses côtés pour que nous ayons tout ce que nous voulons avoir. Nous avons notre soeur qui est à côté du président de la République et devrions l’encourager à poser les problèmes de la région ». Mais, je n’ai pas dit : « soutenons Anne Ouloto, militante ou ministre Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, Ndlr)».
Quelle est la position de votre parti, le Pdci-Rda ?
Avant d’aller à cette cérémonie, j’ai informé le président de mon parti, j’ai informé le Secrétaire exécutif en chef de mon parti et ils m’y ont encouragé, pour dire qu’il s’agit de développement, « tu es le premier agent de développement, il faut y aller ». Ce n’était pas un meeting politique. Tout le monde était là, y compris l’ancien député Gbon Guy Bernard, un haut responsable du Ppa-CI (Parti de peuples africains-Côte d’Ivoire) et qui a participé à toutes les réunions à Abidjan. J’ai été surpris de la réaction du parti politique qui a voulu faire un démenti.
Vous avez doté les forces de l’ordre de Toulépleu d’engins roulants. Quel sens donnez-vous à tel acte ?
Comme vous le savez, la mairie, ce n’est pas seulement pour construire les Centres de santé, faire les routes, il y a aussi le bien-être de nos parents et leur sécurité. J’en ai profité pour rendre hommage aux forces de l’ordre. Depuis 2002, après les évènements de Tiobly, il n’y a plus eu de coup de feu dans le département. Et cela, nous le devons aux forces de l’ordre. Aujourd’hui, il y a un escadron de plus de 100 éléments. En plus de la Brigade de gendarmerie, nous avons les Faci (Forces armées de Côte d’Ivoire), la police, les Eaux et Forêts, tous ces corps contribuent à la sécurisation de Toulépleu. A défaut d’avoir des véhicules, nous avons, pour le moment, offert de engins, des motos de grande capacité pour leur mobilité. C’est un signe d’encouragement et de remerciements par rapport aux efforts qu’ils déploient dans l’instauration d’un climat de sécurité dans le département.
Il y a un climat d’entente entre vous et Anne Désirée Ouloto actuellement. Vous avez participé au dernier Conseil régional du Cavally, pour la première fois…
C’est la toute première fois que j’assiste à un Conseil régional sous la mandature de madame la ministre Anne Désirée Ouloto. Ça a dû surprendre quelques personnes. En tant que maire, je suis membre du Conseil économique et social régional (Cesr) et à ce titre, je dois participer à toutes les réunions. J’ai assisté à cette réunion pour renvoyer l’ascenseur à ma soeur Anne Désirée Ouloto qui a désigné, récemment, le 4e vice-président du Conseil régional pour assister à notre réunion du Conseil municipal à ma demande. C’est dire qu’il y a un bon climat d’entente entre la ministre Anne Désirée et moi en ce qui concerne le développement. S’il s’agit de nos différents partis politiques, chacun est dans son parti. Mais quand il s’agit du développement, nos deux collectivités doivent vraiment se mettre ensemble pour parler le même langage. Il y a des projets qui sont en train d’être réalisés à Toulépleu. Madame la ministre a décidé, qu’au mois de décembre 2022, il y ait une conférence des élus locaux du Cavally, au cours de laquelle les mairies vont exposer leurs problèmes au Conseil régional et le Conseil régional dira aux mairies ce qu’il attend d’elles.
Quels sont vos projets à Toulépleu ?
Il y a beaucoup de projets que nous avons et que nous n’arrivons pas à réaliser. La réfection du Lycée qui est du ressort du Conseil régional, les Centres de santé à construire dans beaucoup de villages, les voies d’accès. Mais, je voulais dire que nous n’attendons pas que tout sorte de l’enveloppe du Conseil régional. Nous devrions nous mettre ensemble pour aller vers le gouvernement et poser les problèmes de manière globale. En dépit de nos différences au plan politique, à partir du moment où nous sommes élus, nous devrions parler le même langage, celui du développement.
Le bâtiment de la préfecture de Toulépleu est tombé en ruine depuis plusieurs années, au point que les services de la préfecture ont été délocalisés dans les anciens locaux de l’Onuci. Qu’est-ce qui bloque la réhabilitation du bâtiment ?
Je n’ai pas d’éléments d’information sur ce dossier. Ça fait des années que la préfecture est tombée en ruine. Je voudrais simplement dire que cet état de fait n’est pas bon pour l’image de notre département.
Le Pdci-Rda sort d’un Bureau politique important, au cours duquel des décisions ont été prises. Que doit-on retenir de cette rencontre ?
Tout le monde avait pensé que c’était un Bureau politique de tous les dangers. Tout le monde avait pensé que le président Bédié allait avoir une maitrise difficile de ce Bureau politique. Le président Bédié a démontré, une fois de plus, sa maestria à diriger les réunions politiques. Il est vraiment le fils et l’héritier du président Houphouët-Boigny. Des problèmes peuvent se poser, il peut y avoir des conflits de personnes, mais le président du parti prend de la hauteur, il regarde, il lit, il survole et il oriente les militants, il oriente le parti là où il faut.
Comment voyez-vous le prochain Bureau politique ?
Nous sortons de ce Bureau politique et nous avons espoir que le prochain, annoncé pour se tenir avant le 15 décembre prochain, va tracer les sillons du congrès qui aura lieu en 2023.
Quel est l’enjeu de ce congrès ?
Nous souhaitons que ce congrès ait lieu. C’est un congrès au cours duquel de grandes décisions seront prises. Ces grandes décisions vont nous emmener, d’abord, aux élections locales de 2023 et ensuite aux présidentielles de 2025. C’est vrai que beaucoup de
choses ont été dites avant le Bureau politique. Nous avions eu peur, tous, en allant à Daoukro, mais le ciel de nous est pas tombé sur la tête. Le président Bédié a maîtrisé le Bureau politique.
Mais, il y a eu deux communiqués contradictoires qui sont sortis…
Oui, il y a eu deux communiqués sortis. Un communiqué qui ne devrait pas sortir mais qui est vite sorti et puis un communiqué officiel. Ce que nous retenons, c’est que le président a fait confiance à un comité de pilotage qui a conduit les travaux de ce Bureau politique. Et, il a dit qu’il faut que le prochain Bureau politique soit préparé par le Conseil de surveillance dirigé par N’Dri Narcisse. Je pense bien que nous sommes encore dans cette ligne. Mais aussi, en même temps, nous apprenons qu’il va y avoir des changements. Mais, nous avons foi en ce que le président nous a dit à Daoukro. C’est que, s’il a vu que le comité de pilotage a failli à ses responsabilités à un moment donné, il préfère que le prochain Bureau politique soit confié au Comité de surveillance. Il faut donc qu’on s’en tienne à ce que le président a dit. Le président ne peut dire une chose aujourd’hui et dire une autre chose le lendemain. Donc, pour ma part, le président du Comité de surveillance est en train d’organiser le prochain Bureau politique, annoncé pour se tenir avant le 15 décembre. Et, ce Bureau politique va préparer le congrès qui est projeté pour le premier trimestre de 2023.
Est-ce vrai qu’une partie de la jeunesse du Pdci a rejeté la décision du Bureau politique demandant à Bédié d’être le candidat à la présidence du parti ?
Ça a été du buzz. Il n’y pas eu de déclaration officielle. C’est sur Rfi et des gens ont pris un bout pour faire leurs commentaires.
Que s’est-il passé réellement ?
Nous sommes allés au Bureau politique. Nous étions 400 personnalités présentes à Daoukro. Ce n’est pas le président Bédié qui s’est proposé lui-même. C’est le Secrétaire exécutif en chef, le ministre Maurice Kakou Guikahué, qui, à la fin de son exposé, a dit ceci : « monsieur le président, nous avons fait le tour de la Côte d’Ivoire. Nous avons interrogé les Ivoiriens. Il y a eu des séminaires. Il revient que les militants vous demandent de faire un dernier sacrifice d’accepter d’être à la tête du Pdci-Rda, une fois de plus. Vous êtes donc notre candidat ». Si dans la salle, un jeune, membre du Bureau politique, avait pris la parole pour marquer son opposition, elle aurait été prise en compte. Il y a eu des débats et des échanges à la suite du Secrétaire exécutif. Et tous ceux qui ont pris la parole sont allés dans le sens de la proposition du Secrétaire exécutif. Personne n’a pris la parole pour s’opposer à cette proposition. Mais quelqu’un qui n’est pas dans la salle et qui fait une déclaration sans même prouver sa qualité de membre des instances du Pdci-Rda, quel crédit accorder à un tel individu ?
Le Pdci-Rda est-il vraiment traversé par des tendances ?
C’est vrai, aujourd’hui, il y a plusieurs tendances au Pdci-Rda. Il y a ceux qu’on appelle les ‘’Camoraciens’’, les ‘’anciens Meecistes’’, ceux qu’on appelle les ‘’Sans voix’’, il y a ceux qui ont des intentions de candidature à la présidentielle. Il y a aussi souvent les gens qui font la confusion entre la présidence du Pdci-Rda et la candidature à la présidentielle de 2025. Nous sommes au Pdci-Rda et c’est nous qui avons demandé au président Bédié de rester à la tête du parti.
Pourquoi ?
Dans la situation actuelle dans laquelle nous sommes, les échanges qui ont lieu au haut niveau, si le président Bédié n’est pas là-bas pour parler au nom du Pdci-Rda avec le président Alassane Ouattara, avec le président Laurent Gbagbo, je ne dis pas qu’il n’y a personne d’autre pour porter la voix du Pdci-Rda, mais en l’état actuel de la situation, les moments que nous vivons en Côte d’Ivoire, le président Bédié est le seul en mesure de porter haut la voix du parti. Et, il a toutes ses facultés, il a la lucidité, il a la sagesse. A bien des égards, sur plusieurs points relatifs à la paix et la cohésion sociale, le président Bédié a sauvé la Côte d’Ivoire. L’acteur principal, l’initiateur du dialogue politique national, c’est bien le président Bédié. Nous avons la chance de l’avoir et nous pensons que Bédié est une chance inouïe pour le Pdci-Rda et pour la Côte d’Ivoire. Le débat interne concernant la présidentielle de 2025 peut être ouvert lors du 13e congrès qui aura lieu en décembre. C’est une Convention qui va choisir qui sera le candidat du Pdci-Rda en 2025. Il faut que les gens arrêtent de donner dans la confusion.
Comment interprétez-vous l’absence à ce Bureau politique de Jean-Louis Billon ?
Nous sommes tous membres du Secrétariat exécutif. Il a certainement eu un empêchement. Billon n’a pas de problème particulier avec le Pdci-Rda. C’est un militant reconnu, un membre actif du Secrétariat exécutif. S’il n’est pas venu, il a dû avoir un empêchement et je reste convaincu qu’il a dû échanger avec le président du parti.
Est-ce que Jean-Louis Billon s’est excusé officiellement auprès du Bureau politique par une note d’excuses ?
Il y a presque 2 000 membres du Bureau politique. Si chacun doit s’excuser, doit envoyer sa note d’excuses, je ne sais pas comment cela pourrait se gérer. C’est le président du parti, seul, qui reçoit les notes d’excuses. Je vais vous donner un exemple : une dame chargée de la chancellerie du Pdci-Rda, Mme Denise Houphouët, devrait être à ce Bureau politique. Sa place était prévue à la table de séance. C’est au dernier moment qu’elle n’a pas pu venir pour raison de santé. C’est au dernier moment que le président du parti a été informé. Et, il y a eu beaucoup de cas comme celui de Mme Denise Houphouët. Et puis, le Bureau politique était un jour ouvrable, qui était déjà un handicap pour beaucoup de cadres.
Est-ce que Billon ne se comporte pas un peu comme un électron libre qu’on ne peut pas maîtriser ?
Non, je ne le pense pas. Je connais bien Jean-Louis. Nous sommes ensemble au Secrétariat exécutif et puis ensemble, nous avons piloté la communication. C’est un monsieur très poli et respectueux. Ce n’est pas quelqu’un de belliqueux, qui offense
les gens. C’est vrai qu’il dit souvent ce qu’il pense, mais ça ne fait pas de lui un indiscipliné et un malpoli, politiquement. Non, je ne pense pas.
Pensez-vous qu’il fera un bon candidat du Pdci-Rda en 2025 ?
Je n’ai pas pour tâche d’apprécier les candidatures. Je suis un militant discipliné. Le jour où on nous dira voilà les candidatures, à ce moment-là chacun dira pourquoi il est candidat et nous aviserons sur chaque cas… Je ne suis pas là pour qualifier ou disqualifier les potentiels candidats.
Des bruits ont couru ces derniers temps, faisant état d’un rapprochement entre le Pdci-Rda et le Rhdp. Pensez-vous que cela est envisageable ?
Ce que je peux dire, que ce soit le Rhdp, le Ppa-CI, le Fpi (Front populaire ivoirien, Ndlr) ou le Pdci-Rda, le président Bédié nous enseigne toujours quelque chose. En politique, il ne faut jamais dire jamais, jamais, jamais. L’impossible peut se produire, sans que vous ne vous y attendiez. Est-ce que ce sera avec le Rhdp, est-ce que ce sera avec le Ppa-CI, est-ce que ce sera avec le Fpi, est-ce que ce sera avec d’autres partis, pour l’instant, nous avons un guide qui est le président Henri Konan Bédié. Moi, j’évolue au rythme du président Henri Konan Bédié. S’il nous dit d’avancer, nous avançons. S’il nous dit arrêtons-nous, nous arrêtons. Je suis respectueux de la discipline du parti.
Quel commentaire sur le retour de Mabri au Rhdp ?
L’Udpci (Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire) est un parti politique qui a son idéologie, qui a ses responsables, qui a ses principes. Si le président de l’Udpci, docteur Albert Mabri Toikeusse, a accepté de retourner au Rhdp, je ne ferai pas de commentaires sur ce que les uns et les autres font. Moi, je respecte les positions des partis politiques, je respecte les positions des leaders politiques. L’Udpci a ses raisons de retourner au Rhdp et il n’appartient pas à un cadre du Pdci-Rda de commenter ou de juger cela.
En tant que patron de presse, quel jugement portez-vous sur ce secteur en Côte d’Ivoire, sous le régime du Rhdp ?
Je plains la situation de la presse ivoirienne sous le président Alassane Ouattara. Il est incompréhensible et inacceptable de savoir qu’aujourd’hui, cette presse se meurt, sans réaction du gouvernement. Comme si le gouvernement s’en délecte et comme si cette situation fait plaisir à certaines personnes. Alors que nous qui avions soutenu le président Alassane Ouattara, nous avons lutté pour qu’il y ait la liberté de la presse, la liberté d’expression. Cette liberté, aujourd’hui, elle est foulée au pied, elle est bafouée. Parce que quand la presse ne peut pas vivre et survivre, avec tous les problèmes liés à la suppression de la subvention de l’Etat depuis des années, avec les difficultés de distribution de nos produits de presse confiés à Edipresse qui a disparu et dont l’héritage est confié à Fraternité Matin, un concurrent qui est appelé à distribuer d’autres concurrents, c’est du jamais vu.
Que font les faîtières, notamment le Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (Gepci) et l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) ?
Quand nos faîtières posent le problème, pas de solution. Beaucoup de journaux ferment sous le président Alassane Ouattara. Beaucoup de journaux sont en difficulté. Il n’y a pas un seul journal qui tire plus de 5 000 exemplaires et qui en vend 2000. La situation de la presse ivoirienne est catastrophique. Cet état de fait ne doit pas réjouir le président Alassane Ouattara de savoir que sous sa mandature, la presse ivoirienne se meurt. Cette presse qui a fait de lui le président de la République. J’ai la chance de lui parler, j’ai aussi cette chance de m’exprimer dans la presse. Je voudrais dire au président de la République de sauver la presse ivoirienne. Je lui demande de mettre tout en oeuvre pour que les journaux vivent. Que toutes les dispositions soient prises. Il ne peut pas avoir de pays sans journal.
Il y a donc, de votre point de vue, une volonté affichée de tuer les journaux ?
Il est nécessaire d’avoir une presse dans son pays. On ne peut pas soutenir seulement les journaux du Rhdp et voir les autres journaux souffrir et souhaiter même leur disparition. Je demande seulement au président de la République, au Premier ministre, je demande au ministre de la Communication, de voir cette question des journaux. Les entreprises de presse ferment, les unes après les autres. Les journalistes sont au chômage ou même sont licenciés, ce n’est pas bon pour l’image d’un pays. La référence dans un pays dit démocratique, c’est la presse. La bonne santé démocratique se juge à travers la presse. Tous ceux qui débarquent en Côte d’Ivoire regardent la Une des journaux.
Quelles sont vos pistes de solutions ?
Il faut d’abord et avant tout régler le problème de la messagerie, c’est-à-dire le problème lié à la distribution des journaux, donc d’Edipresse (Edition distribution de presse, Ndlr). Je ne peux pas concevoir qu’un concurrent à moi-parce que mon journal Le Nouveau Réveil est 3e après Soir Info, après Fraternité Matin et c’est le concurrent qui est premier à quelques points d’écart)- puisse me distribuer correctement. Je doute. Même Soir Info qui, pour moi aujourd’hui, est le premier, je dis, aujourd’hui, il faut que la messagerie soit distribuée par une société qui ne fait que ça comme job. Mais, on ne peut pas être éditeur et distributeur d’autres journaux. Et ça, au vu et au su du gouvernement et du chef de l’Etat. Et, plus grave, le Président du conseil d’administration (Pca) de Fraternité-Matin a sa signature sur nos chèques, comme gérant d’Edipresse. Un Pca ne signe pas de chèque. J’assume ce que je dis puisque j’ai été Pca. Il ne peut pas être Pca de la Snepci (Société nationale de presse et d’éditeurs de Côte d’Ivoire, Ndlr) et être signataire et gérant de la messagerie de presse. Il y a la loi Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, Ndlr). Nous avons laissé faire mais aujourd’hui, ça doit s’arrêter. Nous ne pouvons plus accepter cela. Nous avons laissé faire, nous avons regardé faire parce que nous avons pensé faire confiance au gouvernement pour corriger cela. Mais le gouvernement ne corrige pas et les journaux sont en train de disparaître les uns après les autres.
Pensez-vous que dans ce que vous dénoncez concernant la signature du Pca, il y a un conflit d’intérêt ?
Oui, manifestement, il y a un conflit d’intérêt. Mais, ce que je veux surtout dire, est qu’il y a des gens qui sont heureux de voir les journaux disparaître. Mais ces journaux qui disparaissent peuvent renaître demain, forcement. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Il faut donc faire très attention. Je souhaite simplement que cet appel soit entendu. Et que les faîtières comme le Gepci, l’Unjci organisent une ligne de conduite, qu’elles sachent où elles vont. Elles doivent être solidaires. Or, nous constatons, malheureusement, qu’à l’heure des difficultés, chacun prend sa position, va là où il veut et finalement, nous sommes tous ridiculisés.
Interview réalisée par
Armand B. DEPEYLA
Soir Info
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